ECHOS - La sentinelle pourpre. T.1 ( 1er jet )

Chapitre Cinq. Œil pour œil.

Ses azures ne sont plus deux billes rondes voilées de mauve. Iris écarquillées, dilatées au possible, la frêle créature au teint diaphane papillonne des cils tout en observant ce qui se joue devant elle, interloquée et troublée. Si la traversée de la citadelle l'avait totalement subjuguée, la devanture face à eux n'est que stupeur et intrigue. Parmi les hautes technologies, les tours de verres, les anneaux de fer géant d'où s'échappe d'immenses vaisseaux aux formes et aux couleurs atypiques, se tient un établissement plus que déplacé. Mais ô combien intriguant et excitant.

Une Taverne.

Une. foutue. Taverne.

La presque rousse baisse ses iris sur l'étrange cape offerte par Kyle un peu plus tôt, tout en se mâchouillant la lèvre inférieure. Ca aussi, ça jure avec le reste. Les fines coutures en arabesques délicates et dorées apportant à sa tenue une délicatesse insoupçonnée, surtout avec l'étrange armure de tissu planquée sous la cape. Capuche sur sa tête, la bouille pâle d'Abbie se tourne alors vers le grand blond. Ses yeux sont pratiquement comme les siens, excepté les reflets violets. L'intéressé tourne finalement le bout de son nez étrangement adorable et retroussé pour un homme, ses lèvres se retroussant légèrement en une grimace.

- Quoi ?

Il a définitivement l'air plus bougon qu'elle. Pourtant, c'est à la jeune femme qu'il en viendrait de râler, paniquer, jurer et hurler. Comme elle l'a fait bien avant, avant de se laisser totalement emporter par le tourbillon infernal de cet univers complètement chimérique. Ce n'est qu'un rêve. Du moins, c'est-ce qu'elle a décidé de conclure afin de supporter le choc, la fatigue et l'angoisse. Elle a bien failli finir en brochette, et ce à plusieurs reprises.

- Rien, fait finalement la jeune femme en haussant les épaules. C'est un endroit très étrange et ... Hors du commun, c'est tout.

Pour toute réponse, son compagnon de fortune s'arme d'un sourire moqueur, tout en enjambant les premières marches de la bâtisse immense pour ouvrir la grande porte. Tout est démesuré, ici. Et pourtant pas dénué de charmes et ... D'originalité. Abbie a la sensation de plonger dans un crossover d'univers différents. Technologies et antiquités se mélangent, ne formant plus qu'un ensemble d'objets, de bâtiments et d'éléments uniques. La preuve en est, à peine entrée à l'intérieur, qu'elle est happée par l'ambiance chaleureuse et animée de l'endroit. Autant qu'à l'extérieur, ici, la vie grouille et s'insinue de toute part. Les fût sur les tables ne sont pas en bois ou en fer, comme elle aurait pu s'y attendre. Mais d'un verre étrangement teinté de noir. Presque transparent, ne laissant pourtant pas le loisir de deviner le liqueur ondulant à l'intérieur. Et que dire des tenues de chacun. Si certains abordent quelques accoutrements aux allures sophistiqués et épurées, d'autres semblent sortir tout droit d'un monde Steampunk. Un mélange de culture bordélique et incroyablement harmonieux en même temps. Contrairement à la Citadelle, car c'est le nom que Kyle avait donné à l'étrange édifice duquel elle avait été violemment gerbée, tout est ici respire l'air frais, les couleurs chaudes, et une camaraderie contagieuse.

Tournant ses azures vers sa gauche, Abbie observe l'étrange bar. D'abord taillé dans une roche noire semblable à celle vue plus tôt, celle-ci semble faire appuie à une immense plaque faite du même verre presque noire. A croire qu'un seul minéraux ne soit disponible ... Ce qui, d'une certaine manière, est peut-être bien possible. Pourtant ... Elle est encore sous le coup du scepticisme. Abbie ne peut tout simplement pas se trouver sur une autre planète. La langue diffère, les coutumes semblent tout autant étrangères aux siennes, tout comme chaque chose matériel ... Elle a une foutu puce dans le crâne et croisé des milliers de véhicules volants. Pourtant, à sa droite, sur une estrade taillé à même la fameuse roche, enfoncée dans le mur et pourtant parfaitement éclairée et décorée avec goût, la 'scène' porte une femme qui joue de la harpe. Une harpe aux allures électroniques, sertie de milliers de petits boutons qui pour elle, ne sont que du pur charabia. Quant au son prodigué par l'instrument ... Eh bien, il est tout simplement divin. Plus claire encore que ce qu'elle avait déjà entendu, les cordes résonnent et s'accordent aux doigts fins de la sylphide aux longues boucles blondes. Des milliers de perles tombant de ses filets d'or. Plus encore, ce sont les paroles chantées d'une voix douce et ensorceleuse qui l'intrigue. Tandis que Kyle la pousse à prendre place dans un coin discret de la salle, les paroles du chant résonne en elle comme un Echo lointain.