Lorsque Abbie a vu cet homme planté au milieu de la pièce. Elle a su. Irrémédiablement, que quelque chose n'allait pas. Son instinct le lui hurlait tandis qu'elle était prostrée sur cette piste, et son instinct ne se trompe jamais. C'est sa meilleure arme, celle dont elle use toujours de prime abord pour faire face aux problèmes. Mais la peur, elle, est un sentiment qu'elle n'a pas l'habitude de côtoyer. Cette nuit, la crainte avait flirté avec elle dangereusement. Un avertissement ? Sûrement. Quelque chose ne va pas, une chose qu'elle redoute. Un sentiment irrationnel dont elle voudrait vraiment se défaire. Mais Abbie le sait, elle ne peut pas.
Il lui ressemblait comme deux goûtes d'eau.
Mais elle avait bu, la veille. Les lumières vives éclairant les corps enfiévrés ont très bien pu déformer sa vision, se jouer d'elle. Rien n'est impossible, même si, malgré sa petite consistance, Abbie n'a jamais été ivre après quelques verres. Des souvenirs enfouis, de vieilles rancœurs, voilà ce que c'est. Ce qui ondule dangereusement dans ses veines, n'est que le fruit de son imaginaire. Car Abbie sait qu'elle a tout inventé. Du début à la fin. Voilà pourquoi elle est là, plantée devant la porte de l'hôpital. Refusant que tout se reproduise à nouveau, refusant de subir encore et encore les délires de son esprit déjà bancal. Trop de déviances, trop de pressions ... Trop de secrets. William lui-même ignore totalement cette partie de sa vie, et elle compte bien la lui cacher pour le restant de ses jours. Il y a des choses dont on ne veut pas parler, qu'on préfère enterrer. Sa jeunesse fougueuse lui permet d'y croire dur comme fer. Oui, elle peut mentir. C'est ... Facile.
Tellement aisé.
Eliott inspire longuement, son pied gauche agissant pour elle, suivit rapidement par le droit. Gauche, droite, gauche, droite. Elle avance, avec l'envie de recracher sa bile. La jeune femme n'a pas mis les pieds ici depuis ses neuf ans, et depuis l'incident, Edgard et elle avaient signé un accord silencieux. Dirigé plus par son grand-père que la gamine effrayée qu'elle était alors, bouffée par les questions. Quelles sont ses origines, où sont ses parents ? Pourquoi n'a-t-elle jamais été ... Normale ? Une passe, disait-il. Comme tout pré-adolescent, puis adolescent qui se respecte, Abbie s'était sentie différente, incomprise. Toutes ces théories étaient infectes, mais vraies. Elle n'était qu'une ado parmi tant d'autres. Abandonnée par ses parents. Si Edgard n'avait pas été là ... Abbie frissonne, avançant nerveusement jusqu'à la réception. Elle lui doit tout, et la déception d'une rechute serait immense. A l'accueil, une infirmière portant la blouse fade réglementaire lève à peine les yeux vers elle. Ses boucles blondes entourant un visage légèrement ovale. Ses prunelles d'un vert incroyable la jaugeant un moment, avant qu'elle lâche d'un timbre ennuyé :
« - Je peux vous aider ?
Abbie se racle la gorge, tripotant le bord en marbre glacial du comptoir.
- Je viens voir le Dr. Swarkovitz ... marmonne la brune d'une voix rauque.
- Vous avez un rendez-vous ?
Aïe.
- Oui, ment-elle par réflexe, son instinct reprenant aussitôt le dessus. Mais je suis vraiment en retard, vous savez comment il est, il déteste ça, balbutie Abbie en lui adressant un sourire nerveux.
S'attirant le regard suspicieux de l'infirmière. Elle aurait pu prendre un rendez-vous, mais attendre des mois lui est insupportable, pas après plusieurs délires à la suite. Elle n'a plus le temps.
- Il a été pris à la dernière minute, embellie Abbie en venant triturer les bords de son gilet, sentant ses cheveux chatouiller légèrement ses épaules. Une urgence ... Vous pouvez vérifier mon dossier, j'ai été sa patiente de sept à neuf ans ...
VOUS LISEZ
ECHOS - La sentinelle pourpre. T.1 ( 1er jet )
Science FictionQu'est-ce qui peut changer votre vie ? Une relation ? Un espoir brisé ? Gagner au Loto ? Devenir votre propre patron ? Tout foutre en l'air et partir pour une autre vie sous un coup de Folie ? Ces choses en apparence dérisoires qui peuvent avoir une...