La migraine est insoutenable. Presque autant que la bile qui monte de son estomac à son œsophage. A deux doigts d'être gerbée de ses lippes rendues blanches. Abbie papillonne, soufflant longuement et inspirant l'air rance qui l'entoure. Ses paupières sont trop lourdes, autant que chacun de ses membres. Sous son épiderme, tout semble glacial. Dur. A ses esgourdes, résonnent des cliquetis de machines. Stridents. De nombreuses voix semblent aller de concert, ricochant de gauche à droite. Toutes proches. Un homme et une femme. L'une lui semble familière, l'autre totalement inconnue. Puis la douleur striant ses veines survient à nouveau, secouant ses membres de spames. La douleur lui arrache un gémissement étouffé par un objet bloquant sa bouche, grimpant jusqu'à l'arrête de son nez. La cervelle embrouillée, Abbie ne perçoit bientôt plus les bruits ou les voix qui l'entourent. Retombant petit à petit dans une bulle de ténèbres indolore.
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« - Père ! Vous ne pouvez pas !
- Fils, il est temps pour toi de prendre tes responsabilités. Un jour, tu comprendras. Mais pour le moment, écarte-toi de mon chemin.
- NON ! »
Echos aux goûts de cendres. Les deux azures froides de l'homme s'ouvrent instantanément. Couché dans les draps sombres de sa couche, le grand brun-roux inspire et expire longuement. La fine perle de sueur roulant de sa tempe, dansant sur sa peau légèrement halée, retombant jusqu'au creux de sa nuque pour aller se noyer dans sa crinière. Un long soupire s'échappe de ses lippes, et lentement, ce dernier se redresse. Chair pétrie. Esprit malmené. Le cauchemar de ce jour le hante encore et encore. L'homme étire ses longues guibolles, posant pied à terre et frémissant au contacte glaciale de la roche polie. Noire. Comme pratiquement tout ici. D'un grondement mal luné, le géant se redresse pour se diriger vers l'un des murs de la pièce. En son centre, le lit immense semble à peine remplir l'espace. Du grand balcon, l'air à l'odeur si particulière s'insinue dans ses appartements, dégageant sa chaleur et se mélangeant à la sueur froide de son torse nu. Ses doigts parcours le mur à l'opposé du balcon, s'insinuant dans les rainures sombres et discrètes. Plusieurs lignes de lumière parallèles apparaissent. Azure contre ténèbres. Par habitude, le grand brun plaque sa main entre les deux premières lignes. Un large rectangle s'extirpe des entrailles de roches polies, offrant ainsi son contenu à l'homme à peine réveillé. Sa longue patte droite allant piocher au hasard. Ses membres sont encore douloureux, et même les premiers soins administrés par Xan'Dras ne parviennent pas à calmer le lancement dans sa tempe. Enfilant le vêtement sombre à la matière épaisse mais confortable, l'homme se dirige vers les portes de son appartement. Jambes et pieds toujours vêtus. Pantalon noir épais aux protections discrètes mais efficaces, chausses de métal sombres. Cette armure fine n'en a pas l'apparence, pourtant, elle ne lui a jamais fait défaut.
« - Al'Aaric ! tonne une voix dans son dos, obligeant l'intéressé à changer de direction. La jeune femme qui se tient au bout du couloir s'approche de lui au trot, essoufflée et courbée de fatigue. Elle est enfin debout ... On a du mal à la calmer. Il faut que tu viennes, tout de suite ! » s'empresse la rousse en tournant déjà le dos, rapidement suivie par son supérieur.
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Rage. C'est tout ce qu'elle est capable de ressentir. Ses entraves sur son corps à son éveil. Sa silhouette couverte d'un tissu épais aux mosaïques octogonales collant sa chair, ne faisant plus qu'un avec elle. Sa longue crinière Auburn lâchée sur ses épaules, le col serre son cou, les liens meurtrissent ses poignets et ses chevilles. Elle a beau hurler, rien n'y personne ne semble apte à comprendre l'objet de ses plaintes.
« - Où est-ce que vous m'avez embarquée, bande de dégénérés ! crache-t-elle à nouveau, dents serrées.
Qui l'a changée ? La jeune femme baisse la tête, avisant les chaussures d'une même couleur. Si le blanc est immaculé, les pointes de ses chausses sont, elles, d'un métal dur et solide. Presque brillant. Presque lourd. Tout lui semble inconnu, ici. De la matière de ses vêtements aux objets présents. Jamais encore elle n'avait eu l'occasion de voir de tels appareils. La table sur laquelle son corps reposait plus tôt dégage une fine lumière bleuâtre. Tout comme le dôme placé en hauteur et parallèlement . Derrière elle, de nombreux écrans à peine palpables tapissent une vitre sombre. Elle ignore ce qu'il y a derrière, mais Abbie est prête à parier qu'elle est fumée. Qui l'observe, bien à l'abris et à l'ombre ? Qui s'amuse à jouer ainsi avec elle ? La drogue qu'on lui a injectée se dissipe petit à petit. Du tranquillisant ? Tout pense à croire qu'il s'agit d'une salle d'opération. Malgré les murs sombres, tout objet de lumière est d'un bleu azure captivant. Mais ses prunelles à l'éclat bientôt plus mauve qu'opale ne prennent pas le temps d'aviser le contenu des écrans, ni le reste de la pièce singulière. Abbie inspire longuement, avisant trois personnes face à elle. Tous masqués. Armés. La fille qui était là, un peu plus tôt, aux cheveux d'un roux clair et à la coiffure étrange revient rapidement. Elle semble essoufflée, mais les mots qu'elle prononce sont entrecoupés. La jeune femme tourne le menton dans tous les sens, son cœur battant à tout rompre dans sa cage thoracique. Le palpitant est à deux doigts d'être gerbé de ses lippes, tellement la situation surréaliste l'angoisse. Etrangement, par brides, quelques mots lui semblent soudainement plus compréhensibles. Entre le charabia mâché, quelques syllabes l'interpellent. Attacher. Calme ...
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ECHOS - La sentinelle pourpre. T.1 ( 1er jet )
Science FictionQu'est-ce qui peut changer votre vie ? Une relation ? Un espoir brisé ? Gagner au Loto ? Devenir votre propre patron ? Tout foutre en l'air et partir pour une autre vie sous un coup de Folie ? Ces choses en apparence dérisoires qui peuvent avoir une...