La rage est parfaitement lisible dans ses prunelles onyx. Durant un fugace instant qui semble durer une éternité, Edgard observe avec appréhension le visage de William. Il s'est détourné de la silhouette figée d'Abbie pour fusiller Al'Aaric d'un regard polaire.
« - C'est vous ... souffle-t-il, dents serrées.
L'intéressé ne bouge pas d'un millimètre, rendant son regard au brun. Contrairement à ce dernier, il n'y a aucune colère dans son regard, si ce n'est une pointe de désolation. Oui, Al'Aaric éprouve de l'empathie pour le jeune homme. C'est pourquoi personne n'ose bouger lorsque le Terrien se redresse de son siège, pour foncer droit vers celui que tous semble considérer comme le chef. Poing serré, le brun se précipite vers lui pour asséner une droite magistrale à sa mâchoire. Il sent déjà la douleur vive qui explose dans ses os, remonte dans son bras pour se figer dans son épaule. Toute son ossature vibre, tandis que les souffles se coupent dans l'espace silencieux.
- William ! s'insurge pourtant Edgard en approchant.
L'intéressé lui tourne le dos, inspirant et expirant avec difficulté tandis qu'Al'Aaric fait signe à l'ancien maître d'armes de ne pas approcher. Ses opales claires sont plantées dans celles de William. S'il avait désiré esquiver le coup, Al'Aaric y serait parvenu avec une aisance infantile. Il lui aurait brisé le bras. Le fait est qu'il comprend la rage qui anime le garçon, mais plus encore, il l'avait sous-estimé. Une légère traînée d'hémoglobine coule le long de sa lèvre supérieure, roulant jusqu'à son menton. Lippes serrées, Al'Aaric essuie la liqueur qui souille son épiderme tout en se redressant. Ils ont beau faire pratiquement la même taille, il n'en reste pas moins impressionnant et terrifiant pour William ou quiconque dans cette pièce. Au bout de ce qui semble être une éternité, la voix rauque du chef résonne jusqu'aux entrailles de William.
- Tu devrais aller te reposer, la journée a été très longue.
Si stoïque ... Et c'est tout ? William sent encore son poing le lancer alors qu'Al'Aaric semble à peine sentir les effets de son attaque. Mais la rage grouille toujours dans ses veines, et tout en tournant les talons, il lance avec haine à Edgard :
- Je veux rentrer chez moi.
Et sans laisser le temps à qui que ce soit d'acquiescer, il sort de la pièce.
****
L'esprit engourdie, Abbie fixe le vide. La pièce dans laquelle elle reste plantée lui parait plus sombre que jamais. C'est à peine si elle perçoit les lignes ou les limites, un simple indice pouvant la rassurer ou confirmer qu'elle n'est pas enfoncée dans le néant. Il n'y a que ce petit bout de rectangle et ces visages qui lui prouvent qu'elle n'est pas seule et isolée. Pourtant ... Abbie n'a jamais eu aussi mal. L'expression de William a été porté comme un coup de poignard en plein cœur. Le déchirement de ses traits, le tic nerveux de sa lèvres inférieure lorsqu'il apprend une mauvaise nouvelle, le froncement de ses sourcils ... Et enfin, ses grand yeux marrons écarquillés lorsque la vérité inavouable l'avait alors frappé de plein fouet. Elle reste figée, honteuse. Il a découvert ce qu'elle était vraiment, et elle n'aura jamais aucune chance de lui expliquer. Qu'y-t-il à dire ? Elle a tué ces hommes devant lui. Pourtant, lorsque tout était arrivé, il n'était pas vraiment présent. Ce n'était qu'un souvenir. Comment diable avait-il réussi ? ... La jeune femme porte ses mains tremblantes à ses tempes, sentant plusieurs anomalies sur ces dernières. Des petites bosses qui sillonnent ses tempes jusqu'à son front, certaines cachées sous des mèches auburn.
A l'aide de ses ongles, elle cherche les sillons de ce qui entrave sa chair. Lorsqu'elle les trouve enfin, Abbie tire d'un coup sec, sentant quelques racines de ses cheveux filer avec les objets. Avec une grimace, la jeune femme baisse les yeux pour observer les petits cubes noirs. Des capteurs reliés à son cerveau, ou certainement quelque chose du même style. La brune déglutit tout en faisant rouler les petits cubes entre ses doigts. Tout ça est tellement irréel qu'elle refuse encore d'y croire, pourtant elle a vu son regard. Tout comme elle entend des pas approcher de sa silhouette figée et frigorifiée. La jeune femme lève ses prunelles mauves jusqu'au faciès crispé de William. Il marche lentement vers elle, affichant cette expression qu'elle ne parvient pas à déchiffrer. Elle ne l'a jamais perçue sur ses traits. Abbie entrouvre les lèvres, prête à lui parler, avant qu'il ne lève une main en l'air pour lui asséner une gifle douloureuse. La tête d'Abbie pivote violemment, tandis que ses yeux s'embuent de larmes. Le coup est sec et directe, c'est à peine si la jeune femme parvient à bouger un petit doigt avant de tourner lentement le menton vers son meilleur ami. Difficilement, ses lèvres marmonnent son prénom. Elle n'a plus de voix, et le dégoût qu'elle lit dans le regard de William l'achève. Elle ne peut pas lui en vouloir. Elle est en réalité tout ce qui dégoûte le jeune homme. Elle n'est qu'un énième mensonge. Et lorsqu'il lui tourne le dos pour fuir sa vision, Abbie peut enfin mettre un mot sur son expression.
Trahison.
Je n'ai pas posté depuis octobre. OCTOBRE. Une fois encore, même si j'avais mes raisons et aussi besoin d'avancer ailleurs, je m'excuse pour ce retard. Je sais que quelques personnes attendent souvent après moi pour Echos, et j'espère que l'attente ne vous décourage pas ! J'espère que ce chapitre vous a plu, malgré la tristesse des événements. Je vous embrasse, et à la prochaine !
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ECHOS - La sentinelle pourpre. T.1 ( 1er jet )
Science FictionQu'est-ce qui peut changer votre vie ? Une relation ? Un espoir brisé ? Gagner au Loto ? Devenir votre propre patron ? Tout foutre en l'air et partir pour une autre vie sous un coup de Folie ? Ces choses en apparence dérisoires qui peuvent avoir une...