Autre temps. Prologue.

483 37 65
                                    

« - On va répéter en douceur. Dites-moi pourquoi elle fait ça, déjà ? crachote une voix dans l'air infesté et irrespirable.

Vêtue d'une armure fine de métal, une silhouette qu'on devine gracile et féminine se déplace. Tel un fantôme, la carcasse de fer se glisse entre les débris d'une ancienne station spatiale pour atteindre son objectif.  Un casque recouvrant tout son visage, masquant son regard sous une visière teintée. Elle erre dans ce paysage lugubre et étroit, sanctuaire de tableaux de bord et de câbles électriques.

- Parce que, rétorque une autre voix masculine, sortant d'un petit micro intégré au casque de la tenue sombre. Comme je l'ai répété cent fois, madame a refusé d'obtempérer.

- Les gars ? La ferme ! Je sais comment désactiver la 'neuro-puce'. Je n'hésiterai pas, menace la voix féminine et plus claire, légèrement étouffée par le son du casque recouvrant son visage. Je peux me débarrasser de ce truc ? J'étouffe là-dedans et ça réduit ma visibilité.

- Ne l'appelle pas une neuro-pu-

- Laisse tomber, elle veut juste te faire enrager.

Léger crachotement, au loin, on entend quelques échos de voix indistinctes.

- Non, surtout pas maintenant, intervient une nouvelle voix. Cette fois, c'est une autre femme qui répond à la première. L'oxygène est trop bas, la capsule ne date vraiment pas d'hier. Il te reste seulement 20 % dans ton armure. Tu dois faire très vite avant que ... commence-t-elle, avant d'être interrompue par l'un des hommes.

- Avant d'y passer. Dépêche-toi, ils vont bientôt venir la chercher. Ne la pose pas en évi-

- Pas en évidence ! grogne la femme en noire, j'ai compris. Je colle ce machin, j'appuie au centre, ça fait ces trucs en zigouigoui, et je file.

- Quelqu'un peut me dire pourquoi elle s'entête à ruiner les noms que je trouve à mes inventions ? s'offusque encore la femme au bout de la radio, interrompue par un son entrecoupé. Oh ... Non non non ! Sentinelles ennemies à trois heures ! A trois heures !

La femme en tenu métallique glisse méthodiquement une main derrière une poutre en fer usé, avant d'aller chercher son arme dans son dos. Ses doigts glissent avec précaution entre les striures de l'arme, tandis que ses gants thermiques se replient au bout de ses ongles, laissant sa peau entrer en contact avec l'arme. Le froid envahit aussitôt ses doigts, gelant presque son épiderme. Mais seules ses empreintes digitales permettent à l'arme de s'activer, un long fil de flamme s'allumant à chaque côté de cette dernière. Tel le ventre d'un Dragon, l'objet de mort gronde, son canon prenant la même teinte en son centre.

- Je vais geler ! Faut vraiment que tu trouves un moyen de rendre ces gants ... tactiles !

- Ils sont de l'autre côté de la soute. Vise le toit ! la coupe l'un des hommes. Utilise ton scanner, bon sang !

- Mais t'es dingue, je vais me faire aspirer ! Et j'y arrive pas, navrée, j'ai arrêté le mode d'emploi au chapitre 157 alinéa 7, ironise l'armure d'un ton piquant.

- Il y a un champ de protection sur chaque capsule de l'ancienne garde ! VISE. CE FOUTU TOIT, s'impatiente la voix rauque d'un ton grave.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Les bras protégés de plaques noires se dressent au-dessus du casque, et la jeune femme tire en hauteur. Son arme crache son filet de feu, un énorme filet semblable à un laser pourpre brûle le métal, obligeant l'inconnue à se jeter en arrière pour éviter les débris brûlants.

- Je dois le poser !

- Trop tard, la mission est annulée. Le champ est trop ancien, tu dois sortir maintenant. On est au-dessus de toi, ordonne la voix masculine, rejointe par les deux autres de concert.

- J'ai pas fait ça pour rien ! proteste la femme en posant son arme à ses pieds, retirant le sac intégré à son armure pour y dénicher un petit appareil rectangulaire. D'un geste flegmatique, les doigts de nouveaux couverts des gants thermiques plaquent l'objet contre l'un des tableaux de bord anciens. Ce dernier s'y fond presque immédiatement, se transformant, s'ajustant et se matérialisant en une plaque de verre semblable à celles présentes dans toute la capsule. Si cette boite de ferraille ne survit pas, tout cela aura été vain.

- Ils forcent la porte. File ! S'ils te voient ils sauront !

Derrière les deux plaques sombres, trois soldats vêtus de pourpre parviennent finalement à forcer le rempart des issues, pénétrant dans la capsule de secours. Arme en joues, armures plus rustiques et suintantes couvrant leurs carcasses inconnues. Au-dessus de leurs têtes, un immense trou béant aux bordures fumantes ouvre sur l'espace baigné d'étoiles mauves.

- ... Chef. On n'a rien ici. Quelqu'un a forcé l'entrée par l'extérieur. Sûrement des pillards. On répare la capsule et on la ramène comme prévu, terminé. »

L'une des voix rendues mécaniques par les habits de combat s'estompe en silence, rendant son verdict.

Une journée comme une autre, semble-t-il.

Au loin, un vaisseau file déjà entre les astres brûlants.

Son estampille masquée de poudre des roches du nord.


ECHOS - La sentinelle pourpre. T.1 ( 1er jet ) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant