Partie 22

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Je me retrouvais à terre incapable de parler, de marcher ou de crier. Tous autour de moi s'attelaient à prendre la femme de mon frère qui venait de perdre ses eaux. La maman cherchait tant bien que mal à s'emparer du sac qui avait était préparé au préalable et les deux hommes, eux s'empressaient de diriger, Soda vers la voiture de mon frère. J'étais restée assise à même le sol, le regard fixé sur la flaque d'eau éparpillé sur le sol de la chambre. La maison était quelques minutes après leur départ totalement inerte. L'obscénité trainait indéniablement le pas et s'empara de la maison. Je restais là partagé entre le désir de me révoltait et celui de me laisser dominer par la douleur. Les souvenirs de ma seconde grossesse m'envahissaient tels une vague d'amertume. Je laissais libre cours à mes larmes, cherchant à l'intérieur cette once de foi qui me dira que tout ira bien. Je restais là, noyée dans mes larmes baignant dans l'obscurité de cette demeure bien différente de la mienne. Avais-je une demeure? Je ne vivais plus chez mon mari et chez ma famille ne me donnait certainement pas le sentiment d'être mien. Je sentais d'un coup mon cœur battre la chamade, la boule imaginaire qui s'était placé à l'intérieur de ma gorge menaçait d'exploser. Je suffoquais et sentais que j'étais entrain de perdre le contrôle. Tel un rappel dont j'avais plus que besoin, une voix à l'intérieur de moi me dit: „répète La illaha ila Allah!". Je m'exécutais sans réfléchir et le répétais une dizaine de fois avant d'éclater en sanglots. Je pleurais comme si ma vie en dépendait. Je m'écroulais à plat ventre sur le sol et pleurait encore, encore et encore.
Je réussi une demi-heure après à me calmer, me lever, fermer les portes de la maison avant de sortir. Je me jetais dans un taxi qui me dépose à la corniche, je voulais retourner au bord de la mer. Je m'installais sur les rochers géants de la plage de la corniche et me laissais envahir par la mélancolie. Les images de mon ventre légèrement arrondis, la mort de mon petit Fallou tout me revenait comme une claque à la figure. Je ne voulais passer ce moment avec aucune autre personne que mon mari. De manière machinale, je m'emparais de mon téléphone et commence à saisir son numéro que je connaissais par cœur.

- Allô! Répond-il de sa voix rauque et étonnée.

- j'ai besoin de toi Yaram! Réussis-je a sortir entre deux sanglots.

- tu te rappelles de tout ! Constat a-t-il tristement.

- tu es où ? Reprît-il cette fois-ci d'une voix remplie de tendresse et de compassion.

- à la corniche en face de l'université ! Sortis-je entre quelques frémissements.

- Ne fais surtout pas de bêtises mon amour, j'arrive !

Je fermais les yeux en raccrochant mon téléphone. C'était comme si le monde s'était arrêté un instant, le temps que je lui parle. Ce « mon amour » m'avait mis en sécurité et rassuré plus que je ne le voulais. Cet homme à beau être un diable mais il était ce qui me rapprochait le plus de celle que j'étais avant la tempête et la seule personne qui peut un tant soit peu comprendre ce que je ressens. Je savais à l'intérieur de moi que plus d'une personne serait prête à être là pour moi en ce moment mais il est la seule personne que je veux avoir à mes côté en ce moment. Je suis peut-être faible ou incapable de me défaire de la douleur que cet homme crée constamment dans ma vie. Peut-être suis-je dépendant de la douleur? De la douleur que son amour me procure? Cependant c'est la seule douleur que je connais entièrement et profondément. J'ai porté deux de ses enfants, l'un mort d'une affreuse maladie dans nos bras, l'autre mort dans mon ventre. J'ai supporté son second mariage, son bonheur face à cette union et même son épouse. J'ai supporté d'être enceinte au même moment que sa deuxième. J'ai supporté ce que la société attendait de moi, ma force, ma gentillesse, mon paraître saint malgré mon mal-être, mon acceptation malgré mon rejet cette vie qui n'était plus mienne. J'ai supporté l'insupportable pour cet homme, oui c'est exactement cela.

****

J'étais complètement perdu dans mon plaidoyer sur mes sacrifices et tous ce que j'ai perdu, lorsque je sens quelqu'un s'asseoir à mes côtés. Je tournais le regard pour faire face au visage de mon mari. Sa barbe avait des deux ou trois cheveux blancs, il semblait avoir vieillit entre temps. Ses cheveux étaient devenus touffus, il semblait ne plus s'occuper de lui comme avant. Il portait un Lacoste blanc et un pantalon marron. Il me regardait intensément et s'empare d'un mouchoir qu'il sorti de sa poche et essuyait mon visage délicatement.

- je suis désolé mon cœur, tellement désolé. Je me sens si impuissant. Si je pouvais demander à Dieu d'enlever ta douleur et de me le faire porter, je le prendrai sans hésiter. Dit-il si doucement et tristement que j'étais obligé de lire ses lèvres.
Ses yeux s'emplissaient de larme, il me prie alors dans ses bras et me dit un long baiser sur le front.

La chaleur de son étreinte était si familière que je me sentais chez moi, à l'abris, protégée, comprise, en sécurité, et d'une manière inexplicable aimée. Nous restions ainsi un bon moment sans prononcer aucun mot. Ce silence n'avait rien de déplacé. Il était réconfortant, apaisant, compris, nécessaire et voulu. Ce n'est qu'après quelques minutes que nous nous séparions. Il s'empare alors de ma main, dépose un long baisers là dessus, se lève et m'aide à me lever. Nous nous exécutions toujours en silence. Face lui, il dépose ma main sur son cœur qui battait la chamade et essayait de chercher dans mon regard comme une once d'amour.

- je sais que j'ai été un grand Idiot, je sais que j'aurais du être là pour toi. Je devais me battre pour nous, pour toi, pour tout ce que tu as... nous avons perdu! Je sais mon amour que j'ai était plus qu'un con en me laissant intimidé par ton frère. Je te demande de me pardonner pour tout le chagrin et la tristesse que tu as dû supporter toute seule. Finit-il en se mettant à genoux devant moi.

Je fondais en larme en me jetant dans ses bras. Il me serait très fort comme si sa vie en dépendait.

- je t'aime ! Je t'aime comme au premier jour. Avoir été sur le point de te perdre m'a rappelé à quel point je tenais à toi. Tu es la femme de ma vie. La mère de mes deux anges...

A cette dernière phrase, je ne pouvais m'empêcher d'éclater encore plus en sanglots malgré la douceur avec laquelle il prononçait ces mots. Je le sentais me soulever du sol et ne prendre entre ses bras pour m'amener à sa voiture. Il m'installe dans la voiture, m'attache ma ceinture de sécurité et s'installe à son tour. La tête posé sur la vitre, je priais intérieurement pour qu'il ne me ramène pas chez mes parents. Comme s'il lisait mes pensées, ils nous amenaient quelque part que je ne reconnaissais pas. Il sortit un moment de la voiture en me disant qu'il revient tout de suite, il revint quelques minutes après une clé à la main et me propose de le suivre. Comme un enfant, je le suivais sans broncher. Il nous dirigeait vers ce qui semblait être un appartement qu'il avait certainement pris pour nous. Je me sentais faible, triste, vide et n'avait nullement la force de poser des questions. L'appartement était au second étage, il était spacieux, moderne et la terrasse donnait une vue magnifique sur la mer. Je n'appréciais que brièvement le style américain de l'appartement, le salon qui donnait sur la cuisine et l'espace salle à manger, je me dirigeais de manière mécanique vers la chambre pour accéder à la salle de bain. Je passe de l'eau sur mon visage ne reconnaissant plus ce visage enflé et légèrement rougi par mes sanglots. Le vibreur démon téléphone m'informe d'un message de mon frère: « Elle a eut un garçon. Tous les deux vont bien. J'espère que tu as pu rentrer à la maison. Fais signe, ton grand frère s'inquiète. ». J'essaie de lui répondre tant bien que mal : « Je vais bien, ne t'en fais pas pour moi, je vais bien. Je viendrai voir le bébé demain Insha'Allah. »
Je dépose téléphone sur le rebord du lavabo et m'assois à même le sol, perdu encore dans les souvenirs de la tragédie qui me sert de vie.

L'homme veut être le premier amour de la femme, alors que la femme veut être le dernier amour de l'homme.
Oscar Wilde

Lemarqueur

Lueur obscurcieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant