Le soleil se retirait dans sa démarche féline laissant place aux ténèbres. En ce jour de jeudi soir communément appelé « goudi AlJummah » j'étais assise sur ma nappe de prière avec un le khassida (recueil de poèmes religieux) de Tuhfatu à la main. Je défilais les pages, le cœur emplie de ces paroles bien aigües et aiguisées. Je finissais ma lecture les yeux remplis de larmes, ceux d'un cœur ému et d'une âme comblée. Ma main caressa le tapis de prière et toutes mes pensées me conduisirent à une gratitude immense et inouïe. J'étais reconnaissante de la paix, de la santé, du bien-être, du toît, de la foi et de la miséricorde du Tout Puissant. Je me levais du tapis de prière en le pliant soigneusement en quatre avant de le remettre à sa place. Il était temps d'aller me changer, me faire belle avant que mes invités arrivent. Aussitôt dit, je ressortais de ma chambre habillé d'une robe en wax (taille mame), mon hinab bien ajusté et un maquillage discret. Le dîner était déjà prêt, il ne restait plus qu'à le réchauffer. Je prenais alors l' encensoir , mis un peu de Goweh (encens) et l'installer au salon, puis dans le couloir en finissant par ma chambre. J'aspergeais alors toutes les pièces d'un parfum de chambre exquis avant de m'installer au salon. Le bruit de la voiture de Fallou m'informa de leur arrivée. J'allais ouvrir la porte sourire aux lèvres. Ils étaient là, elle était là. Marietou, ma co-épouse était là. Elle était très belle dans son basin rose fuchsia cousue en une robe près du corps qu'elle accompagna d'un voile rose pâle. Elle était discrètement maquillée et semblé très intimidée.
- Marietou, sois là bienvenue chez nous. Dis-je en lui faisant la bise.
Elle semblait surprise de ma réaction.
- Merci Yacine! Répondît-elle avec un sourire rayonnant.
- Yaram, comment tu vas? Demandais-je à mon mari
- très bien et toi?
- pareillement Alhamdoullilah, entrez ! Dis-je en les menant vers le salon.
Je les laissais s'installer et regagnais la cuisine pour chercher des rafraîchissements. Dès que je fus dans la cuisine mes larmes montèrent. Est-ce la grossesse qui me rend aussi émotive ou est-ce simplement la jalousie qui parle? Ils allaient si bien ensemble, les deux, ils étaient si beau et donnaient l'image du couple parfait. Je m'attendais pas à ce qu'elle soit aussi belle, aussi souriante et aussi gentille. La pureté de cette femme me désarmait complètement. Je levais la tête au ciel pour ne pas laisser couler ces larmes. J'ai décidé de mon propre chef d'accepter Marietou en tant que femme de mon mari, je dois pouvoir l'assumer.
- Yacine qu'est-ce que tu fais ? Tu as besoin d'aide ? Demandait la voix douce de Marietou derrière moi.
Je renifle et passe mes mains sous mes yeux avant de me tourner vers elle.
- je voulais préparer les rafraîchissements, tu peux m'aider si tu veux. Dis je avec cette fois-ci un sourire forcé.
Elle s'approche de moi et prends mes deux mains entre les siennes.
- tu sais Yacine je comprends ce que tu ressens c'est normal, je l'ai ressenti le premier jour qu'il m'a quitté après la lune de miel pour venir te voir. Je me sentais insuffisante, incomplète, comme si j'étais insignifiante. Je ressentais ça à chaque fois qu'il me racontait des anecdotes sur vous deux, les yeux remplis d'amour. Je sentais ça lorsque qu'il te parlait au téléphone devant moi et te lâchait un « je t'aime » avant de raccrocher. C'est normal qu'on soit jaloux comme dit le wolof « Kou beug fiir » ( celui qui aime, est celui qui est possessif) mais ce don je suis sûr c'est que Fallou t'aime, te respecte et ne dis que du bien de toi, j'en suis même jalouse. Dit-elle avec un sourire cette fois-ci.
- je n'ai jamais imaginé que je serais une deuxième femme dans ma vie, d'ailleurs quelle femme se le souhaite ? On est tombé amoureux sans le vouloir et ce qui devait arriver, arriva. Cet amour entre lui et moi ne change en rien celui qu'il y a entre vous et ne le changera jamais. Je le sais parce que je vois la manière dont il parle de toi, comment il sourit bêtement quand il revient de chez toi, comment il se sentait mal lorsque tu étais fâché contre lui et ça ma chérie ça s'appelle de l'amour, de l'amour. Je ne suis pas entrer dans ce ménage pour te faire de la peine ou pour te faire la guerre. Je suis là par amour! J'aimerais que tu vois en moi une petite sœur qu'on gronde quand elle fait des erreurs et qu'on conseille pour ne pas qu'elle comète des erreurs. Je veux que tu vois en moi une amie et non un ennemi. Je veux juste avoir le privilège d'être l'amie d'une femme aussi exemplaire que toi. Finit-elle les larmes ruisselant.
Je ne pus retenir les miennes, je fonds en larmes en la prenant dans mes bras.
- Merci pour ta sincérité et ta gentillesse. A partir d'aujourd'hui tu as une amie et une sœur. Dis-je émue.
- allons-y amenons ce plateau avant que les invités arrivent.
Elle fut interrompue par la Sonette.
- ils sont là ! Veux-tu bien amener le plateau ? Je vais aller ouvrir.
-Oui vas-y pas de soucis ! Répondît-Elle avec son éternelle sourire.
C'était Souadou et son mari Malick, enfin on était tous réuni pour un bon dîner.
La soirée se déroulait à la perfection, une belle ambiance entre anecdote et débat d'actualité on ne s'était pas ennuyé.****
Assise au balcon, profitant de ce moment de silence où tout était calme et la maison complètement vide, je prenais goût à ce vent frais du soir caressant tendrement mon ventre.
- tu as trop mangé? Lança la voix de Fallou qui me fit sursauter.
- Mon cœur tu m'as fait peur! Pourquoi tu dis que j'ai trop mangé ? Demandai je en riant.
- je t'ai vu caressant ton ventre !
- et c'est sensé signifier que j'ai trop mangé? Demandai je en riant de plus belle.
Mon rire finit par le contaminer.
-Viens t'asseoir ! Ordonnais je en lui laissant ma place.
Il s'exécuta me regardant confus. Je prie place sur ses genoux. C'était assis sur cette même terrasse dans cette même position qu'on avait vécu la perte de notre fils.
Je posais ma tête contre le sien avant de poser mes lèvres contre les siens pour un long baiser.- je suis enceinte ! Murmurais je à son oreille.
- sérieux! Demande-t-il euphorique.
- on ne peut plus sérieux !dis-je tout sourire.
Il me faisait des bisous partout comme un enfant qui reçoit un nouveau jouet. J'en riais aux éclats...
- je t'aime! Dit-il en me regardant dans les yeux.
-je t'aime aussi mon amour !
« L'amour vrai se désole et s'enchante pour un gant perdu ou pour un mouchoir trouvé, et il a besoin de l'éternité pour son dévouement et ses espérances. Il se compose à la fois de l'infiniment grand et de l'infiniment petit. »
Victor Hugo
#lemarqueur
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Lueur obscurcie
Short StoryÀ l'aube d'une vie heureuse se manifestent des embûches affreuses, des maux nécessaires. La douleur d'une perte est certes fort pesant mais fait naître en nous une nouvelle version de nous même. Des fois une version meilleure des fois une version in...