Chapitre 1 - Un regard rouge

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" Et c'est parfois dans un regard, dans un sourire, que sont cachés les mots qu'on n'a jamais su dire. „
~ Yves Duteuil

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Je lâche un soupir tout en continuant l'esquisse d'une silhouette, mangeant parfois une frite ou un bout de mon hamburger, pas vraiment motivé à être en cours aujourd'hui. Ou comme les autres jours d'ailleurs. Difficile d'avoir envie d'être en cours quand on a la tête ailleurs, qu'on n'arrive pas à tenir une conversation et qu'on manque de rougir pour un rien, tout cela à cause d'une seule et même personne.

En levant les yeux, je le vois encore en train de se chamailler avec quelques amis que nous avons en commun, m'arrachant un petit sourire face à son caractère toujours aussi explosif malgré le temps qui passe. Mina lève la tête en voyant que j'ai cessé mes coups de crayon et que je reste figé, une frite en main, comme un idiot à sourire en regardant ce qui se passe derrière elle. Finalement, elle tourne la tête, rit et sourit avant de me regarder, amusée.

- Tu m'expliques pourquoi tu souris comme un idiot en regardant Ochaco ?

- Hein ?! Mais je la fixe pas du tout !

Elle rit tandis que mon regard s'assombrit sans qu'elle le remarque. Comme les autres, Mina ne sait rien. Comme aux autres, je lui cache la même chose. Parce que je n'arrive pas à faire mon coming out auprès de mes amis ou de ma famille.

Gentiment, mon amie se moque de moi, me faisant rougir légèrement de gêne, confirmant peut-être des soupçons du genre que j'aime Ochaco. Alors que ce n'est pas le cas, bien que la brune soit très gentille et adorable, ce n'est pas elle que j'aime regarder en souriant ou esquisser ses traits sans que je ne me rende compte - ou presque -, non, c'est Katsuki. Le mec le plus explosif de notre classe.

D'ailleurs, en parlant du loup - ou du hérisson -, il arrive par ici, chassant Izuku et Ochaco d'un revers de la main qui partent en discutant. Le blond s'affale à côté de moi et me chipe une frite avec un peu de sauce avant de la manger.

- Eh ! Ma frite !

- T'as qu'à manger plus vite !

- Malpoli !

- Escargot !

On se regarde et on finit par rire. Je pousse mon plateau vers lui, n'ayant plus faim, l'estomac noué à cause de la présence du blond qui ne se fait pas prier pour manger le reste de mon repas. Pendant qu'il avale mon assiette, je range mon carnet à croquis dans mon sac à dos, cachant le badge arc-en-ciel dans ma trousse au passage. Je n'ose toujours pas l'accrocher à ma veste ou à mon sac, comme si j'avais honte. Honte d'être différent des autres.

Mais il n'y a pas que la honte, en vérité, il y a aussi la peur. La peur d'être rejeté, jugé, abandonné. La peur d'être... seul. Tout simplement. Et puis, j'ai peur que Katsuki me fuit lorsqu'il saura que je l'aime, qu'il mette un terme à notre relation, peu importe le genre de relation qu'on a réussi à avoir.

D'ailleurs, il semble sentir que je l'observe avec insistance depuis un moment et m'interroge du regard, de son regard rouge. Bordel, ça devrait être interdit d'avoir un regard pareil ! Je hausse les épaules pour toute réponse tandis qu'il essuie la sauce qu'il a aux coins des lèvres, arrachant une boutade de Mina que je n'écoute pas, ça fait un moment que j'ai décroché de la conversation, voir du chahut dans le réfectoire.

- Un problème, Eijiro ?

- Non, rien. Tout va bien, je réfléchissais et je t'ai regardé sans m'en rendre compte.

- Comme quand tu regardes Ochaco ? intervient Mina en riant, manquant de lâcher son sandwich au poulet.

- Oh, la ferme, Mina Ashido ! fais-je en soupirant, exaspéré.

Katsuki semble peu convaincu par ma réponse, ce qui me donne l'infime espoir qu'il s'inquièterait pour moi. Au moins une fois.

Soudain, la sonnerie retentit dans tout le bâtiment, nous obligeant à nous lever pour aller en classe. Mina se sauve en courant, car elle avait prévue de sécher notre cours de sport, mais je vois Mr. Yagi la rattraper par la capuche de son sweat et la trainer en direction des vestiaires sous les rires de quelques élèves, car ma meilleure amie est connue pour être une adepte du moindre effort - sauf quand il y a les soldes.

Le blond m'accompagne jusqu'à mon casier pour que je range mon sac à dos et prenne mon sac de sport. On reste silencieux, n'ayant ni l'un ni l'autre un sujet de conversation digne d'intérêt. C'est ce que j'aime bien avec Katsuki : qu'on ne fasse pas de conversations vides de sens simplement pour combler le silence. Même si j'aimerais savoir ce qu'il ressent au fond de lui, je n'ose jamais poser la question, comme si le sujet était tabou.

Je déverrouille mon casier et prends mon sac de sport en rangeant mon sac à dos au passage, effleurant sans faire exprès - ou pas - le bras de Katsuki qui recule de quelques centimètres. Mon cœur se serre, mais je sais bien que ce n'est pas contre moi mais juste parce qu'il n'aime pas trop les contacts physiques.

- Allez, viens, allons se faire massacrer par le prof !

Un sourire se dessine sur le visage du blond, me faisant sourire en grand, heureux comme un gamin. Les sourires se faisant rares chez l'explosif de la classe, je considère ce sourire comme une victoire !

On se regarde, ayant la même idée, et faisons la course jusqu'au terrain de sport puis jusqu'aux vestiaires. Katsuki lâche presque des cris bestiaux, comme s'il était le roi de l'école, ce qui me fait éclater de rire et me donne un point de côté.

- Je parie que tu l'as fait exprès !

- Peut-être bien ! Qui sait ?

Il rit lorsqu'il parvient au vestiaire des mecs, je m'arrête pour l'observer rire. Ses traits sont plus doux, moins féroces, moins... Je n'arrive pas à trouver le mot pour décrire mon impression. Je rougis en me rendant compte que je meure d'envie de l'embrasser, là, maintenant, tout de suite.

- Katsuki, Eijiro, allez vous changer et plus vite que ça ! hurle le prof depuis le terrain.

- Oui, m'sieur ! Tout de suite, m'sieur !

Et on disparait dans les vestiaires, toujours un sourire amusé aux lèvres.

Un amour arc-en-ciel || KiriBakuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant