XXXVII

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Je n'ai pas envie de rester enfermée une autre journée, donc je prends mon courage à deux mains pour me rendre à la piscine. Cet exercice fera du bien à ma jambe, même si je suis encore terrifiée à l'idée de sortir seule.

Mon sac prêt, je prends une grande inspiration avant de passer le pas de la porte. Je me déplace rapidement jusqu'à l'arrêt de bus, espérant ne pas avoir à attendre trop longtemps que celui-ci arrive. Par chance, il ne tarde pas. Après une quinzaine de minutes et un changement, je suis enfin devant la piscine municipale.

À l'accueil, la jeune femme me reconnait tout de suite. Elle veut prendre une photo. En discutant, elle semble surprise de me voir ici. Il est vrai que personne n'est censé savoir que je vis, du moins vivais, ici. En général, ma communauté est persuadée, comme elle, que je vis dans une grande ville. La plupart suggère même que j'habite la capitale car j'y ai fait mon premier concert. Il est vrai qu'aujourd'hui, la réalité n'est plus si éloignée, car même si je ne vis pas à la capitale, New Wich reste une ville de plus de 150 000 habitants.

Malgré notre échange, elle ne me retient pas très longtemps pour que je puisse aller nager. Je la salue poliment avant de filer au vestiaire. Il ne semble pas y avoir beaucoup de monde, seul quelques casiers sont remplis sur l'intégralité de la rangée. Pour rappeler l'eau, sans doute, tout est bleu. Même s'il y a une nuance entre celui du sol, des murs, et des casiers, c'est un peu trop présent. Je rentre dans la première cabine, bleu clair, comme toutes les autres, afin d'enfiler mon maillot de bain. J'ai opté pour un bikini simple et noir. Je sors en gardant ma serviette avec moi, et je dépose le reste de mes affaires dans un casier bleu marine. En me dirigeant vers la zone de baignade, je contemple les petits carreaux bleu émeraude parant les sols. J'arrive en face de l'unique bassin de cette piscine municipale et observe l'endroit. Je n'étais plus venue depuis les cours de natation du secondaire. Souvenir que je n'apprécie guère, les garçons se permettaient beaucoup trop de remarque, que ce soit sur le poids en me traitant de sac d'os, ou sur mes poils quand ils ont commencés à pousser, sans oublier les regards insistants sur ma poitrine. Je secoue la tête pour écarter tout cela de mes pensées. Je me concentre plutôt sur le fait que dans ma mémoire, il y avait des gradins, ce qui n'est plus le cas. Il y a tout de même quelques chaises où je pourrais poser ma serviette.

Avant de rentrer complètement dans l'eau, je m'asseois sur le bord de la piscine, observant mes jambes dans l'eau, mais surtout ma cicatrice. Bien que moins horrible qu'il y a quelques mois, elle sera toujours très voyante. De toute façon, je ne portais plus de jupe sans collants. En vérité, la revoir ne me gêne pas tant, certes, elle n'est pas belle, mais je pourrais apprendre à vivre avec. En revanche, l'histoire qui l'accompagne me semble beaucoup plus à enterrer. Je n'oublierais jamais cette voiture me fonçant dessus, ou tout ces longs mois où je ne pouvais plus rien faire par moi-même. Malgré toute la bienveillance de James, la culpabilité d'être un tel fardeau me rongeait, et c'est toujours un peu le cas. Sans m'en rendre compte je lâche un soupire, mais en fait, c'est pour retenir des larmes.

Je me laisse glisser dans l'eau et commence à mouvoir mes bras et mes jambes afin d'évoluer dans ce nouvel élément. Je n'ai jamais eu autant de mal à nager auparavant, mais au moins, la concentration dont je fais preuve pour faire les mouvements correctement afin d'avoir le moins mal possible, m'empêche de ressasser les mauvais moments.

Quand je sens que ma jambe devient plus une contrainte qu'un outil pour me déplacer, je décide d'arrêter. Je prends une seconde avant de sortir de l'eau. C'est tellement agréable. Mais je pourrais prendre un bon bain en rentrant, sans gêner personne par le fait que je sois statique. Même s'il n'y a pas plus de dix personnes dans l'eau.

Je rejoins l'échelle la plus proche. Il y a une serviette sous mes yeux, elle est tenue par quelqu'un. On dirait la mienne. Non, en fait, c'est la mienne. Je m'apprête à remercier le maître nageur quand je pose les yeux sur un visage plein de tendresse que je connais bien. Sans réfléchir, je me love dans ses bras sans pouvoir empêcher quelques larmes de couler. Je suis tellement heureuse, mais surtout, rassurée de ne pas être seule. Le départ de mon père a été plus dur à affronter que ce que je voulais bien admettre. Dans un murmure enfantin, je lui demande tout de même :

MIKO.A Où les histoires vivent. Découvrez maintenant