Chap. 1: La mort du Roi (part. 5)

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 Une fois dans sa chambre, Orason se jeta sur son lit. Il se saisit ensuite du bougeoir qui se trouvait sur sa table de nuit, le plaça sur sa poitrine, puis observa paisiblement la flamme de la bougie onduler au gré de ses inspirations et expirations, comme il aimait à le faire pour se détendre. Tout à coup, il fut extirpé de son agréable passe-temps par des cris provenant de l'extérieur. Il reposa alors le bougeoir sur son meuble de chevet, s'approcha des fenêtres puis ouvrit légèrement l'une d'entre elles. Il s'agissait du crieur royal qui hurlait son texte depuis le NobleBalcon. Orason prêta l'oreille et put distinguer quelques mots : « mort du Roi », « tristesse », ou encore « recueillement ». L'idée que la foule se presserait dès le lendemain matin en masse devant le Palais Royal afin de se recueillir sur la dépouille de son Roi bien-aimé réchauffa le cœur d'Orason, qui referma la fenêtre puis se recoucha. Quelques minutes plus tard, un autre bruit se fit entendre, mais en provenance de l'intérieur de la chambre, cette fois. Le jeune Roi comprit immédiatement qu'il s'agissait de la porte dérobée qui venait de s'ouvrir doucement, puis de se refermer. Le visage tourné vers l'autre côté de la pièce, il ne vit pas qui était entré, mais il ne se retourna pas pour autant, car il savait bien que c'était elle.

-Si vous venez pour m'assassiner, faites-le, plaisanta-t-il à l'adresse de sa visiteuse, car mourir sera une délivrance pour quiconque a le cœur qui saigne comme le mien !

Un bruit métallique semblable à celui d'un poignard que l'on sortait de son fourreau se fit entendre. Horrifié, Orason sursauta puis se retourna, pour finalement s'apaiser l'instant d'après. C'était bien elle, Bonine, sa maîtresse, qui venait de s'amuser à ses dépens en l'effrayant un peu.

-Petite garce ! jeta le jeune Roi.

-Vous avez eu la peur de votre vie, mon cher ! répondit Bonine en riant espièglement.

-Pas le moins du monde ! protesta Orason. Je savais très bien que c'était vous !

Bonine rejoignit son amant sur le lit puis l'embrassa sur la bouche avant de l'enserrer affectueusement. L'accolade terminée, le jeune Roi posa ses yeux sur sa maîtresse. Bonine avait le visage rond, les cheveux d'une douce blondeur et ses yeux souriaient autant que sa bouche, généreuse, comme l'étaient aussi sa poitrine et ses fesses. Orason, apaisé rien qu'à poser son regard sur la jeune femme, lui prit la main, et la chaleur de celle-ci le réconforta.

Les deux jeunes gens s'étaient rencontrés pour la première fois quelques mois plus tôt, dans les écuries royales où Orason se rendait dans le but de monter Impétueux, son palefroi favori. À son arrivée, il avait trouvé la jeune valette d'écurie affairée à brosser sa monture et les mouvements de va et vient qu'elle effectuait alors et qui provoquaient d'amples rebonds de sa poitrine lui avaient mis les sens en éveil en une fraction de seconde. Le NoblePrince, sans attendre, avait rejoint Bonine dans le box, puis l'avait séduite en quelques phrases rondement formulées, si bien qu'en moins de temps que nécessaire pour le dire ils s'étaient retrouvés tous deux couchés l'un sur l'autre, dans la paille, aux pieds d'Impétueux qui était resté complètement indifférent à ce spectacle pourtant inhabituel pour lui. Quelques tours aux écuries plus tard, Orason, tant las de s'acoquiner entouré de canassons que bouillant d'ardeur pour la lasciveté de la jeune valette, avait confié à celle-ci les deux clés nécessaires pour le rejoindre secrètement dans ses appartements, celle qui depuis l'extérieur donnait accès au corridor secret traversant le Palais Royal et celle qui permettait d'ouvrir la porte dérobée menant à sa chambre à coucher.

La présence de Bonine à ses côtés réconforta Orason. Dans un moment de deuil comme celui qu'il vivait alors, il apprécia d'avoir une oreille attentive et amoureuse au creux de laquelle rapporter ses tourments. Et il en profita pour être exhaustif. Il raconta tout à son amante, et en détails, ne gardant pour lui que les révélations de sa mère concernant sa conception, jugeant alors qu'il était inconvenant qu'une simple Probe soit informée que le Roi de GranQarélie avait bénéficié de l'aide d'une femme étrangère considérée par beaucoup comme une sorcière pour venir au monde. Bonine écouta Orason avec patience et empathie et ce ne fut que lorsqu'il eut achevé toutes ses confidences qu'elle se livra enfin sur ce qui la tracassait et la tiraillait depuis qu'elle avait entendu le glas résonner un peu plus tôt dans la journée.

-Vous êtes désormais le Roi, Orason, lui dit-elle en se mettant à pleurer, et très bientôt, je le sais, l'on attendra de vous que vous preniez femme et que vous enfantiez pour donner au Royaume un héritier... Qu'adviendra-t-il alors de moi ?

Le jeune homme sourit tendrement avant de serrer la main de Bonine avec affection.

-Même marié, vous resterez mon amante et je continuerai à vous fréquenter, je vous le promets ! déclara-t-il solennellement.

Orason avait conscience en prononçant ces mots que tout ne se passerait sans doute pas comme cela, mais ce furent les paroles qu'il désira prononcer sur le moment. La jeune valette, de son côté, aurait préféré entendre de son amant que malgré leur appartenance à deux ordres différents, c'est elle qu'il épouserait tout comme l'avait fait jadis le Roi Oton avec la Reine Morine, pourtant une Probe elle aussi. Mais au fond d'elle, elle ne fut pas mécontente de la promesse qu'Orason lui avait faite de continuer à la côtoyer même lorsqu'il aurait pris femme, car ce qu'elle craignait le plus au monde était d'être abandonnée par son noble amant. Bonine sourit donc, les yeux et les joues pleines de larmes, puis les deux jeunes gens s'étreignirent longuement. À cette occasion, la valette se mit à caresser Orason entre les cuisses, par-dessus ses pantes. Elle n'avait pas vu son NoblePrince - enfin, son Roi désormais - depuis quelques jours et elle était très envieuse de le sentir en elle.

-Voyons Bonine, mon père est mort ce matin ! lui lança Orason en retirant ses mains de son entrejambe. Je n'ai pas la tête à cela !

-Votre tête n'est peut-être pas à cela, mais votre virilité l'est sans conteste, répondit Bonine en faisant constater à Orason l'effet aphrodisiaque que ses caresses avaient d'ores et déjà eues sur lui.

Le jeune homme soupira, puis repensa aux mots que lui avaient adressés son père le matin même : « Baisez donc, mon fils ! Fourrez et fourrez encore ! Jouissez tout votre soûl ! » Il ne put ensuite s'empêcher de sourire et ce faisant, il cessa de lutter et laissa Bonine disposer de lui. La jeune valette poursuivit alors ses caresses, voluptueusement, puis finit par déclarer, d'une diction coquine :

-Je n'ai jamais dégusté un Roi et je veux savoir quel goût ça a !

Et l'instant d'après, elle joignit le geste à la parole. 

Les Deux Monarques (Tome 1 De  La Saga "La Prochaine Civilisation")Où les histoires vivent. Découvrez maintenant