Chap. 3: Le testament (part. 2)

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 La suite de la lecture du testament ne s'avéra, pour la majorité des présents, que fort peu intéressante puisqu'il ne fut plus question que de legs d'objets ou de palais, ou encore de nominations. La plupart ne firent donc plus qu'attendre la fin de la cérémonie mais il leur fallut s'armer de patience car ces dispositions, à défaut d'être déterminantes, furent très nombreuses. Le notaire royal finit néanmoins par venir à bout du testament et ce fut avec une joie non dissimulée que l'on rejoignit la salle des banquets. Celle-ci, pour l'occasion, avait été séparée en trois espaces distincts, autant pour éviter que les membres des différents ordres n'aient à se mélanger que pour s'assurer que les Probes, qui étaient frappés d'interdits alimentaires, n'aient accès qu'aux mets leur étant autorisés. Les tables sur lesquelles se trouvaient disposés des petits fours ainsi que des rafraîchissements avaient de surcroît été nappées ici de bleu, là de rouge, et enfin plus loin de jaune et lorsque les convives arrivèrent, chacun put se diriger vers l'espace destiné à son ordre.

 Le Ministre du Culte Pierin de SaintCieux ainsi que le Prélat Valeran de SainteLueur furent parmi les derniers de leur ordre à s'approcher des tables voilées de rouge. Le Ministre revêtait une soutane écarlate comme c'était le cas de tous les membres de la famille grancordonnale. Le Prélat était habillé du même vêtement, mais de teinte carmin, le rouge bleuté caractéristique des religieux chargés d'officier pour le compte de membres de la Noblesse. Valeran portait également une calotte sur la tête, ce qui n'était pas le cas du Ministre, qui, de par ses fonctions, n'était pas amené à prêcher lors d'offices religieux. Pierin de SainCieux, jeune Ministre de vingt-et-six ans, avait le teint halé, des cheveux courts, mais ondulants, de couleur châtain foncé, ainsi qu'une barbe naissante et de son visage juvénile émanait en toutes circonstances un quelque chose d'altier, de dédaigneux. Du Prélat Valeran se dégageait au contraire une impression de bienveillance et de bonté provenant sans doute de la blancheur de ses longs cheveux et de sa barbe qui lui donnaient la physionomie d'un gentil grand-père. Le vieil homme attrapa son jeune confrère par le bras, très discrètement, puis le mena un peu à l'écart de la cohue.

-Comme c'était à craindre, le Royaume ne bénéficiera pas d'une période de Régence, maugréa-t-il.

-Non, soupira de SaintCieux, et le Roi Orason pourra donc décider ce que bon lui semblera bien qu'il n'ait pas encore obtenu sa maturité ! Une folie que cela, doux Dieu ! Enfin, espérons que le GrandAviseur Flavian saura faire entendre raison au jeune Orason, afin de nous éviter le pire !

-Oui, espérons, répondit le Prélat Valeran.

Il se rapprocha du Ministre, comme pour lui adresser une confidence.

-À propos du GrandAviseur Flavian, vous n'allez pas me croire, mais il a osé me demander d'accorder sans délai sa maturité au Roi afin que ce dernier puisse promptement se marier, et cela, bien entendu, dans l'intérêt supérieur du Royaume !

Pierin de SaintCieux s'esclaffa.

-Laissez-moi deviner, vous avez refusé cela tout net ? lança-t-il avec amusement.

-Évidemment ! répondit le Prélat. Roi ou non, je ne décernerai pas sa maturité à Orason sans quelques démonstrations de piété de sa part ! Et je l'ai bien fait comprendre au GrandAviseur en lui détaillant par le menu tout ce que j'attendais de son neveu !

Il sourit.

-Cela ne m'a toutefois pas empêché de faire miroiter à notre ami de la Noblesse une réduction de délai dans le cas où il advenait que la condition qui tient tant à cœur à votre père et que vous connaissez si bien venait à être remplie. Et Flavian de NobleVal étant un homme intelligent, il a accepté immédiatement !

Les Deux Monarques (Tome 1 De  La Saga "La Prochaine Civilisation")Où les histoires vivent. Découvrez maintenant