Chap. 3: Le testament (part. 4)

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 Un peu plus tôt dans la journée, le Roi Orason avait regagné ses appartements après avoir discrètement quitté la réception en salle des banquets. Il avait ensuite ordonné au valet Uberin qu'il fasse apporter dans sa chambre quelques exemplaires de toutes les douceurs servies aux convives et plus tard, lorsque Bonine l'avait rejoint, elle avait pu s'empiffrer avec un plaisir indescriptible de ces gourmandises qui lui étaient normalement inaccessibles. Elle dégustait d'ailleurs un petit four à la vanille, assise en tailleur sur le lit d'Orason, lorsque le verrou de la porte dérobée émit un claquement sourd. Les deux amants échangèrent un regard pétri d'inquiétude puis ils observèrent avec angoisse la porte s'ouvrir lentement puis une silhouette se dessiner dans l'obscurité. L'instant d'après, un pied s'avança vers la lumière, puis le haut du corps d'un homme, et enfin un visage.

-Oncle Flavian ! s'écria Orason.

-Lui-même, répondit ce dernier.

À sa vue, Bonine se leva du lit et fit une formelle révérence au GrandAviseur, qui la toisa des pieds à la tête sans prendre la peine de la saluer.

-Vous êtes une Probe, je présume, au vu de vos vêtements, grommela-t-il.

-ProbeDame Bonine ProbeMarquat, NobleSieur la Voix, acquiesça la jeune femme. Je suis la fille d'un des valets d'écurie du Palais.

Flavian lança un regard froid à son neveu avant de revenir à la jeune femme.

-Avez-vous déjà obtenu votre maturité, ProbeDame ? demanda-t-il sur un ton frôlant l'agressivité.

-Pas encore, répondit Bonine en baissant les yeux, je n'ai que dix et quatre ans.

-Fort bien ! s'écria Flavian. Vous voilà donc tous deux coupables de maturitère ! Je vous en félicite, jeunes gens!

À ces accusations, le jeune Roi s'offusqua puis jura à son oncle que tous deux n'avaient jamais fait que déguster des petits-fours ensemble.

-Par les Chantres, les Monstres et les Spectres, Orason ! s'emporta violemment Flavian, vous me mentez et cela m'est insupportable !

L'intéressé lança un regard vers Bonine, comme pour l'inviter à confirmer ses paroles.

-Nous n'avons jamais fait que discuter gentiment ensemble, mentit la jeune femme pour défendre son amant.

-Ah vraiment ? s'exclama Flavian. Donc l'autre soir, lorsque vous disiez ne jamais avoir dégusté de Roi et vouloir savoir quel goût cela avait, vous parliez d'un petit-four je présume. Est-ce bien là votre propos, ProbeDame ?

Bonine se mit à sangloter quand Orason, les yeux baissés, resta parfaitement muet. Après quelques instants, Flavian leur intima de s'asseoir sur le lit, ce à quoi les deux jeunes gens obéirent sans discuter.

-Vous vous êtes l'un comme l'autre, par la relation que vous entretenez, rendus coupables de maturitère, mais également de transgresserie d'ordre charnel, serina Flavian.

Il remarqua les petits-fours sur le lit, puis soupira.

-Sans oublier la transgresserie d'ordre alimentaire ! Toutes ces fautes sont très graves et doivent impérativement cesser !

Il présenta sa main ouverte à Bonine, qui comprit immédiatement le sens de ce geste et lui restitua sans discuter la clé du corridor secret ainsi que celle de la porte dérobée. Flavian signifia ensuite aux deux amants, tout en se dirigeant vers l'antichambre, qu'il leur laissait un moment pour se dire adieu.

-Orason, je ne puis vivre sans vous, murmura Bonine avec transport. Il vous faut empêchez cela !

-Je suis désolé, mais je ne le puis. Vous avez entendu mon oncle, répondit Orason.

Les Deux Monarques (Tome 1 De  La Saga "La Prochaine Civilisation")Où les histoires vivent. Découvrez maintenant