Chap. 1: La mort du Roi (part. 2)

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 Orason, après avoir pleuré toutes les larmes de son corps, allongé sur son lit de NoblePrince, avait fini par s'assoupir d'épuisement et alors qu'il dormait depuis presque deux heures, il fut tout à coup réveillé par le grincement caractéristique de la porte de sa chambre.

-NobleSieur le Roi, votre mère la Reine m'envoie ! entendit-il, prononcé par Uberin, son valet de chambre.

Il se tourna sur le côté, entrouvrit légèrement une paupière, mais la lueur du jour l'agressant, il la referma aussitôt. NobleSieur le Roi, se dit-il ensuite, mais pourquoi donc, par les Chantres, les Monstres et les Spectres ce sottard de valet Uberin m'appelle-t-il NobleSieur le Roi? Ce questionnement enclencha dans son esprit une mécanique funèbre qui l'amena à se rappeler que son père était passé de vie à trépas. La tristesse, qui lui avait alors accordé un volatile instant de répit à l'occasion de son réveil, l'accabla de toute sa pesanteur.

-La Reine est très inquiète, NobleSieur le Roi, ajouta Uberin, et elle désire s'entretenir avec vous, d'où ma présence ici.

-La connaissant, ce serait plutôt à moi de m'inquiéter pour elle, répondit Orason.

Le valet pinça les lèvres avant d'adresser ses plus sincères condoléances à son maître.

-Votre père est-il encore en vie, Uberin ? questionna celui-ci.

-Non, il est mort depuis bien longtemps mais d'une certaine manière, comme je pense très souvent à lui, il vit encore, en ma mémoire.

Orason sourit à cette idée qui lui plut énormément.

-Et puis, j'aime à penser qu'il vit aussi à travers moi, indiqua le valet. Ce que je veux dire, c'est qu'il m'a beaucoup transmis, et que l'homme que je suis doit beaucoup à l'homme qu'il a été. Il adorait par-dessus tout les plaisanteries par exemple, tout comme moi, s'attendrit-il. À ce sujet, il m'a raconté qu'un jour, il avait osé faire une boutade au Roi Constanton, lorsqu'il était à son service, et que cela avait failli lui coûter sa place.

-Racontez-moi, demanda Orason avec curiosité.

-C'était à l'époque où le Roi était encore un jeune homme, précisa Uberin. Mon père lui avait rapporté que sa maîtresse l'attendait à l'orée du Bois Royal pour une partie fine en forêt lorsqu'il s'agissait du Prélat pour une leçon religieuse !

-Père ne dut pas du tout apprécier cette plaisanterie, supputa Orason.

-Non, et en pénitence, il obligea mon père à l'accompagner à toutes ses leçons religieuses jusqu'à qu'il obtienne sa maturité, si bien que ce fut là la première et la dernière blague que mon père ne lui fit jamais !

Orason sourit.

-Si d'aventure vous songez à vous essayer à ce genre d'humour avec moi, Uberin, sachez que cela vous en coûtera bien plus cher qu'à votre père !

Et sur ces mots, il désigna la porte du doigt afin de signifier à son valet qu'il pouvait faire entrer la Reine, et celui-ci quitta alors la chambre.

Cette tendre discussion redonna le moral à Orason, mais bientôt le glas, dont les tintements graves et espacés retentirent pour la première fois, lui fendit le cœur et lui soutira quelques larmes de plus. La Reine Quentine apparut à ce moment-là dans l'entrebâillement de la porte de la chambre de son fils et remarquant le trouble de ce dernier, elle s'approcha du lit, s'y assit, puis lui caressa le visage d'un geste maternel. Malgré son âge, la Reine Quentine était d'une beauté aussi fraîche que celle d'une jeune femme, les rides aux coins des yeux en plus. Ses traits fins, ses longs cheveux roux ondulants jusqu'à ses épaules ainsi que ses yeux d'un bleu clair et pénétrant étaient un véritable ravissement pour le regard. Orason avait hérité en tout cela de sa mère si bien que personne à la cour ne déniait qu'il était un homme des plus charmants. Quentine n'était pas sans l'ignorer, elle non plus, et tandis qu'elle laissait glisser les cheveux bouclés de son fils entre ses doigts fins, elle admira ses traits, qui bien que légèrement souillés par les larmes, lui furent délicieux à observer.

Les Deux Monarques (Tome 1 De  La Saga "La Prochaine Civilisation")Où les histoires vivent. Découvrez maintenant