Le Prélat Valeran regagna ensuite le QuartSaint en empruntant la HautePorte, puis il se dirigea vers les habitations des diacrons. Une fois sur place, il alla trouver Adamon, chez lui, car il désirait effectuer quelques visites en sa compagnie. Adamon était le premier diacron du Prélat Valeran et à ce titre, il aidait son maître dans ses diverses tâches et pouvait aussi être amené à le remplacer lors des offices, des visites à domicile ou encore des confessions. Valeran était très attaché à Adamon, car même si ce dernier ne se distinguait pas par la subtilité de son esprit, il était très pieux et effectuait son travail avec grande dévotion. Les deux hommes commencèrent leurs pérégrinations par l'Augurerie, qu'ils rejoignirent à pied. L'Augure d'ÉrineVil, Isacon de MurSaint, était un vieil ami de Valeran. Le Prélat adorait lui rendre visite et recueillir à cette occasion les confidences distrayantes que le Saint-homme glanait immanquablement du fait de sa fonction. Cette fois-ci, de MurSaint lui apprit que la Reine Quentine était venue nourrir le cardinal, mais qu'elle l'avait fait en consultation secrète pour une fois. Le Prélat en resta songeur. Pourquoi la Reine s'en était-elle remise au cardinal, et surtout pourquoi avait-elle caché à l'Augure les motifs de sa venue ? Valeran, curieux, se promit d'aller la rencontrer bientôt afin d'en savoir davantage. Il demanda aussi à de MurSaint de tâcher de convaincre la Reine de recourir à une consultation dévoilée lorsqu'elle reviendrait le trouver et l'Augure lui promit qu'il ferait de son mieux.
Valeran et Adamon se rendirent ensuite à l'hospice et Évon de PréSaint, le pieux hospicier, les fit alors déambuler un peu dans le bâtiment. Tous deux découvrirent, non sans stupéfaction, des couloirs débordants d'hommes, de femmes et d'enfants, installés à même le sol, les uns sur les autres, dans une promiscuité atroce. Les émanations pestilentielles qui s'en dégageaient étaient abominables, au point que les deux religieux, pris de haut-le-cœur, faillirent rendre leurs petits-déjeuners. Dans tout l'hospice, qu'il s'agisse de l'aile des démunis, de celle des malades ou de celle des vieillards, la situation était catastrophique. L'hospicier de PréSaint, de surcroît, informa le Prélat que depuis quelques jours, il ne lui était plus possible d'accueillir tous les pauvres hères qui se présentaient. Nombreux étaient donc ceux qui couchaient dans les venelles des alentours, avec le froid glaçant de la sainte saison comme funeste compagnon. Dans ces conditions, l'inévitable était advenu la veille au matin : un corps sans vie, celui d'un homme mort de froid durant la nuit, avait été retrouvé. Le Prélat, sincèrement ému par la nouvelle et plus globalement effaré par la situation alarmante dans laquelle se trouvait l'hospice, ordonna à de PréSaint de faire établir des tentes de fortune dans les cours du bâtiment, afin d'en accroître les capacités d'accueil. Il promit également à l'hospicier une rallonge financière qui lui parviendrait dès le lendemain.
Les deux hommes passèrent ensuite par la paternerie qui se trouvait non loin. C'était là que les orphelins d'ÉrineVil trouvaient un refuge ainsi qu'un père, en la personne du paterneur, Ézéchion de SainteMotte, qui du fait de sa position, faisait office de père de substitution pour l'ensemble des enfants. Lorsque Valeran ouvrit la porte de son cabinet, après avoir toqué, un garçon en jaillit en courant, manquant de peu de le heurter. De SaineMotte se trouvait quant à lui assis derrière son bureau, transpirant, le visage tout rouge, comme s'il venait de faire quelque effort physique.
-Excusez ce garnement, Valeran, grogna-t-il, mais lorsque vous avez toqué, puis ouvert la porte, il a trouvé une occasion de fuir la correction magistrale que je lui administrais, l'ignoble petit vulvon !
De SainteMotte sourit, puis se leva et accueillit les deux hommes à bras ouverts. Le Prélat, pendant ce temps, se demanda ce que le garçon avait bien pu faire comme bêtise pour mériter un châtiment tel que sa réalisation ne mette le paterneur en sueur, mais comme cela n'avait pas véritablement d'importance, il se garda de poser la question et préféra s'enquérir de la situation de la paternerie. De SainteMotte lui fit alors part de son inquiétude sans le moindre détour. Le nombre de gosses hébergés s'accroissait à grande vitesse et chaque chambre, dans ce contexte, avait déjà vu ses effectifs passer de dix à dix et quatre enfant. Les réserves de farine et d'autres denrées se réduisaient quant à elles comme peau de chagrin, si bien que quelques jours plus tôt, il avait fallu prendre la difficile décision de diviser les rations qui n'étaient désormais plus que d'un quignon de pain et de quelques cuillerées de soupe par repas. Le Prélat Valeran, touché pour la deuxième fois de la journée dans son âme cordonienne, promit au paterneur de puiser dans ses fonds afin que des denrées supplémentaires soient livrées au plus vite à la paternerie.
Sur le chemin du retour, le Prélat partagea son trouble avec son diacron. La ville comptait de plus en plus de d'hommes, de femmes et d'enfants qui souffraient de la faim et les fonds qu'il pouvait allouer à leur secours s'épuisaient à vue d'œil. Un homme était mort de froid, de surcroît, et d'autres suivraient vraisemblablement bientôt avec l'arrivée des nuits les plus rudes de la sainte saison ! Dans ce contexte, il n'était pas nécessaire de nourrir le cardinal pour savoir que la situation pouvait dégénérer à la capitale, qui était une ville plutôt facilement en proie à la révolte ! Un peu plus tard, à table en compagnie de la Prélate Jibrine, Valeran ne put s'empêcher d'évoquer ces tracas-là avec son épouse. Celle-ci, de bon conseil comme à son habitude, lui suggéra de mettre le jeune Roi au courant de la situation et qui sait, peut-être que ce dernier s'en émouvrait-il et puiserait dans les fonds de la Couronne pour aider les démunis. Valeran trouva les paroles de sa femme pleines de compassion et de bonté et à vrai dire, il aurait aimé pouvoir aborder ce sujet-là avec le Roi, car le destin des plus démunis le touchait, mais la mission du GranCordon Aron prédominait sur toute autre considération et dans ce cadre, il avait à s'entretenir avec le Roi Orason d'un sujet d'une importance primordiale au cours de l'après-midi. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il avait jugé bon de rencontrer Sa Noble Altesse dans le Cordonnaire SaintOror, comme pour donner davantage de solennité à leur entrevue.
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Les Deux Monarques (Tome 1 De La Saga "La Prochaine Civilisation")
FantasíaMille ans après l'effondrement de notre civilisation, à ÉrineVil, capitale de la GranQarélie, la mort du Roi Constanton de NobleVal engendre la montée sur le NobleTrône de son fils Orason. Mal préparé à régner, celui-ci devra composer avec le deuxiè...