L'instant d'après, le Roi et le GrandAviseur quittèrent la salle du conseil puis regagnèrent le cabinet royal.
-Vous vous en êtes très bien sorti et vous pouvez être fier de vous ! déclara l'oncle à son neveu.
-En êtes-vous bien sûr ? questionna Orason. De Vorsanges semblait si furieux qu'il m'a fait peur avec ses yeux sombres ! Pierin, mon propre beau-frère, a soutenu quant à lui que la Sainteté n'accepterait jamais que les Hauts Ordres soient traités sur un pied d'égalité avec les Bas Ordres ! Et de CaseNoble et de BonneTerre ont avancé que la Noblesse s'y refuserait elle aussi...
Flavian sourit.
-Ne vous inquiétez pas pour tout cela, mon neveu. Le moment venu, je dialoguerai avec les Ministres, les Seigneurs et même le GranCordon s'il le faut, et je saurai trouver un terrain d'entente avec eux.
Orason fut heureux d'entendre cela, mais il n'en était pas moins épuisé. Le conseil avait été d'une grande intensité et cela l'avait lessivé que de devoir parlementer si farouchement avec ses Ministres. Il n'avait ainsi qu'une seule envie, s'affaler sur son lit et se reposer un peu, mais à son grand désespoir, le valet Uberin toqua à la porte du cabinet royal et l'informa que le médecin ProbeRond l'attendait pour procéder à l'étude des selles royales. Orason, dépité, vint à la rencontre du Probe dans l'antichambre de ses appartements puis il le mena dans la chambre royale. Une fois à l'intérieur, il se vautra dans un fauteuil tandis que le médecin se dirigea vers le siège à commission, qui se trouvait à l'autre bout de la pièce. Il en souleva le couvercle, l'air investi d'une mission d'une importance capitale, puis scruta la crotte de loin pour commencer, avant de se saisir du pot de chambre et d'étudier les selles royales de plus près. Tout à coup, l'espace d'une seconde, son visage se pétrifia dans une grimace de dégoût avant de se parer à nouveau d'une expression neutre. À l'évidence, l'odeur de la crotte était malencontreusement arrivée jusqu'à ses narines et le médecin avait ensuite cherché à camoufler son écœurement. Orason, dont les yeux étaient rivés sur ProbeRond à ce moment-là, avait tout saisi de cette scène cocasse et la fatigue aidant, il ne put s'empêcher de s'esclaffer bruyamment. Le médecin, gêné, feignit de ne pas entendre ces rires moqueurs et continua à examiner l'intérieur du pot de chambre en changeant régulièrement d'angle de vue.
-ProbeSieur ProbeRond, finit par s'exclamer le Roi, que ma crotte vous apprend-elle donc sur mon état santé ? Dites-moi tout !
-Eh bien, Votre Noble Altesse, l'étude consciencieuse de vos selles me permet d'affirmer que vous vous portez pour le mieux, et à tous points de vue !
Orason sourit, dubitatif.
-Vous pouvez déduire cela de la simple étude de cette crotte, ProbeRond ?
-Absolument, Votre Noble Altesse ! rétorqua le médecin avec assurance. C'est que les selles présentent de nombreux caractères pouvant renseigner sur l'état de santé d'un homme, comme leur couleur par exemple. Des selles verdâtres ou noirâtres seront ainsi le signe certain d'une affection. La texture est également à scruter de près, regardez donc ici sur vos propres selles, poursuivit le médecin tout en s'approchant du Roi, pot de chambre à la main.
-Par les Chantes, les Monstres et les Spectres ! hurla soudainement Orason. Éloignez ça de moi, ProbeRond !
Le médecin sursauta de stupeur puis recula de quelques pas.
-Je me moque de votre science de la crotte, poursuivit le Roi en criant. Je me moque de savoir si mes selles sont noires ou brunes, molles ou dures, ou si elles sont tombées avec délicatesse ou lourdement dans le pot ! Je me moque de tout cela, vous m'entendez ?
Il se leva, puis pointa la porte de la chambre royale de son index rageur.
-C'en est assez pour aujourd'hui ! Sortez immédiatement, ProbeRond !
Le médecin royal, complètement déconfit, déposa le pot de chambre sur le siège à commission puis prit la direction de la sortie sans demander son reste.
-Vous n'allez tout de même pas laisser la crotte ici, ProbeRond ! éructa le Roi. Emmenez-la avec vous !
Sans piper mot, le médecin royal revint sur ses pas, se saisit du pot de chambre puis quitta les appartements royaux. Il s'empressa ensuite, une fois dans le grancouloir, de trouver le valet Uberin et de lui confier la chose, horrifié de s'être vu contraint à une tâche avilissante qui relevait normalement des fonctions d'un simple valet. Une fois les mains vides, ProbeRond s'élança dans le grandescalier qu'il dévala en grognant de colère, puis il quitta le Palais Royal.
Le valet Uberin, amusé par la situation, observa le médecin royal s'éloigner, en ricanant, avant de prendre lui aussi la direction du grandescalier afin de vider le pot de chambre derrière les jardins royaux.
-Qu'est-ce qui t'égaie comme ça, Uberin ? entendit-il soudain. La crotte du Roi ? Elle a une forme amusante ?
Il leva la tête et remarqua la valette Silvine qui lui souriait avec malice depuis le bas du grandescalier. Il descendit les quelques marches qui le séparaient d'elle et lui sourit à son tour.
-Je ris parce que le Roi Orason a chargé ProbeRond de m'apporter le pot de chambre dans le grancouloir ! Le médecin en était rouge de fureur ! Tu aurais dû le voir, c'était à mourir de rire !
Silvine gloussa.
-Et tu sais ce qui est drôle, aussi ? questionna-t-elle.
Uberin opina horizontalement de la tête, lorsque tout à coup, la valette frappa brusquement le dessous du pot de chambre de la paume de sa main, en faisant alors jaillir la crotte, qui atterrit sur le pullon d'Uberin avant de s'écraser par terre.
-Ça ! lança Silvine en s'éloignant, complètement hilare.
Uberin, médusé, jeta un coup d'œil à son pullon, puis au sol.
-La sale vulvasse ! grogna-t-il.
Il chercha ensuite un mouchoir dans ses poches afin de pouvoir s'essuyer et remettre la crotte dans le pot de chambre, mais il n'en avait pas, malheureusement. Et il était impensable pour lui de s'absenter pour en chercher un, car si par malheur quelqu'un venait à marcher sur l'immondice pendant son absence, il irait au devant de sérieux problèmes. La mort dans l'âme, il fit la seule chose qu'il y avait à faire : il ramassa la crotte de sa main nue et la remit dans le pot. Il reprit ensuite son chemin au comble de l'écœurement, puis une fois dans le granvestibule, il croisa la route du garde royal VilBadin.
-Joli pullon, le Probe, lança ce dernier avant de pouffer de rire.
-Va-t'en culonner un âne, fionnard de Vil, lui jeta Uberin à la figure en guise de réponse.
Et furieux, il gagna les jardins royaux en se jurant qu'il se vengerait de la valette Silvine.
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Les Deux Monarques (Tome 1 De La Saga "La Prochaine Civilisation")
FantasyMille ans après l'effondrement de notre civilisation, à ÉrineVil, capitale de la GranQarélie, la mort du Roi Constanton de NobleVal engendre la montée sur le NobleTrône de son fils Orason. Mal préparé à régner, celui-ci devra composer avec le deuxiè...