Chap. 2: La réunion des treize (part. 2)

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 Une fois à l'extérieur du pigeonnier, Nénon aperçut Arnène qui se trouvait un peu plus loin, à l'entrée de la serre, accompagnée des élèves du dispensaire.

-Bonjour Arnène ! Bonjour les enfants ! s'écria-t-il en faisant de grands gestes à leur encontre.

-Bonjour Nénon ! répondirent les enfants en chœur.

L'un d'entre eux, Solan, accourut vers Éliène et se positionna devant elle, de dos, avant de lui signifier qu'il était en place. La jeune fille tendit son bras, puis lorsque sa main entra en contact avec le dos du garçon, elle agrippa son vêtement et tous deux se mirent à marcher. Solan adorait ce rôle, guider Éliène, car cela lui faisait ressentir une grande fierté. Il se trouvait alors utile, ce qui était difficile pour un enfant qui n'avait pas de bras. Éliène, de son côté, pouvait se débrouiller à l'aide de sa canne la plupart du temps, mais chaque fois que Solan était dans les parages, elle préférait que le jeune homme la guide. Il était ses yeux en quelque sorte et elle était ses mains, car Éliène aidait Solan elle aussi, pour manger, pour boire ou même pour s'habiller. Pour cela, c'était d'ailleurs pratique qu'Éliène ne voie pas, car cela préservait Solan de souffrir de pudeur ou de gêne. Tous deux aimaient aussi à jouer aux cartes ensemble. Éliène les tenait dans ses mains et Solan lui disait lesquelles poser. Ils formaient une belle équipe, de par leur complémentarité, pour sûr, mais entre eux, c'était bien plus que ça, un vrai lien les unissait. Tous deux riaient d'ailleurs en gagnant la serre, car la petite aveugle chatouillait Solan, qui tentait quant à lui de lui échapper. Lui, le garçon-tronc, la menaça alors de lui flanquer une claque si elle n'arrêtait pas.

-Et attention Éliène, je me méfierais à ta place ! Tu la verrais pas venir ! plaisanta-t-il.

L'ensemble des enfants rirent avant de disparaître dans la serre, laissant Arnène et Nénon seuls à l'extérieur.

Arnène, comme toutes les femmes et toutes les filles du dispensaire, portait un lonpullon écru enfilé par-dessus une robe de laine marron, et au niveau de sa taille, une cordelette de chanvre tressée lui faisait office de ceinture d'apparat. La guérisseresse, ce matin-là, comme les autres, revêtait aussi un chaperon qu'elle rabattit sur ses épaules lorsque son père arriva en face d'elle. Le vieil homme posa alors ses yeux sur la courte chevelure de jais de sa fille, dont une mèche, sur le côté droit de son visage, se trouvait enlacée de fil vert. Arnène s'en saisit justement, puis la palpa avec nervosité avant de lever vers Nénon ses prunelles vert sauvage.

-Tu as dormi un peu cette nuit, papa ? demanda-t-elle.

-Non, pas une traître minute. Et toi, fille ?

-Une heure, tout au plus. Je suis si inquiète ! Le Roi Constanton nous protégeait, mais maintenant qu'il est mort, que fera son fils ? Connaît-il seulement notre existence ? Sait-il seulement ce que j'ai fait pour lui, pour sa famille ? Toutes ces questions se bousculent dans ma tête et ne pas avoir de réponse m'insupporte. Que va devenir le dispensaire, papa ? Que va-t-on devenir ?

Nénon ouvrit ses bras et Arnène vint s'y nicher.

-J'ai peur que ça recommence, poursuivit-elle. Les religieux... Les attaques... Les nuits d'angoisse...

-Moi aussi, Arnène, moi aussi ! répondit son père. Mais il ne faut pas y penser et se concentrer sur les enfants et les leçons. C'est ce qu'il y a de mieux à faire !

Le vieil homme soupira avant de regarder au loin avec détermination.

-Pour ce qui est des décisions, j'ai pensé convoquer une réunion des treize après le déjeuner.

-Cela me paraît indispensable, approuva Arnène.

-Bien. Je vais prévenir les autres au cours de ma petite ronde du matin !

Les Deux Monarques (Tome 1 De  La Saga "La Prochaine Civilisation")Où les histoires vivent. Découvrez maintenant