Chap. 3: Le testament (part. 1)

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Chapitre 3

Le testament

Lorsque le Roi Orason pénétra dans la salle du trône, l'ensemble des invités à la lecture du testament de son père se turent. Le jeune Roi se mit alors à avancer doucement, mais avec assurance, tout en fixant le NobleTrône du regard, comme son oncle le lui avait conseillé. Tous les yeux dans la salle étaient braqués sur lui, Orason le savait et le sentait. Pour sa première apparition publique en tant que Roi, Sa Noble Altesse était vêtue d'un magnifique costume trois pièces de flanelle bleue nuit dont le revers de la veste était serti de lapis, de topazes bleues ainsi que de saphirs. Le Roi Orason étrennait aussi, pour l'occasion, une longue cape bleu roi sur laquelle étaient brodées des couronnes royales d'un bleu plus foncé. L'air magistral, il dépassa les bancs réservés aux membres de la Probité, franchit la ligne formée par ses quatre gardes royaux, puis commença à monter les quelques marches qui le séparaient encore du trône. À mi-parcours, il s'arrêta et salua d'un léger geste de la tête les membres de la Noblesse qui occupaient une estrade située sur sa gauche. Il salua ensuite de la même manière les membres de la Sainteté, installés sur sa droite, sur une seconde estrade, puis il enjamba enfin les dernières marches et se retrouva face au NobleTrône, ce trône qui avait toujours été pour lui le trône de son père mais qui était dorénavant sien.

Le NobleTrône avait été sculpté aux premiers temps du Royaume dans l'un des plus anciens et majestueux oliviers sacrés de VilDieu. Le tronc, en sa base, était large de plus d'un mètre. On y avait taillé deux marches ainsi qu'un siège en son centre. Plus haut, la houppe de l'arbre avait été coupée, hormis quelques branches que l'on avait conservées pour des considérations de splendeur et de grandiosité. Toute la surface du trône avait aussi été sertie de saphirs, un siècle plus tôt, à la demande du Roi Agrippin l'Éclatant. La légende racontait que plus de mille pierres avaient été incrustées dans le bois, mais en réalité, nul ne contestait que le compte était certainement bien moins important. Quoi qu'il en fut, le trône resplendissait de centaines de petits cristaux bleus brillants. Orason, planté face à lui, se rappela combien le NobleTrône l'avait apeuré durant son enfance. Les aspérités du tronc lui faisaient alors penser à des dizaines de bras et à des centaines de doigts difformes et affreux qui s'entremêlaient quand les saphirs lui semblaient être des yeux bleus qui l'observaient vicieusement. En ces temps, Orason faisait souvent ce terrible cauchemar au cours duquel le trône, souriant avec malice, happait son père vivant avant de l'appeler d'une voix sournoise : « Orason ! Orason ! Vous êtes le Roi maintenant ! Venez vous asseoir ! N'ayez pas peur !» À l'époque, le NoblePrince Héritier ne s'approchait guère du trône du fait de ce mauvais rêve, mais du temps avait passé, et debout face à cet ennemi de jadis, Orason n'hésita pas ! Il s'approcha, se retourna puis d'un geste vif, il s'assit.

Le jeune Roi passa ensuite la salle en revue comme l'oncle Flavian le lui avait conseillé. Il commença par l'estrade de la Noblesse qui se situait légèrement en contrebas de l'estrade royale, sur sa droite et y remarqua la présence de l'un ou l'autre des Ministres de son père, qui étaient désormais les siens, ainsi que celles de quelques Seigneurs des environs. Ces visages familiers lui semblèrent émerger d'une mer sombre formée par les atours bleus des nombreux Nobles présents. Orason jeta par la suite un coup d'œil sur sa gauche, du côté des Saints, vêtus comme toujours de parures aux différentes teintes de rouge. Il y distingua le Prélat Valeran de SainteLueur, portant sa soutane, sa chape et sa calotte rouge carmin et à ses côtés, il repéra son beau-frère, Pierin de SaintCieux, au rouge écarlate de ses vêtements. Plus loin, au pied des escaliers, Orason observa durant quelques secondes ses quatre gardes royaux qui se trouvaient dos à lui, de faction. Leurs armures de matelassé, de même que leurs casques en acier étaient teintés de noir, la couleur de l'ordre de la Vilénie, mais ils portaient toutefois des rubans bleus au bas de leurs plastrons et de leurs dossières ainsi que sur leurs épaulières, pour signifier qu'ils étaient au service de la Noblesse. Ce détail permettait de différencier les gardes des soldats, qui étaient affublés de rubans noirs, et des frères, dont la couleur des rubans était le rouge. Par delà la ligne formée par les gardes, les Probes présents portaient tous du jaune, la couleur attribuée par le Bénicieux à la Probité. Mais ces hommes-là, qui étaient les plus riches membres de leur ordre – chacun d'entre eux avait dû s'acquitter d'un qarlin d'or pour assister à la cérémonie du jour - ne portaient pas n'importe quels jaunes, mais seulement les plus délicats et les plus éclatants, qui étaient aussi les plus coûteux et les plus rares. Orason finit son tour d'horizon de la salle du trône en accordant un regard à la Reine, assise à sa gauche sur l'estrade royale, avant d'effectuer un léger signe de la tête à l'adresse de son oncle, le GrandAviseur Flavian, qui se trouvait assis à sa droite.

Les Deux Monarques (Tome 1 De  La Saga "La Prochaine Civilisation")Où les histoires vivent. Découvrez maintenant