Chapitre 2 part 2

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Aithne

- Je démissionne. Je retourne dans mon village natale.

Nous l'observions dans un silence de plomb depuis plusieurs minutes déjà. La tête baissée, le vieux médecin fixait ces mules abimés.

- Tu déconnes, rit Ruri nerveusement. Tu... tu ne nous abandonnerais pas!

Sa pupille s'agitait dans tous les sens cherchant une moindre ironie sur le visage du médecin. Pourtant, lorsque je le regardais, à mon tour, je n'y vis que de la culpabilité et des remords m'assénant un nouveau coup de massue sur le crâne.

- C'est un cauchemar, chuchotais-je fixant d'un coup mon assiette.

Kaël, jusque-là, silencieux se leva d'un bond de sa chaise.

- C'était quoi ton projet, dit-il le regard incisif. Jouer le rôle du papi gâteau un peu boudeur, par pitié, pour t'en aller quelques années après et recommencer autre part.

- Kaël ! S'écria Jabon choqué.

- Ne t'aventures pas à prononcer mon prénom.

Il ne criait pas et pesait chacun de ses mots d'un ton grave, menaçant mais surtout froid. Si sa maîtrise corporelle parfaite le rendait intimidant ; ses yeux, eux, ne mentaient pas. Pas cette fois et la tristesse que j'y décelait me faisait écho.

Mon cœur tambourinait dans ma poitrine et ma tête était prête à exploser. En faite, je n'étais même pas réellement en colère. Non, j'étais dégoûtée. Peut-être, nos réactions pourraient paraître égoïstes voir immatures. Après tout, même s'il n'avait pas d'enfants ; ils lui restaient ses parents. Ils se pourraient qu'il éprouve le besoin de se rapprocher d'eux, par exemple.

Pourtant, c'était justement ses problèmes de famille qui l'ont poussé à s'engager dans l'armée comme médecin attitré. Le fait qu'il n'est aucun enfant et nous, plus de famille avait participé au tissage d'une relation qui s'en approchait. Avec naïveté sans doute, j'avais cru à des liens puissants. Un parent n'abandonnait ses enfants pour rien au monde, n'est-ce pas ?

Pour dire vrai, cela faisait bien longtemps que je ne croyais plus en personne. C'est pour cela que je chérissais notre amitié paternel et je le choyais encore et encore. Alors pourquoi aies-je l'impression que tout cela me revenait en pleine face ?

- Tu te rends compte de ce que tu nous sors !s'impatienta Silas. On vient à peine de sortir d'une convalescence et là tu nous apprends que tu nous abandonnes pour aller je ne sais où.

- Mais, je nous abandonne pas! s'indigna t-il.

Je relevais ma tête, offusquée.

- Ah bon et t'appellerais ça comment ?m'emportais-je. Partir en vacances!

Je tremblais de tous mes membres. Si ma colère se faisait, plus tôt, engloutir par mon dégoût, c'est elle qui dorénavant régnait en maître sur mes autres sentiments. Comme toujours, je voulais intérioriser et vaincre ma tristesse par ma nonchalance. Mais, je n'en avais plus la force. Je voulais qu'il entende ma rage, ma peine, mon dédain et mes plaintes.

- Tu te barres comme le ferait le pire des lâches et tu nous l'annonces le soir autour d'un dîner alors que tout allait bien il y a quelques heures! Le pire, c'est que j'ai l'impression que si nous ne t'avions pas tirer les vers du nez, on en saurait rien.

Son regard s'abaissa une nouvelle fois.

- Mais bordel, m'exclamais- je excédée. Pas toi!

- Vous ne savez rien de ce qu'il se passe en interne, murmura t-il l'air triste. J'aurais aimé rester avec vous jusqu'à la fin, pour vous protéger du mieux que je peux. Je l'aurais voulu. Mais...

Masters : l'éveil des dominantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant