Chapitre 9

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Sa joie ne dura pas longtemps, car Angela mourut d'une tuberculose, c'était en 1937, son fils pleura à nouveau toutes les larmes de son corps, sa mère, celle qui l'avait soutenu toute sa vie, celle qui l'a poussé à être ce qui l'est devenu aujourd'hui, la femme qui l'aimait et qu'il aimait le plus au monde, est morte.

Toute son monde s'effondra, il niait sa mort, suppliait ses grands-parents de lui dire que c'était une blague, mais non, tout était vrai, et ce sont les souvenirs qu'il avait d'elle, comme quand elle le câlinait et l'embrassait devant toute son école, tous les témoignages de l'amour que lui portait sa mère qui avant ne lui faisaient ni chaud ni froid mais qui maintenant lui sont si chers, tous les cadeaux qu'elle achetait avec de l'argent durement gagné pour le simple plaisir, le simple sourire, le simple « merci » de son fils.

Mais ce qui lui faisait le plus mal, ce sont les quatre dernières années qu'il a passé avec sa mère, en total désaccord avec elle, les satanées quatre années, bien qu'ils se soient réconciliés avant la fin, Hans avait toujours ce souvenir amer qu'il a gaspillé quatre sur dix-huit ans passés avec sa mère. Angela fut enterrée à côté de Siegfried pour enfin le rejoindre dans le monde des fantômes, il n'allait pas la voir au cimetière car c'était pour lui impossible de voir sa mère ensevelie sous terre. Mais il se rassurait lui-même en se disant que ses parents sont heureux là-haut, dans l'au-delà.

Son deuil dura environ deux ans, il ne pouvait se réveiller un jour sans penser à sa mère, il essayait de ne pas y penser, mais essayer le rendait plus nerveux parce qu'il se souvenait de ce qu'il devait oublier. Il se rassurait de temps en temps en disant qu'elle a quitté ce monde en l'aimant, mais il se haïssait, se détestait en repensant aux quatre années où il faisait du mal à sa mère, il lui arrivait même d'aller dans le jardin en pleine nuit et crier : «Excuse-moi, maman », ses grands-parents croyaient même qu'il était fou.

Son deuil, qui lui permit de passer plus de temps avec ses grands-parents et se rapprocher d'eux, le quitta pour faire place à un problème plus grand : la seconde guerre mondiale. Tout le monde avait peur de cette guerre quand elle éclata, les grands-parents avaient peur car à part la première guerre mondiale, ils ne connurent aucune autre guerre, et cette dernière était pour eux une expérience, mais maintenant qu'ils connaissent ses terribles atrocités, ils ne sont pas prêts pour une deuxième guerre, et en plus de ça il y avait de nouveaux ennemis et de nouvelles armes mises au point dans le seul but de tuer, même Hans, le soldat le plus fort, le plus compétant, et le plus efficace, avait peur, certes, il savait qu'avec ce Hitler l'Allemagne risquait une guerre en envahissant la Pologne, mais pas de cette ampleur, et en plus de ça, il était obligé de combattre pour l'Allemagne, sous l'uniforme nazi, mais pour l'Allemagne, cette idée de faire la guerre, de tuer des personnes, de risquer de se faire tuer, pour un parti qu'il déteste, le hantait, l'épouvantait, il ne pouvait pas ne pas faire la guerre car il était obligé de la faire, même s'il ne voulait absolument pas, mais s'il la faisait, il ne tuerait personne, serait inutile, et se ferait tuer, il voulait certainement rejoindre ses parents dans le ciel, mais de cette façon, il n'avait encore que vingt ans, il ne voulait être mort comme son père, tué par une balle tirée au hasard, il avait beaucoup d'autres choses et d'années à vivre !

Face à cette impasse, Hans décida de défier toute logique en faisant le pire choix possible, en suicidant, ou plutôt, en essayant de se suicider : le jeune homme ingurgita une dose importante de cyanure, resta une semaine au lit, et fut remis à la vie grâce au médecin du village. Le docteur qui le sauva, ou plutôt, le tua dans sa propre mort, le replaça dans son impasse, dit qu'il ne devait absolument pas refaire ce qu'il a fait s'il veut garder sa vie, Hans écouta les paroles du médecin, mais les grands-parents aussi, qui interdirent à tous les infirmiers de la ville de vendre à leurs petit-fils n'importe quel poison ou n'importe quelle drogue mortelle et qui cachèrent tous les pots d'arsenic utilisé pour tuer les rats.

Les problèmes recommencèrent pour le jeune homme quand Adolf, encore lui, vint se présenter à la porte de la maison Kraus, et dit aux grands-parents de laisser leur petit-fils rejoindre l'armée, devenir soldat et de protéger son pays, les parents de la morte ont accepté, ne pouvant faire autrement, même s'il y avait une partie d'eux qui était d'accord avec Hoffmann.

Le vétéran qui devait maintenant revenir à l'armée et devenir soldat tout comme ses élèves actuellement, apporta le jeune homme dans un endroit qu'il connaissait bien, la caserne, dans le but que les militaires s'entrainent une seconde fois, pour une seconde guerre, même Hans, enfin, surtout Hans, car il avait pris un peu de poids durant ces deux années de deuil et d'inactivité.

Mais le fait de risquer sa vie pour quelque chose qu'il n'aime pas était un gros problème pour le jeune homme, et Hoffmann l'a vite remarqué durant la première bataille, car Hans ne pouvait tuer des personnes à qui on a envahi le pays, ne pouvait tuer des personnes qui n'ont rien demandé et il le faisait très bien comprendre en gaspillant des balles en les tirant soit trop haut dans les airs, soit trop bas dans le sol. Le pauvre frémissait de peur et sursautait à chaque tir qu'il entendait, à chaque obus qui s'écrasait contre quelque chose, ses anciens camarades qui étaient en très bonne santé étaient maintenant carrément devenus fous ou perdaient totalement la vue après avoir atteint des niveaux de stress phénoménaux.

Voyant que Hans était absolument inutile, Hoffmann, qu'on devait appeler maintenant « commandant Hoffmann », l'envoya à Berlin où il est devenu directeur d'une prison où on enfermait les soldats ennemis.

Là-bas, en voyant toutes les personnes juives arborant l'étoile de David sur chacun de leur vêtement et les officiers nazis mettant fièrement les symboles de leur idéologie sur chaque habit qu'il portait, il recommença à faire ce cauchemar où il était ligoté dans cette même pièce sombre qu'il n'avait jamais vu ailleurs, mais cette fois, le mauvais rêve prit une tournure malsaine : les croix gammées dessinées sur les murs étaient maintenant brodées sur le mur, oui, brodées sur le mur, et les sortes de Hitler masqués étaient maintenant devenus sa propre mère, Angela, il n'écoutait plus son ancien ami crier de douleur, mais sa mère qui se faisait torturer et qui criait : « Aide-moi, mon fils, c'est moi ta vraie mère, pas celle que tu as en face de toi, tu vois bien qu'elle a un masque, elle va te torturer, elle veut que tu me détestes ! », il se réveillait exactement au moment où sa mère prononçait cette phrase, envahie parla peur.

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