Parade Nuptiale [Romance fantastique - Terminée]

Chapitre 19

Nous avons passé l'après-midi au lit à expérimenter de nombreuses choses et j'en suis ressortie épuisée, mais comblée. Craig est à la fois patient et séducteur, laissant tantôt son côté protecteur, tantôt celui de l'amant empressé prendre le dessus et cette dualité me fait tourner la tête.

Allongée de tout mon long, le drap recouvrant des parties stratégiques de mon corps, j'attends Craig qui est allé se doucher. Mes membres sont engourdis et je somnole quand une sonnerie stridente interrompt mon repos. Je me redresse en reconnaissant le bruit de mon portable qui doit être quelque part dans le coin. Mon sac est sur un fauteuil à côté du lit, je ne me souviens pas l'avoir posé là. Je m'enroule dans le drap et vais pour décrocher, sans regarder quel est mon interlocuteur.

— Allo ?

— Rose ? C'est ta mère.

Je me crispe. Finalement j'aurais dû vérifier qui m'appelait. Je croyais avoir filtré son numéro de téléphone ?

— J'essaie en vain de te joindre depuis le brunch, mais ça échouait, alors j'ai utilisé un autre mobile.

Je grince des dents et siffle :

— Et tu ne t'es pas dit que je ne souhaitais pas discuter avec toi après la honte que tu m'as infligée ce dimanche-là ?

— De quoi parles-tu ? Je n'ai fait que rendre les choses officielles entre Craig et toi, pour qu'il ne bafoue pas ton honneur.

Je fronce les sourcils, ne comprenant rien à sa logique vaseuse.

— C'est-à-dire ?

— Ma chérie, tu es bien naïve. Nombreux sont les vampires qui profitent de l'innocence d'humaines, leur promettant le mariage et qui, une fois qu'ils ont obtenu ce qu'ils voulaient, s'en vont pour de nouvelles aventures. Officialiser les choses avec ce célibataire de longue date t'aurait protégé. Avec ses relations, rien n'est paru dans la presse. J'espère que tu ne le fréquentes plus, nous te trouverons un autre parti plus sérieux.

Cette nouvelle me soulage. Cette histoire est suffisamment honteuse pour que je ne m'inflige plus de mal en la voyant étalée dans les torchons à scandale. Combien de fois ai-je eu de la peine pour les pauvres humaines traitées d'arrivistes quand elles avaient le malheur d'apparaître au bras d'un vampire ? J'ai toujours eu peur de finir comme elles, des parias qu'on a exhibés comme si elles étaient des morceaux de viande pour après les critiquer, car elles faisaient ce que la société attendait d'elles : des épouses parfaites et effacées pour pondre plein de bébés aux dents pointues. Je suis heureuse que Craig m'ait épargné ça. Il a beau avoir une image publique, nous en avons déjà parlé, il est discret sur sa vie privée, n'apparaissant que dans des revues scientifiques pour présenter les travaux de ses équipes de recherche.

— Ce que je fais ne te regarde en rien. Contrairement à ce que tu penses, je ne fréquente pas Craig pour son statut, mais parce qu'il me plait.

— Tu es encore avec lui ? Alors tout n'est pas perdu, dit-elle, soulagée.

— Pourquoi appelles-tu ? la coupé-je, avant qu'elle ne renchérisse sur ce sujet.

— Ton établissement vétérinaire nous a fait parvenir un avis de paiement. Il me semblait que Craig avait tout financé, que ce soit ton logement ou tes études ridicules.

— J'étais en classe préparatoire, je n'entre qu'en septembre à l'école à proprement parlé. J'ai dû oublier de leur indiquer l'adresse de mon appartement.

C'est une erreur qui va me coûter cher, je le sens.

— C'est toujours chez nous, tant que tu n'es pas mariée.

— Non, c'était le cas quand j'étais mineure, maintenant je suis indépendante.

J'ai failli dire libre, c'est la vérité également. Elle marque une pause et ajoute :

— Tu tiens à être détachée de ta famille ?

— Dans la mesure du possible, après vos menaces de me prostituer et votre violence, oui, c'est mon souhait.

— Rose, je savais que tu étais stupide, c'est pour ça que je suis étonnée que Monsieur Van Hamm t'ait choisie plutôt que Gina, mais ingrate à ce point ! Si nous ne t'avions pas poussée à te rendre à la Parade, ton prétendant ne t'aurait jamais remarquée.

— J'étais contrainte et forcée, pas encouragée maman.

— Ne joue pas sur les mots.

— Ce n'est pas à prendre à la légère. Il s'agit de ma vie.

— Dans ce cas, tu ne verras pas d'inconvénient à ce que je t'envoie la facture de tes études.

— Non, fais-le.

Je ne sais pas comment je vais payer, il faut que je mette de côté une partie de mon salaire au laboratoire.

— Bien, mais ne crois pas que tu vas te débarrasser de nous comme ça. Si tu es effectivement encore avec Craig et que vous venez par je ne sais quel miracle à vous marier, il nous devra une compensation financière. Mira a beau être extrêmement hautaine, elle nous a donné une somme tout à fait raisonnable pour être avec ton frère.

J'explose à travers le combiné :

— Mais dans quel monde d'arriérés tu vis ? Mira a acheté Sélène et le traite comme un esclave sexuel, cela ne te fait rien de savoir que ton fils est malheureux et va sûrement mourir de tristesse dans quelques années ?

Elle soupire :

— Tu dramatises les choses, comme toujours ! Sélène n'aurait pas rêver de meilleure situation.

J'éclate d'un rire sombre, mes poings se crispent.

— Oui, tu parles ! Il aurait pu avoir une carrière de mannequin, une belle et heureuse famille. À la place il sert d'objet sexuel pour des vampires pervers, privé de son sang et de sa dignité, car il est accro au liquide rouge de Mira. Tu as livré ton fils unique à une vie de lente et douloureuse agonie.

— Tu es complètement hystérique ma pauvre.

Je continue de vider mon sac, la colère m'a fait perler des larmes aux yeux.

— Écoute-moi bien mère, peu importe ce qu'il adviendra entre Craig et moi, cela ne te concerne en rien. Nous n'avons pas abordé le mariage, ni rien d'approchant. Nous apprenons à nous connaitre et si nous nous apprécions suffisamment et réciproquement, à ce moment-là seulement nous parlerons d'avenir. Il ne sera jamais question d'argent ou quoi que ce soit. Et tu peux me menacer encore de m'envoyer dans je ne sais quel bordel à l'autre bout du monde, cela ne changera rien. Je refuserai que Craig paie parce que j'ai une famille de cinglés !

— C'est toi qui vois, mais crois-moi Rose, tu vas regretter ces paroles.

La main tremblante, je raccroche et m'effondre sur le sol, en sanglots. La peur et la haine me rongent de l'intérieur. Mon frère Sélène est perdu et je vais l'être bientôt. Ils trouveront un moyen de mettre leurs menaces à exécution et je n'ose en parler à Craig, car je devrais alors lui avouer l'origine de notre relation, et je mourrai probablement de honte.

Soudain, je sens une présence et des bras m'enlacent. Je me laisse aller contre Craig. Pour le moment je suis avec lui et j'ai la sensation que rien de mal ne peut m'arriver. J'espère que cela va durer, mais tôt ou tard, je devrai affronter les conséquences de mes mensonges auprès de lui. Je pourrai faire face si je coupe les ponts avec mes parents. Si je perds Craig, je ne m'en remettrai pas.