Chapitre 18 : Personne

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Quelques semaines étaient passées et Eren n'avait pas eu l'occasion de parler à Levi en tête-à-tête. Il le surprenait parfois à regarder dans sa direction, mais le garçon se détournait toujours immédiatement, comme craignant un simple contact visuel.

De nouveaux bleus fleurissaient parfois sur ses bras et son visage. Leur groupe d'amis faisait semblant de ne rien voir mais Eren n'y arrivait pas. Il ne pensait qu'à ça. Il ne pensait qu'à lui. Le matin, le soir, la nuit. Beaucoup la nuit. Il ne s'était pas résolu à lui envoyer un message, de peur de le faire fuir un peu plus. Mais ce midi, en le voyant arriver au self, la lèvre fendue, il n'y tint plus. Il attrapa son portable et pianota un message sous la table.

« Est-ce-que ça va ? »

Levi fronça les sourcils en sentant son portable vibrer sur la table et y jeta un coup d'œil. Il se retint de regarder Eren et répondit.

Eren sentit le vrombissement de son téléphone dans sa main et il baissa les yeux, le cœur battant.

« Ça va »

C'était tout. Pas un mot de plus. La déception lui étreignit la gorge. Alors, Eren décida de lâcher prise, de vider son sac. Un sac rempli de questions et d'inquiétudes qui pesait bien trop lourd sur son cœur.

« Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? Si c'est pour l'autre nuit, je suis vraiment désolé, je n'ai pas fait exprès. Je te jure que je dormais.. Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise, je suis désolé. Ça ne se reproduira pas. »

Eren jouait fébrilement avec sa nourriture du bout de sa fourchette en attendant sa réponse.

Levi relut le message plusieurs fois avant d'y répondre. Il aurait aimé lui répondre que non, ça n'allait pas du tout, qu'il avait adoré ça, dormir dans son lit, avoir une vie normale. Qu'il aimerait bien y revenir ce soir d'ailleurs, tellement sa vie puait la merde en ce moment, mais que c'était impossible car il ne tolérerait pas qu'un être comme Eren vienne se souiller dans la crasse des Ackerman par sa faute.

Le vibreur à nouveau, dans sa main.

« Non, pas de bail, t'en fais pas. J'avais déjà oublié. J'ai juste des trucs à gérer ces temps-ci, qui impliquent des bleus et des lèvres en sang. »

Oh. Il avait déjà oublié, hein. 
Eren planta ses yeux verts dans ceux de Levi, le fixant d'un air déçu. Il hocha la tête d'un air entendu comme pour lui dire qu'il laissait tomber et il sortit de table en silence.


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Samedi – Deux heures du matin

Eren sursauta en entendant la voix de Zach Bryan et ses riffs de guitare se répandre dans sa chambre. L'esprit embrumé, il tâtonna son lit à la recherche de son portable. Il fronça les sourcils en constatant l'heure avancée et s'inquiéta immédiatement pour sa mère. Mais contre toute attente, ce n'était pas le numéro de Carla qui s'affichait, mais celui de Levi.

- Levi ? Ça va ?

- Eren, j'ai besoin de toi. Ma mère est blessée et je n'ai rien à la maison pour nettoyer ses plaies et la soigner.

Eren, sentant l'urgence dans la voix de Levi, s'assit dans son lit, à présent tout à fait réveillé.

- Elle a besoin d'aller à l'hôpital ?

- Non, non. J'peux pas l'emmener à l'hôpital, répondit Levi d'un ton impatient.

- Heu okai, répondit Eren, un peu perdu. Tu as besoin de quoi ?

- Ta trousse à pharmacie. Je vais me débrouiller avec ça.

- D'accord.

- Eren, j'ai besoin que tu me l'amènes, je ne peux pas la laisser toute seule.

- J'arrive.

Eren sauta dans son jean et enfila un sweat avant de courir dans la salle de bain. Sa mère travaillait et il regretta de ne pas pouvoir bénéficier de ses précieux conseils. Il attrapa la trousse à pharmacie et se précipita dans la cage d'escalier, ses baskets à peine enfilées.

Il pleuvait à verse et il rabattit la capuche de son sweat sur sa tête. Après une grande inspiration, il s'élança sous la pluie battante. Un bloc. Deux blocs. Trois blocs. 
Dix minutes plus tard, il sonna à l'interphone de celui de Levi, trempé.

La voix du garçon retentit dans le silence de la nuit.

- Quatrième.

Eren monta les marches trois par trois et arriva hors d'haleine au quatrième étage. Le cœur au bord des lèvres, il frappa discrètement en essayant de reprendre son souffle.

La porte s'entrouvrit légèrement et Levi apparut en tee-shirt large – son tee-shirt – et bas de jogging gris. Des cernes violettes tranchaient avec la pâleur de sa peau.

- T'es venu. Merci, dit-il en tendant la main pour attraper la trousse à pharmacie.

- Est-ce-que ça va aller pour ta mère ? Tu as besoin d'aide ?

- Levi mon ange, c'est qui ? Une voix douce s'était élevée dans le salon, derrière le garçon mais Eren ne pouvait pas la voir.

- C'est rien maman, t'inquiètes.

- C'est un de tes amis ? Fais le entrer, chéri.

- Non, c'est personne. Il repart là, répondit-il d'un ton empressé.

Eren haussa les sourcils, blessé.

- Heu okai... J'espère que ta mère va aller mieux. Salut Levi.

Il fourra les mains dans la poche ventrale de son sweat et se détourna pour descendre les escaliers. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, Eren se retrouva dehors, de nouveau sous la pluie. 
Malgré le silence de Levi ces dernières semaines, il venait de courir comme un dément dix minutes sous une pluie diluvienne pour se faire entendre dire qu'il n'était absolument personne. Pas même un ami ou une simple connaissance. Non, personne. Et celui qui lui disait ça portait son tee-shirt pour trainer chez lui. 

Le culot, bordel.

Sur le chemin du retour, Eren courut. Pas pour rentrer chez lui, ou pour éviter d'être trempé. Non, il courut pour chasser la déception qui le rongeait comme un poison. Il filait à travers les blocs, les larmes et la pluie se mêlant sur son visage. Et quand, enfin, ses forces le quittèrent, il rentra chez lui.

Eren se déshabilla doucement et s'enfonça dans la couette. Un coup d'œil au réveil l'informa qu'il était 3h30 du matin. Quelle nuit de merde.

On ne l'y reprendrait plus. Il avait vraiment été trop con. Evidemment qu'il n'était personne pour un type comme Levi. Comment avait-il pu penser le contraire, même l'espace d'une seconde ? Eren avait envie de lui en vouloir, de lui faire payer mais dans le fond, Levi ne lui avait rien promis. Il s'était occupé de lui parce qu'il n'aimait pas avoir de dettes, il le lui avait dit lui-même.
Eren avait envie de se gifler. Sale gamin naïf et amoureux.

Il attrapa son portable et envoya un message à Jean, pour lui raconter ses péripéties nocturnes. Après quelques secondes, l'écran de son portable illumina sa chambre et Eren plissa les yeux pour lire la réponse de son ami.

« C'est un odieux connard. Je passe tt à l'heure ma biche. Il faut apprendre à donner de ton absence à ceux qui n'ont pas compris l'importance de ta présence.
Signé : Maître Yoda. »

Eren éclata de rire.

Mais est-ce que quelqu'un dormait dans cette putain de ville ?

Personne (Ereri / Riren)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant