𝟷𝟸 | 𝚂𝙸𝚂𝚂𝙸

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"Putain d'orties !"





𝚂𝙸𝚂𝚂𝙸





            Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit.

Dormir dans le noir complet, c'est comme se retrouver seule dans une forêt en pleine nuit, ça file la frousse. En temps normal, lorsque je suis en compagnie d'une personne, j'arrive à peu près à trouver le sommeil. Mais avec un homme aussi froid et impassible que le type qui partage ma chambre, je préfère garder une lumière à mes côtés.

             – Première fois ?

            J'étais tellement obnubilée par ma propre rancœur envers mon colocataire que je n'ai même pas remarqué la femme qui s'est assise sur le siège adjacent au mien. Des cheveux blonds descendent en cascade sur ses épaules. Le dos voûté et de grands cernes creuses assombrissent ses yeux.

Elle me désigne de l'index l'aiguille qui aspire mon sang.

             J'agite ma main.

            – Oh ! Je me fais plus souvent sucer par cette maudite aiguille que par un moustique affamé. Ne vous inquiétez pas !

            Un sourire fend ses lèvres gercées. Je note de ne plus laisser transparaître mes émotions aussi facilement sur mon visage. Je dois avoir une sacrée mauvaise mine pour que cette femme m'ait posé cette question.

Je lâche un soupir empli de désespoir.

– Désolée, ris-je. J'ai tendance à être un peu trop cash. Beaucoup de gens m'envoient bouler d'habitude. Et pour être honnête, si j'étais vous, j'arrêterai cette conversation avant que je ne vous fasse fuir.

La blonde ne semble pas se démonter face à ma mise en garde. Une part de moi aimerait bien qu'elle reste. Car dans cette salle, l'ennui est mortel, un peu comme les maladies qui se propagent dans notre sang. Quand on est touché par un drame, les gens nous regardent toujours avec désespoir et nous couvrent de pitié. L'être humain est créé pour accorder de l'attention à ceux qui ne rentrent pas dans les codes. Des normes inutiles, soit dit en passant. Et à l'instant où je discerne ses cheveux raides et plats, son teint porcelaine puis ses lèvres craquelées, je me comporte tel un être humain : je cerne ce qui ne la rend pas normale.

Sûrement un cancer...

Je gigote sur mon fauteuil. Désormais, j'ai l'impression d'être chanceuse.

– Vous semblez bien sûre de vous, répond la femme en s'adossant afin d'obtenir une position plus confortable.

Une grimace torturée s'installe sur mes lèvres.

Et je repense aux remarques de mon imbécile colocataire.

– Disons que j'ai mes raisons...

– Dites-moi en plus, insiste-t-elle. Je suis convaincue du contraire.

J'hésite un instant, puis cède, le regard baissé sur mes doigts entrelacés.

– Il paraît que je suis lourde et étouffante. Franchement, j'ai bien envie de lui... de leur faire avaler mon poing de travers ! me corrigé-je aussitôt.

Un éclair d'intérêt passe dans ses yeux clairs. Elle paraît s'amuser. En même temps, dans cette pièce, le seul spectacle intéressant, ce sont les mouches qui se cognent contre la fenêtre.

Les épaules de la blonde s'agitent quand elle rit avec douceur.

– Ma pauvre enfant ! Qui donc vous a brisé le cœur pour que vous ayez autant l'envie de lui faire regretter ?

FAVOR THE NIGHTMARE (SPIN OFF) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant