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À peine arrivés chez lui, je suis frappée par la décoration. Elle est vraiment belle. Il y a des guirlandes, des bougies parfumant la pièce principale d'une odeur de fruits rouges et des plantes un peu partout qui rendent la pièce encore plus chaleureuse. L'effet est accentué par la lumière chaude. Ce n'est pas très grand mais on ne s'y sent pas du tout oppressé. Je savais qu'Eliott aimait beaucoup ce genre de chose, mais je ne pensais pas que c'était à ce point-là.

— Je n'ai pas pris le temps de ranger l'appartement, donc excuse-moi pour ça.
— Je trouve que ça va, personnellement. Au passage, j'aime beaucoup ton appartement. Il n'était pas comme ça la première fois que je suis venue.
— Ça me fait plaisir, j'ai mis du temps à trouver la décoration parfaite.
— Ça valait le coup.
— Tu veux quelque chose à boire ?
— Je veux bien du thé, si tu en as.
— Je dois avoir ça, oui.

Il sort de son placard un sachet de thé aux fruits rouges.

— Je te fais ça tout de suite. En attendant, tu peux t'asseoir sur le canapé, si tu veux.
— Merci beaucoup. Tu aimes bien les fruits rouges non ?
— En effet. Ça se voit tant que ça ? sourit-il.
— Nooon, absolument pas ! le taquiné-je.

Quand il vient se placer à côté de moi, je remarque tout de suite qu'il n'est plus autant à l'aise qu'à l'instant d'avant. J'espère que c'est l'effet qu'a sur lui ce qu'il s'apprête à me raconter plutôt que ma présence qui le rend comme ça. Le mieux serait qu'il ne le soit pas du tout.

— Tu n'es pas obligé de m'expliquer si tu en as pas envie... le rassuré-je.
— Je sais. Mais j'ai envie d'en parler. Je sais que ça me fera du bien.

Eliott souffle puis tourne la tête vers moi.

— Comme je te l'ai dit, je suis adopté. Par une famille très aimante, d'ailleurs, avec des origines américaines. J'ai d'ailleurs une certaine aisance en anglais grâce à ça, parce que j'ai grandi en entendant couramment le français et l'anglais.
— C'est super ! avoué-je.
— Ils m'ont donné l'amour que mes parents biologiques ne m'avaient pas donné. Cependant, je n'ai jamais su les raisons de pourquoi ils m'avaient abandonné et depuis le jour où j'ai appris que j'étais adopté, j'ai développé l'envie d'en savoir plus sur ma famille biologique. Mais jusqu'à cette année, je n'ai jamais eu le courage d'entreprendre les recherches.
— Et du coup tu as réussi à les retrouver, c'est ça ? demandé-je précipitamment.
— Oui.

Je reste immobile face à cet aveu. Je ne sais pas si je dois être contente pour lui ou non au vu du ton neutre qu'il a employé.

— Tu as une idée de ce que tu vas faire maintenant...? osé-je.
— Je ne leur ai pas encore parlé. En réalité, j'ai appris autre chose grâce à mes recherches... Il marque une pause avant de reprendre. J'ai découvert que j'avais un frère, que mes parents ont gardé... finit-il en baissant la tête. Il était également dans la rue avec eux tout à l'heure. Mais je ne comprends pas ce qu'ils faisaient là alors qu'ils habitent à Paris.

J'ai l'impression qu'on m'assaille un couteau dans la poitrine. Je n'imagine pas une seule seconde ce qu'on doit ressentir quand on apprend que nos parents biologiques n'ont pas voulu de nous, mais ont bien voulu d'un autre enfant.

— C'est pour ça que je n'étais pas là l'autre jour, en cours d'addictologie.
— Comment ça ?
— J'étais dans un café avec mon frère.
Oh.
— Tu veux en parler ?

Eliott hoche la tête et je lui laisse tout le temps dont il a besoin pour réussir à me parler.

— Étonnamment, ça s'est très bien passé. Je me suis beaucoup retrouvé en lui et ça m'a vraiment fait du bien. C'était la première fois que je trouvais que quelqu'un me ressemblait autant, physiquement et mentalement.
— Ça se comprend et je suis contente que cette rencontre t'ait fait du bien.
— Merci, Anna.
— Je peux te poser une question ? demandé-je pour combler le vide.
— Bien sûr.
— Est-ce qu'il sait pourquoi vos parents ne t'ont pas gardé mais lui, oui ?
— Je lui ai demandé... C'est d'ailleurs une des premières choses que je lui ai demandées en arrivant, mais non... Il ne sait pas. Ils n'ont jamais voulu lui dire. Il savait cependant qu'il avait un frère quelque part mais il a tout juste 18 ans. Il n'a pas eu le courage de se lancer à ma recherche, surtout quand il a encore beaucoup ses parents sur son dos.

Ses parents. Ça me déchire de l'entendre parler d'eux comme si ce n'était pas les siens aussi. Personne ne mérite ça.

— C'est vrai que ça doit être difficile d'entreprendre quelque chose de la sorte dans ces conditions-là.
— En effet... Quand j'ai parlé à mes parents adoptifs de mon envie de les retrouver pour connaître la vraie raison de leur abandon, ils ont eu peur que je veuille les abandonner. Je les ai expressément rassurés en leur disant que peu importe ce qu'il se passerait, ils resteraient mes vrais parents, ceux qui m'ont aimé et chéri durant toute ma vie et que je resterais auprès d'eux quoi qu'il arrive.
— Ils ont vraiment de la chance de t'avoir, Eliott, vraiment.
— C'est gentil... Mais je pense que c'est surtout moi qui en ai. Sans eux, je n'aurais probablement rien, et je ne serais pas un quart de l'homme que je suis aujourd'hui.
— C'est vrai, vous êtes réciproquement chanceux, alors, souris-je.
— Totalement.
— Qu'est-ce que tu vas faire concernant tes parents biologiques et ton frère, du coup ?
— Je vais certainement demander, grâce à mon frère, à rencontrer... nos parents. Je ne sais juste pas quand, ni où.
— Tu penses que c'est une bonne idée ?
— Honnêtement ? Je n'en sais rien, mais qu'est-ce que j'ai à perdre ? J'ai besoin de réponse pour avancer, c'est bien un truc que la psychologie m'a appris. Ne pas avoir de réponse à des questions aussi importantes pour nous peut nous empêcher de passer rapidement à autre chose.
— C'est pas faux... réponds-je avec un faible sourire.

Je ne m'attendais clairement pas à tout ça.

— Enfin voilà ce qui se passe dans ma vie en ce moment. Ce n'est pas très reluisant, je sais.

Je rigole légèrement.

— Je te rappelle que j'ai une mère alcoolique qui m'a fait vivre quelques-unes des pires choses qu'un parent puisse te faire, donc ce n'est pas moi qui vais aller juger ce qu'il se passe dans la tienne.
— C'est pas faux... ricane-t-il.
— Je ne veux pas donner l'impression d'avoir envie de m'enfuir, mais j'ai mon cours de patinage qui commence bientôt et il faut encore que je prenne le bus pour y aller...
— Oui oui, pas de souci. Tu pars quand tu veux, Anna, me rassure-t-il.

Je hoche la tête et me lève du canapé.

— Merci encore d'avoir accepté mes excuses et si tu as besoin de parler à l'avenir de ce que tu as découvert, il y a pas de souci, tu peux m'en parler.
— C'est gentil, j'y penserai alors, répond-il en me faisant un clin d'œil.
— On se voit dimanche ?
— Oui !

***

— J'ai l'impression que ça fait une éternité que je ne t'ai pas vue, comment tu vas ? me demande Éric en me faisant la bise tout en passant sa main dans mon dos.
— En même temps, ça fait un moment que je ne suis pas venue, rigolé-je, gênée. Ça va mieux, je ne suis plus malade !
— Je suis content de voir ça. On s'attaque au travail ?
— Je n'attends que ça !

Éric m'explique un nouveau mouvement que je parviens à réaliser avec aisance. Il est une fois de plus surpris de ma capacité à apprendre aussi vite. Quand je suis passionnée par quelque chose, j'ai automatiquement une facilité accrue à apprendre, peu importe que ce soit un mouvement, une connaissance ou autre. En revanche, je suis incapable d'apprendre des choses par coeur si je ne suis pas intéressée par celles-ci. On a appris en psychologie que c'était plitôt normal.

Être ici, dans ce lieu froid à l'odeur de glace et de produits chimiques me fait un bien fou. Je n'avais même pas pris le temps d'y aller sur mon temps libre tant j'étais perdue entre Eliott, Théo et les partiels.

— En tout cas, tu n'as pas perdu la technique en deux semaines d'arrêt, je te félicite, Anna ! me lance Éric à l'autre bout de la piste.
— Merci ! Je suis rassurée de voir ça moi aussi, parce que j'avoue que j'avais peur d'avoir un peu perdu mon niveau en ne faisant rien pendant autant de temps.

Éric me sourit et continue de me donner des conseils durant l'heure qui suit.

A la fin du cours, je ressors du bâtiment apaisée. Je n'ai pas pensé une seule fois à ce que m'a fait Théo durant mon cours et c'est libérateur. Je pense que je ressens tellement de dégoût, de déception et que la désillusion a tellement été terrible que ça m'a permis de rapidement pouvoir passer à autre chose.

***
Avec du retard parce que mon travail me fatigue, voici le chapitre 20 ! Il est plus court que d'habitude, mais ça fait pas de mal non plus je pense haha !
Que pensez-vous de cette révélation concernant Eliott ?
N'hésitez pas à liker et commenter si le chapitre vous a plu :)

A mercredi, 18h !

Love.❤️‍🩹

Nos coeurs entaillésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant