Épilogue

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(Quelques mois plus tard)

Après quelques semaines d'attente, les résultats du deuxième semestre sont enfin tombés. Depuis ce matin, nous sommes tous en train d'épier le site de l'Université, attendant nos notes impatiemment. Finalement, elles arrivent à dix-sept heures. D'un coup, la pièce est plongée dans le silence le plus total pendant que chacun se concentre sur son relevé de notes. Quelques secondes plus tard, on relève tous notre tête, les larmes aux yeux et un sourire débordant d'enthousiasme. Je comprends qu'on a tous réussi à valider le semestre, ainsi que notre année, y compris moi, ce qui n'a pas été une mince affaire.

Dès la fin de la compétition en février, je suis allée directement porter plainte. Ce fut un moment particulièrement douloureux mais nécessaire. J'ai pris sur moi pour aller au bout de la démarche parce que je savais que ses actes ne devaient pas rester impunis. Je ne pouvais pas vivre avec sur la conscience le fait qu'il pourrait recommencer. C'est là que j'ai appris quelque chose qui m'a bouleversée et plus que sidérée. La policière qui s'est occupée de ma plainte et de mon procès verbal m'a informée qu'il y avait déjà eu deux mains courantes contre mon ancien professeur, par une fille, il y a trois ans et la deuxième a été déposée un an après la première. Les deux avaient mon âge lors des faits. Le deuxième point commun entre moi et ces filles est qu'Éric était à nous toutes notre professeur de patinage artistique. Quand j'ai appris ça, j'ai tout de suite compris pourquoi ses deux dernières élèves avaient arrêté les cours avec lui, et ce n'était pas parce qu'elles avaient déménagé comme il me l'avait fait croire. Cette policière m'a également expliqué qu'ils n'avaient malheureusement rien pu faire de plus étant donné qu'ils n'avaient aucune preuve contre lui. Par chance, il y avait des caméras dans les vestiaires de la patinoire, ce qui m'a permis d'avoir quelque chose de très concret pour porter plainte. Elle m'a rassurée en me disant qu'ils avaient normalement tous les éléments nécessaires pour le punir. Un procès a eu lieu en avril, et a été encore plus dur à vivre que le dépôt de plainte. Je devais supporter de voir Éric se défendre, justifiant ses actes en expliquant que je le voulais et que je lui avais fait du rentre-dedans. Heureusement pour moi, il n'a pas été cru et a été reconnu coupable. Je ne crois pas avoir été autant heureuse dans ma vie que ce jour-là. Je venais de faire condamner quelqu'un qui n'avait rien à faire dans la rue, un prédateur sexuel. Au départ, je le faisais pour moi, mais au fil des semaines, j'ai fini par le faire aussi pour ces deux filles qui n'ont pas pu faire plus qu'une main courante, ainsi que pour toutes les personnes — quel que soit leur genre — qui n'ont pas pu le faire ou qui n'en ont simplement pas eu le courage. Je l'ai fait pour toutes ces personnes qui ne méritaient pas qu'on ne respecte pas leur non, leur consentement. J'espère que mon acte aura donné du courage à quelques personnes et que ça aura fait du bien à d'autres. Je suis fière de moi et mon entourage m'a soutenue tout du long, ce qui m'a clairement aidée à supporter la pression et la peur qu'il réussisse à retourner la chose contre moi. Mais Éric a voulu jouer... alors je me suis assurée qu'il perdrait.

— On l'a fait ! On a réussi à obtenir notre licence, les gars ! On est trop fort, s'extasie Matéo en nous prenant dans ses bras.
— Oui ! réponds-je avec autant d'enthousiasme que lui.
— On est les meilleurs ! surenchérit Louise.
— Ça, je suis d'accord ! conclut Eliott.

J'ai vraiment le meilleur groupe de potes et le meilleur copain au monde.

Au-delà de ça, j'ai aussi été acceptée dans un master spécialisé dans les thérapies cognitives et comportementales à Strasbourg, avec comme envie de me spécialiser dans les troubles de stress post-traumatique. J'ai finalement décidé de me tourner davantage vers ce domaine-là qui me passionne tout autant que les addictions. Eliott a d'ailleurs été accepté dans ce même master, alors l'année prochaine, nous continuerons à partager les mêmes salles de classes, pour notre plus grand bonheur. Je crois bien que c'est mon agression sexuelle qui a un peu tout basculé dans mes envies. Mais ce n'est pas la seule chose sur quoi elle m'a impactée. Pendant plusieurs mois, je n'ai pas pu remettre un seul pied dans une patinoire. Je ne pouvais pas, jusqu'à récemment, accompagnée de mes amis. Je ne parvenais plus à prendre du plaisir et à me plonger dans ma petite bulle protectrice lorsque j'étais sur la glace. J'étais constamment en hyper-vigilance, comme si Éric pouvait surgir à n'importe quel moment et me sauter dessus. Il suffisait que je pense à patiner pour que ça déclenche en moi un torrent d'émotions qui menait à une crise de panique et des nausées. C'était insupportable. Alors j'ai pris une longue pause, qui s'est révélée plus que bénéfique. J'ai pu me concentrer davantage sur les cours et avoir plus de temps libre pour me reposer ou passer du temps avec mes amis. J'ai également eu le temps de m'engager dans une association luttant contre les violences sexistes, sexuelles et psychologiques, qui m'a aidée dans la guérison presque totale de mon traumatisme. Je me sens incroyablement bien en aidant des personnes, encore plus quand cela concerne des sujets qui me touchent d'aussi près.

Quant à Lou et Matéo, ils ont également réussi à être acceptés dans un master de droit privé avec le parcours droit des personnes et des familles, à Paris. Nous serons donc obligés de nous séparer à partir de l'année prochaine, mais on s'est promis que la distance ne nous séparera pas et qu'on essayera de se voir aussi souvent que possible, et j'espère vraiment que ça ne nuira pas à nos relations. Je sais pertinemment qu'ils vont me manquer plus que je ne l'imagine déjà.

Je crois que cette année scolaire a été, d'une certaine manière, une des plus mouvementées de ma vie. D'habitude, je les passais sans trop d'encombre, je menais ma petite vie tranquille avec mes amis, même si nous étions en perpétuel conflit avec Eliott, j'étais heureuse. Et puis la troisième année est arrivée, le projet, la compétition de patinage artistique, la mort de ma mère. Tout s'est très vite enchaîné et ça m'a empêchée de vraiment prendre le temps de souffler. Maintenant, je me sens plus heureuse que jamais et en paix avec moi-même.

Mais aujourd'hui, je ne fête pas que l'obtention de notre diplôme. Je fête aussi la vie et la chance que j'ai d'être vivante et enfin, je fête également nos cinq mois de relation avec Eliott. Nous avons eu des petites disputes au cours de ces quelques semaines mais rien qui n'a suffi à nous séparer, parce que nos cœurs, bien qu'entaillés, battent encore malgré tout l'un pour l'autre. Une partie du sien vient m'aider à panser toutes ces coupures que je pensais inguérissables et je sais que désormais, un bout de son cœur vivra au creux du mien, pour toujours et à jamais.

***
Hello !! Et voilà... on y est... Nos cœurs entaillés touche à sa fin...
Bon, parlons de l'épilogue: qu'en avez-vous pensé ? Êtes-vous satisfaits ? Dites-moi touuuut 👀💗
Je posterai dans quelques jours un chapitre remerciements, tout ça tout ça (là j'ai pas le temps, je suis en vacances hahaha) !
N'oubliez pas de cliquer sur la petite étoile pour voter et de commenter si ça vous a plu ! :)

Je suis trop triste ahhhh, je veux pas que ça se finisse mais... comme on dit... « toutes les bonnes choses ont une fin »...

Love.❤️‍🩹

Nos coeurs entaillésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant