Avec les changements d'emploi du temps dus au nouveau semestre, je n'ai plus cours le jeudi, autrement dit, aujourd'hui. En revanche, mon mardi est rempli comme il ne l'a jamais été en trois ans de fac, heureusement qu'Eliott est là pour m'aider à supporter le poids des cinq heures d'affilée que l'on a ce jour-là chaque semaine.
Je profite de ce jour off pour m'occuper de quelque chose que je repousse depuis un moment maintenant : aller récupérer certaines choses chez ma mère. Je déglutis rien qu'en l'évoquant dans ma tête. Malheureusement, bientôt, tout ce qui n'est pas récupéré sera jeté dans le but de vider la maison et de la remettre en location, alors je n'ai pas le choix d'y aller. C'est ainsi que je me retrouve, en pleine après-midi, face à la maison de mon enfance.
Il me faut quelques bonnes minutes et plusieurs longues inspirations avant d'oser ouvrir la porte et entrer dedans. L'odeur de renfermé me fouette à plein nez. J'appuie sur l'interrupteur à ma droite mais rien n'y fait, la lumière ne vient pas. La seule explication qui me vient est que le courant a été coupé, pas étonnant.
Je balaye mes yeux dans tous les sens et constate l'état de la maison, qui je dois dire, me surprend beaucoup. Elle est impeccablement rangée et plus propre qu'elle ne l'a été quand j'habitais ici. Soit elle avait vraiment décidé à se bouger pour guérir, soit c'était le fait que je ne viendrais plus ici qui l'a motivée à tout nettoyer.
J'entre dans la cuisine qui donne vue sur le salon et aperçois un reste de vaisselle dans l'évier. Pas grand-chose, juste une casserole, une assiette et des couverts, mais suffisamment pour me replonger dans le souvenir qu'à une époque, moi aussi, j'utilisais tout ça. Je chasse cette image qui me fait plus de mal qu'autre chose et m'attaque au salon avant de changer de pièce quand je n'y trouve rien d'intéressant pour moi. Je me dirige maintenant vers mon ancienne chambre, dans laquelle j'espère pouvoir récupérer des objets, comme des anciens livres par exemple.
Une pointe de nostalgie me heurte quand je découvre que rien n'a changé. C'est toujours le même papier peint violet pastel qui emplit les murs, mon lit encore impeccablement fait et mon petit synthé fièrement posé sur mon bureau que j'avais oublié. Je n'en faisais pas souvent parce que je ne pouvais pas mettre de casque, ni d'écouteurs dessus et m'entendre était quelque chose que ma mère détestait. Alors j'attendais qu'elle ne soit plus à la maison pour en jouer, ce qui était finalement très rare. Mais je me rappelle encore des émotions qui se diffusaient dans tout mon corps quand j'en jouais dans ma chambre. Je me fais une petite note mentale pour penser à le prendre en partant.
Je parcours le reste de la pièce du regard et mon visage se décompose quand je remarque sur ma table de chevet une enveloppe, avec mon prénom marqué dessus. Une lettre ? Je la saisis d'une main tremblante et l'ouvre sans aucune idée de ce que je vais trouver à l'intérieur. J'en sors une feuille et je palis instantanément en y découvrant l'écriture de ma mère.
Anna,
J'imagine ce que tu dois pouvoir te dire en découvrant cette lettre, que tu t'en fous de ce que je peux avoir à raconter ou que je vais encore te promettre des choses, des promesses que je n'arriverai certainement pas à tenir, mais ce n'est rien de tout ça. Il y a des choses qui me pèsent sur le coeur que j'aimerais te dire, mais je n'y arriverai que de cette manière, alors me voilà, à mettre tout ce que j'ai au plus profond de moi, mon coeur, mes émotions et mon âme sur cette petite feuille de papier jaunie par le temps. J'espère que tu trouveras le courage de me lire, mais je ne t'en voudrai pas si tu décides de brûler cette lettre et de jeter les cendres le plus loin possible.
Bon, j'arrête de partir dans tous les sens et je vais entrer dans le vif du sujet.
Je ne vais pas mentir, je sais que je n'ai pas été une bonne mère et je ne vais pas dire que j'ai fait tout ce que j'ai pu pour l'être parce que ça ne serait pas honnête de ma part. J'aurais pu faire les démarches bien plus tôt pour tenter de soigner mon addiction et je n'aurais surtout pas dû remettre la faute de tous mes malheurs sur le dos de l'adolescente que tu étais ou sur le dos de n'importe qui, tout simplement. Je n'ai pas su assumer mes actes et c'était plus facile de se délaisser du poids de la culpabilité plutôt que de l'affronter et de lui mettre une bonne raclée. À vrai dire, je me suis sentie mal quasiment toute ma vie, c'est vrai, parce que je n'ai jamais réussi à être aussi douée, jolie et intelligente que l'était ma grande sœur. J'ai toujours été celle que l'on mettait de côté, qui était dans l'ombre de la préférée de la famille. C'était toujours à moi qu'on demandait de faire les tâches ingrates, alors qu'on donnait tout en un claquement de doigts à ma sœur. On pourrait croire qu'elle ne disait rien parce que ce n'était qu'une enfant, ça aurait pu être le cas, mais plus elle grandissait et plus elle me méprisait. Elle mettait tout en place pour que je me fasse engueuler par nos parents et que je sois en position de faiblesse parce que, elle, c'était la victime et moi, j'étais son bourreau. Alors que la réalité était tout autre. C'est elle qui était ignoble avec moi, à m'enfermer dans ma chambre quand je ne finissais pas mes repas ou quand elle voulait avoir l'impression d'être seule. Je me sentais tellement mal parce que, malgré tout, je l'aimais, parce que c'était ma sœur, une petite partie de moi, pendant qu'elle, sans aucun scrupule, me faisait subir tout ça... Je le voyais dans ses sourires qu'elle prenait du plaisir à me voir recevoir une fessée de la part de nos parents. Elle restait toujours derrière eux, guettant chacune de mes réactions pour s'en délecter.

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Nos coeurs entaillés
RomancePlongée au coeur de son avant dernier semestre d'une licence de psychologie, Anna se retrouve bloquée à cause d'un important projet qu'elle ne veut surtout pas faire seule. A côté de ça, sa vie d'étudiante est rythmée par son travail de libraire et...