Chapitre 2

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Le jardin de Saint-Joseph ressemblait bien plus à l'espace extérieur d'un campus américain qu'à un simple jardin. Il y avait une immense étendue de gazon, toujours bien entretenu, quelle que soit la période de l'année, quelques arbres, dont Valentina ignorait les essences, et une dizaine de tables de pic-nic en bois.

Du côté nord, le bâtiment qu'elle fréquentait le plus renfermait les dortoirs et les salles d'activités et de cours. Au centre, l'aile administrative servait d'accueil pour les visiteurs et abritait également l'infirmerie et les bureaux, dont celui de Virginie.

Toute la partie nord représentait l'aile féminine. Même l'immense jardin était coupé en deux, à partir du bâtiment central, par un grillage haut de trois mètres. Rien qui ne puisse empêcher un locataire un peu motivé de passer d'un côté à l'autre. Cependant, il y avait toujours des animateurs – plutôt des gardes, du point de vue de Valentina – qui gardait un œil sur les résidants autant d'un côté que de l'autre.

Le mur d'enceinte, lui en revanche, était haut de cinq mètres, sans la moindre prise et surmonté de barbelés à lames. Valentina avait découvert un pigeon emprisonné dans un de ces tourbillons de métal. Ça lui avait ôté toute envie de tester ses talents d'escapiste.

De toute façon, d'ici quelques minutes, elle quitterait cet endroit par la porte.

— Tu vas tellement me manquer, se plaignit Yasmina avec une moue peut-être un peu trop triste pour être honnête.

Valentina ne répondit rien et se contenta de lui sourire. Ni elle, ni Maya, son autre colocataire, n'allait vraiment lui manquer. Certes, elle les appréciait toutes les deux. Elles étaient sympas et marrantes, la plupart du temps. Pour autant, ce n'était pas ce que l'on pouvait qualifier de bonnes fréquentations et Valentina avait décidé d'éviter ce genre de personnes.

— J'imagine qu'on ne se reverra jamais, proposa Maya avec son petit sourire espiègle.

— Sans vouloir être désagréable, répondit Valentina, j'aime mieux pas.

— Quoi ? s'emporta Yasmina. Arrête tes conneries ! Je sors dans six mois, je passe te voir direct !

Valentina pouffa.

— Tu rêves complet, ma pauvre Yaz, soupira Valentina. Déjà t'habites à l'autre bout du monde. En plus t'auras bien d'autres choses à faire en sortant d'ici que le tour des copines de Saint-Joseph.

— Oh, ça va. Mon père habite à quatre-vingt kilomètres d'ici, c'est rien.

— Sauf que tu retournes chez ta mère, je te rappelle, insista Maya. Et pour aller chez elle, tu prends un avion !

— Ah ouais, merde t'as raison.

Valentina sourit. Yaz vivait complètement à côté du monde réel.

Maya détourna cependant la conversation vers leurs souvenirs communs. En particulier, elle s'attarda sur la fois où Jonasz, pensionnaire du sud, avait tenté de rejoindre Karine dans son dortoir, à deux heures du matin.

— Quel abruti, celui-là ! s'esclaffa Yasmina.

— Il a quand même réussi à entrer dans le bâtiment, je te signale, contra Valentina. C'est quand même un bel exploit.

Le système de surveillance nocturne avait beau être loin de ce qu'on pouvait trouver dans un véritable pénitencier, il n'en était pas moins efficace et avait permis l'arrêt de plusieurs tentatives d'évasion pendant le temps de présence de Valentina. Tous du côté des garçons.

— C'est vrai que traverser les deux jardins sans se faire prendre, c'est presque un miracle, admit Yasmina, presque à contre cœur. Mais je me demande quand même ce qu'il croyait qui allait se passer s'il avait réussi à rejoindre le dortoir de Karine.

Ombre et lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant