Chapitre 12

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— T'es qu'une flipette, un point c'est tout ! déclara Valentina, le sourire aux lèvres.

Depuis qu'elle lui avait reprochée de l'avoir abandonnée à son sort à Saint-Joseph, Juliana s'était montrée un peu plus attentionnée avec Valentina. Toutes les deux s'étaient rapprochées et, de fait, Yoko et Juliana avaient aussi commencé à se fréquenter un peu plus.

En ce samedi après-midi, les filles avaient décidé de se rendre dans un salon de piercing. Juliana prétendait, depuis des mois, vouloir se faire percer le sourcil pour y placer une petite barre en forme de javelot. Si Valentina ne trouvait pas cette forme à son goût, elle n'avait pas tenté de dissuader son amie. Yoko, en revanche, même si elle avait décidé de les accompagner, n'avait eu de cesse d'affirmer que Juliana n'avait pas besoin de ça pour se rendre intéressante.

Pendant une bonne demi-heure, Juliana avait hésité, dans la boutique, détaillant toutes les formes et toutes les couleurs. Yoko et Valentina avaient, bien entendu, parcouru les présentoirs et observer les photos des anciens clients.

— Je peux pas faire ça, avait fini par déclarer Juliana au bord de la crise de nerfs.

— Ah bon ? Pourquoi ?

— Parce que contrairement à toi, je m'inquiète de la réaction de mon père.

Valentina avait éclaté de rire, très vite suivie de Yoko. Le rire de cette dernière avait attiré l'attention sur le trio. Yoko avait tendance à attirer les regards quoi qu'elle fasse. Japonaise d'origine, elle aimait s'habiller et se maquiller comme elle imaginait que c'était la mode à Tokyo. Elle n'y avait pourtant jamais mis les pieds et ne parlait d'ailleurs pas la langue du pays du soleil levant. Sa mère était belle et bien née là-bas, mais habitait en France depuis si longtemps, qu'elle ne parlait plus jamais japonais, hormis en présence des grands-parents de Yoko. Son père, de son côté était français depuis au moins quatre générations et n'avait aucun attrait pour la culture nippone. À se demander comment il avait pu épouser une japonaise.

Dans ce salon de piercing et de tatouage, ce n'était pourtant pas les tenues excentriques de Yoko qui avaient attiré l'attention, mais son rire nasillard.

— En fait, avait répondu Valentina, c'est pas que tu fais attention à la réaction de ton père, c'est surtout que tu flippes de te faire engueuler.

— Je ne suis pas sûre qu'il y ait une vraie différence. Allez venez, on s'en va.

— Non, attends ! avait contré Valentina.

Toutes ces investigations lui avaient donné envie de s'offrir un piercing, elle aussi. Son attention avait été attirée par la photo d'une jeune femme au visage semblable au sien, avec des cheveux bien plus fins, très blonds et bien mieux coiffés, certes. Cette jeune femme avait un anneau dans le nez. Si Valentina avait toujours pensé que cela lui faisait penser aux vaches qui étaient parfois équipées de la sorte, cet anneau était cependant ouvert et terminé par deux petites sphères métalliques qui lui parurent du plus bel effet. Aussi se décida-t-elle, sur un coup de tête, à arborer ce bijou.

Il ne lui avait pas fallu plus de quelques minutes pour passer à l'action, au grand étonnement de ses deux amies.

À présent, dans la rue, elle le tripotait avec précaution, tout en avançant vers la vieille ville.

— Ça fait pas mal, un peu ? demanda Yoko.

— J'aurais pensé aussi, mais non.

— C'est l'effet de la crème anesthésique, contra Juliana. D'ici quelques heures, ça sera peut-être différent. Mais en tout cas, t'avais raison, ça te va bien.

Ombre et lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant