5e partie
Ce dimanche, après la messe, lorsque madame Derigue vint lui présenter ses respects du jour, elle demanda si elle pouvait s'entretenir un peu plus avec le prêtre, une fois les visiteurs partis. Intrigué, Franck accepta. Il invita la femme à venir s'asseoir sur un des bancs de la nef avec lui.
— Que puis-je pour vous, madame Derigue ?
— Je ne sais pas, Mon Père. C'est mon fils, Nolan. Il est sorti de l'hôpital il y a quelques jours. Depuis, il m'a l'air d'être totalement perdu. Votre prêche sur le pardon m'a fait penser à lui et je me dis que peut-être vous sauriez l'aider, là où le psy ne peut rien. Je sais que vous travaillez aussi avec des jeunes en difficulté.
— J'ignore si je pourrai aider votre fils, madame Derigue. Savez-vous pourquoi il serait perdu, selon vous ?
Madame Derigue eut un sourire triste. Ce n'était pas « selon elle ». Elle n'avait aucun doute sur la raison du mutisme de son fils, prétendit-elle. Il avait tenté de venir en aide à une jeune femme qui avait failli se faire violer par des voyous. Il s'était interposé, pensant être assez fort pour les repousser tous les trois. S'il avait pu en blesser un assez sérieusement pour que la police le retrouve un peu plus tard à l'hôpital, les deux autres s'en étaient tirés et lui avaient infliger une sévère correction.
— Je crois qu'il se sent coupable de ne pas avoir pu faire mieux, Mon Père. Mon fils est du genre perfectionniste. Il voit cette bagarre comme un échec.
— Comment va la fille ? demanda Franck.
— Elle n'a rien. Du moins, se corrigea-t-elle, son intégrité physique est intacte.
— On peut donc affirmer sans erreur qu'il lui a sauvé la vie ?
— J'en suis en effet convaincue, Mon Père.
Madame Derigue donna encore quelques détails sur toute cette histoire avant que Franck ne propose de rencontrer le jeune garçon.
— Je ne peux rien vous promettre, bien sûr, madame Derigue. Je ne suis qu'un simple prêtre. Peut-être m'écoutera-t-il, mais peut-être pas.
— J'en suis consciente. Mais je préférerais vous le confiez ainsi qu'à Dieu, plutôt qu'à un docteur qui voudra le sédater au lieu de l'aider à passer cette épreuve.
— Je vois, sourit Franck. Dites-lui de venir me voir n'importe quel jour de la semaine entre quinze heures et dix-neuf heures. Je verrai ce que nous pouvons faire ensemble...
Il faillit ajouter « ou pas », mais se retint.
— Merci beaucoup, Mon Père, s'émerveilla madame Derigue en se relevant. Ah ! J'allais oublier.
Elle fouilla dans son sac à main et en sortit une petite feuille pliée en deux.
— Voici le numéro de Léa, la fille en question. Il refuse de lui parler. Si vous arrivez à le motiver, cette jeune femme sera ravie de l'avoir au téléphone.
Franck sourit et attrapa le papier. Il raccompagna ensuite madame Derigue jusque sur le parvis, puis alla ranger le numéro de téléphone sur son petit bureau dans la pièce de vie. De retour dans la nef, il s'attaqua au rangement rituel de l'église.
Il ne passa pas plus de deux jours avant que le jeune Derigue ne pointe son nez à l'église. Franck était affairé à ratisser les graviers du parking. Il s'arrêta pour observer le jeune homme, à l'évidence perdu. Sa mère avait raison sur ce point. Nolan s'approcha de la porte principale, d'un pas hésitant, avant de repérer le prêtre. Encore plus confus, il fit un pas en avant, puis un en arrière et se décida enfin à changer de direction. Le garçon boitait très légèrement, avait un bras bien plus raide que l'autre et le visage encore tuméfié. En s'approchant, Franck put en discerner davantage. Le côté gauche du visage de Nolan était celui qui avait le plus souffert. Son œil était encore gonflé. Sa lèvre inférieure portait la trace d'une profonde entaille. Franck lui offrit un sourire de bienvenue, mais en vérité, ce Nolan lui faisait pitié. Pourquoi avait-il ressenti le besoin de se battre avec ces trois voyous ?
VOUS LISEZ
Ombre et lumière
Teen FictionValentina n'a peur de rien ni de personne. Elle est forte et indépendante. Du moins, c'est l'image qu'elle dégage. La vérité est que les sarcasmes, les blagues et même ses actes de rébellion ne parviennent jamais à occulter la colère et la tristess...