2e Partie
Considérant la température extérieure, presque aussi fraîche que la climatisation de l'avion, Franck imagina que la pluie qui tombait devait être très froide. Par chance, la file d'attente pour les taxis était à l'abri, au moins des précipitations.
Il ouvrit la porte de la voiture, alors que le chauffeur plaçait son unique bagage dans le coffre de la Prius. Si la douleur encore vive à son côté ne l'en avait pas empêché, il aurait ri. Il rentrait du Japon où il avait conduit une voiture française et prenait à présent, en France, une voiture japonaise pour rentrer chez lui.
Était-ce bien chez lui ?
Pour la énième fois, cette question agita son esprit. Il était né en France, certes, mais il avait été élevé au Japon. Cela faisait de lui un étranger où qu'il se trouve. Là-bas, il resterait à jamais le gaijin, l'étranger. Alors qu'ici, il ne se sentait jamais vraiment chez lui. La plupart du temps, il n'y pensait pas, les occupations d'un diacre dans une église telle que la sienne couplées à ses activités nocturnes ne lui laissait que peu de temps pour cogiter. Mais ce voyage avait été un retour dans le temps dont il se serait bien passé, pour être tout à fait honnête.
Saeko et Rintaro avaient tous deux brisé leur promesse de quitter le monde des yakuzas, ce qui avait forcé son retour. S'asseoir de nouveau sur le banc de pierre dans le sanctuaire, là où il avait tant échangé avec Atsuko, avait été revigorant, certes, mais sa mission avait été difficile.
Pas techniquement, non. S'introduire dans la demeure des Yamada et éliminer tous les yakuzas, jusqu'au dernier cette fois, n'avait pas posé grand problème. Une balle lui avait traversé le côté, mais ce n'était rien. La vraie difficulté avait été d'affronter le regard horrifié de la jeune femme qu'était devenue la petite Saeko. Une femme qui avait, selon toute vraisemblance, rangée le souvenir du satsujinsha dans la case « mauvais rêves ».
— Je vous avais prévenu qu'il n'y aurait aucune échappatoire, si je devais revenir, avait-il asséné en japonais.
La sœur du leader Yamada avait alors perdu tout espèce d'assurance et avait pensé – il en était persuadé – à supplier pour sa vie. Elle s'était cependant abstenue et Franck avait accompli son devoir. Il n'avait pourtant plus aucune attache là-bas. Son oyabun avait péri bien plus tôt et les Yamada restants ne représentaient pas une menace pour lui. Cependant, lorsque Nishima sensei lui avait envoyé ce message pour lui indiquer que Saeko et Rintaro avait rebâti ce qu'il s'était appliqué à réduire en cendres, il avait ressenti ce besoin impérieux de mettre ses vieilles menaces à exécution. À quoi servaient les menaces si personne n'appliquait leurs conséquences, après tout ?
Franck n'avait pas souhaité passer plus de temps que nécessaire sur place. Il n'avait pas même pris le temps de rendre visite au Père Ishikawa auprès de qui il s'était tant confessé, plus jeune. Franck savait que plus il passerait de temps sur les lieux de son enfance et plus il lui serait difficile de repartir.
À présent, il était de retour et il devait se souvenir qu'il n'était plus Franck l'assassin, mais le Père Franck. Il préférait cela que Père Martin, son nom de famille. D'abord parce que c'était un faux nom, contrairement à son prénom, mais en plus, il n'avait plus de famille.
— Vous venez d'où comme ça, Mon Père ? demanda le chauffeur, alors que le prêtre replaçait son col romain.
— Du Japon.
— Il paraît que c'est un chouette pays, répliqua l'autre en le regardant dans le rétroviseur central. Je n'y ai jamais mis les pieds, mais on m'a dit que c'était quasiment une autre planète
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Ombre et lumière
Teen FictionValentina n'a peur de rien ni de personne. Elle est forte et indépendante. Du moins, c'est l'image qu'elle dégage. La vérité est que les sarcasmes, les blagues et même ses actes de rébellion ne parviennent jamais à occulter la colère et la tristess...