Ombre et lumière

Chapitre 27

Valentina esquiva un nouveau coup de pied retourné. Cette fille était équipée de ressorts ! Elle passait son temps à sauter avant de frapper. Il était vrai que c'était les coups de pieds sautés au visage qui rapportaient le plus de points, mais en faire une obsession ressemblait plus à de la vantardise qu'à une réelle maîtrise. Pourtant, sans même regarder le tableau des scores ou interroger son maître, Valentina savait qu'elle était dominée. Elle n'était pas du tout à son combat. Ni celui-ci, ni ceux d'avant.

Son esprit était tourné dans une tout autre direction. Dans de multiples directions, en réalité. Il y avait la rue, en particulier, et ce type qu'elle avait dû laisser filer la veille. Il s'en était pris à un étudiant maigrelet et le menaçait de son cutter pour obtenir son portefeuille. Valentina avait hésité avant d'intervenir. Elle était seule et fatiguée. Cependant, parce que la victime avait été courageuse, ou inconsciente plutôt, elle avait eu la certitude que la situation allait vite dégénérer. Elle avait repensé à Max, mort quelques mois plus tôt dans une situation similaire.

En fin de compte, elle avait mis toutes ses hésitations de côté et avait frappé la première. Deux coups de pieds plus tard, le type était désarmé et tentait de la boxer. L'arme hors-jeu, Valentina avait très vite retrouvé son assurance et corrigé le malfrat qui avait ensuite pris ses jambes à son cou.

Aujourd'hui, en compétition de Wushu, les combats n'avaient plus la même saveur. L'adrénaline qui courait d'habitude dans ses veines semblait absente. Tout du moins ne circulait-elle pas aussi férocement.

Une ouverture !

Lançant son pied à toute allure, Valentina balaya son adversaire qui chuta durement. Valentina vit sans aucun doute possible, la tête de la jeune femme face à elle heurter le tatami. Il lui fallut une seconde pour se relever et l'arbitre repoussa Valentina d'un mètre pour examiner Chloé. Entre le tatami et le casque de mousse que toutes les participantes portaient en combat, elle ne devait pas s'être blessé. En revanche, son cou pouvait avoir morflé et son cerveau avoir été bien secoué.

L'arbitre annonça que la rencontre pouvait continuer. Valentina avait marqué trois points avec ce balayage, mais cela ne suffirait pas à rattraper son retard. Le signal sonore indiqua qu'il ne restait que trente secondes. Valentina n'aurait pas le temps et, pire encore, n'avait pas la motivation d'aller chercher les points qui lui manquaient. Elle allait se faire éliminer en quart de final. Quelle déception !

Chloé tenta de nouveau un coup de pied sauté au visage et Valentina l'évita de nouveau. Elle avait bien dû tenter au moins dix fois cette technique et n'avait atteint son but qu'une fois. Peut-être cherchait-elle le KO, après tout ?

Valentina se décida pour un coup d'éclat et passa à l'offensive avec un sourire. Elle allait lui montrer ce qu'était un coup de pied sauté retourné au visage. Approchant, très basse sur ses appuis, elle fit une feinte à gauche, une autre avec le pied droit, une dernière avec le poing en direction du bas-ventre de son adversaire, puis se détendit comme un ressort. Elle commença à tourner avant même de décoller, puis vrilla avec les deux pieds partant dans des directions opposées pour bien équilibrer sa position. Au plus haut de son saut, elle était en grand écart et son pied droit rencontra la joue du casque en mousse de Chloé. Cette dernière fit trois pas de côté pour ne pas tomber et manqua quitter la surface de combat. Lors de sa réception, Valentina poursuivit sa rotation avant de s'arrêter, face à Chloé, en garde haute.

Le gong retentit et Valentina s'autorisa un sourire. Elle avait perdu le match, mais aurait tout de même donné une petite leçon à cette Chloé Revinali. L'arbitre désigna la gagnante et les deux filles se saluèrent avant de quitter le tatami.

Son maître l'attendait, bien entendu et la regarda avec un drôle d'air. Tous deux se connaissaient depuis presque onze ans maintenant. Parfois, parler était inutile. Cette fois, pourtant, Eric décida de la sermonner. C'était son droit, pensa Valentina sans vraiment l'écouter. Elle avait laissé le match lui échapper.