Chapitre 9

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La samedi soir, la plupart des gens sortaient entre amis. Parfois, au contraire, ils recevaient. Pour le Père Franck, c'était le moment de ranger la nef, de la préparer pour la messe du lendemain matin. Plus tard dans la soirée, il sortait. Lorsque la majorité rentrait et que la faune des villes devenait dangereuse.

Pour le moment, occupé à aligner les bancs, Franck était serein. Les travaux de son église avançaient à bonne allure et il pourrait ensuite s'attaquer à l'espace de vie qui méritait lui aussi une petite réfection.

Franck allait saisir une des chaises d'appoint pour la mettre à l'extrémité d'une ligne de banc au premier rang, lorsqu'il aperçut la silhouette d'une adolescente qui approchait. Les cheveux châtains et mi-longs de la jeune femme étaient bien mieux coiffés que la dernière fois qu'il l'avait vue, pourtant il la reconnut sans le moindre doute.

— Valentina, déclara-t-il avec le sourire.

Lorsqu'il l'avait rencontrée, la première fois, quelques jours plus tôt, il avait eu l'impression que le ciel lui envoyait un signe. Quelqu'un pour l'aider à trouver ce bonheur qu'il peinait tant à trouver pour lui-même. Puis, même s'il avait apprécié les moments en sa compagnie, il s'était ravisé. Ce devait plutôt être elle qui avait besoin de lui. Parfois, même pour lui, les voies du Seigneur étaient difficiles à suivre.

— Salut, Francky ! lança Valentina en s'arrêtant à deux pas de lui. Tu sais, tu peux m'appeler Tina. Je préfère, en fait.

— Très bien, sourit-il de nouveau en s'essuyant les mains l'une contre l'autre. Est-ce que je peux quelque chose pour toi ?

— M'héberger... encore.

Elle avait adopté un air coupable qu'elle ne ressentait sans doute pas, mais qu'elle fasse l'effort de paraître gênée lui fit plaisir.

— Pourquoi as-tu besoin de venir ici, cette fois ? demanda-t-il tout de même.

Elle aurait très bien pu être une enfant maltraitée, après tout. Elle avait prétendue être ceinture noire de wushu, elle devait donc être en mesure de se défendre. Cependant, face à un parent, certains enfants, même très fort par ailleurs, perdaient tous leurs moyens. C'était le résultat de nombreuses années de mauvais traitements. Il connaissait les séquelles que cela pouvait engendrer.

Il avait vu Valentina en petite tenue et elle ne semblait arborer aucun bleu ni aucune blessure récente. Cela n'était la preuve de rien, mais il doutait qu'elle soit frappée.

— En fait, reprit Tina, j'ai besoin d'espace.

Le prêtre leva un sourcil interrogateur.

— Je sais que tu vas me dire que j'aurais pu aller chez une copine ou je ne sais quoi, mais la vérité c'est que j'aime bien ici. D'abord parce que y a personne, c'est super calme. Et puis, je sais pas ça doit être l'ambiance religieuse ou je ne sais pas, j'ai bien dormi la dernière fois. Ça faisait longtemps que j'avais pas été reposée comme ça.

Franck ne la quitta pas du regard, mais ne décrocha pas un mot.

— Bon, je vais m'installer sur un de tes bancs et je vais faire mes devoirs. Comme ça, je te dérangerai même pas. Ça te va ?

— Tu veux dire que tu n'as pas un environnement de travail sain, chez toi ?

Elle éclata de rire. Un rire puissant, assez peu féminin, qui ricocha contre les parois de l'église si fort qu'elle se couvrit la bouche, gênée.

— Pardon ! dit-elle, toujours victime de son fou rire à peine contrôlé. Tu devrais t'écouter parler un peu, Francky.

Elle se calma en deux secondes avant de reprendre la parole, toujours souriante.

Ombre et lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant