Epilogue 🥀

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J'attends, dans l'ombre.

J'attends, la bave aux lèvres.

J'attends, la gorge serrée.

Que mon destin parvienne à son apogée.

Dans la parfaite ombre de ma prison ensoleillée, je contemple l'armée que je suis en train de former, depuis toutes ces années. Toutes ces années d'exils, sur une terre désolée, trop éloignée de tout. On a fait en sorte de me tenir loin, loin de toute distraction. Loin des carnages que je peux sentir, alors qu'ils ne sont plus que des souvenirs, pour moi. Mais je me souviens. Je me souviens de l'écarlate s'écoulant en rivières multiples, sur cette terre où je suis née. Où j'ai appris, aux côtés de Père. Père m'a bien éduqué et m'a tout montré, de la souffrance à la cruauté. Il m'a formé, même si je ne le lui dois pas toutes mes réussites. Et celles-ci sont nombreuses. Les millénaires sont nombreux, depuis mes premiers pas sur ce sol, dont je connais la moindre poussière. J'en ai côtoyé, des êtres s'imaginant supérieurs à moi. Des êtres pensant se trouver au-dessus de tout, du fait de leur ancienneté. Des fous qui ne savent rien, et se croient bons de m'instruire. Moi qui ai tout à leur apprendre. Car je me souviens de tout. 

Beaucoup ont oublié, peu sont encore vivants pour la raconter. La plus belle guerre que cette terre ait portée. Celle qui a abreuvé les champs et les vallées, creusant des sillons frais, profonds, et marbrés de rouge. J'étais là, auprès de Père. J'étais à ses côtés, pour mener ses armées. Nous étions rassemblés là, créatures de toutes races, pour mener notre règne à sa plus grande gloire. À son plus haut sommet. Je me rappelle, maintenant. Du souffle d'exaltation, courant dans nos rangs. Nous n'avions pas peur, nous n'étions que rage et furie. L'envie de vivre crevait le ciel de l'embrasement de certains d'entre nous. Nous voulions prouver notre suprématie sur le monde en devenir, afin de l'étouffer à jamais. Nous étions fiers, d'être là. Il y avait des jeunes âmes, parmi nous. De très jeunes âmes, dévouées à nos rangs. J'en faisais partie. C'est ma jeunesse qui m'a valu qu'on me vole... tout. Absolument tout. Car l'allégresse du combat à venir s'est éteinte, comme on souffle sur une bougie lors d'un soir d'hiver. La sensation, ce jour-là, était identique. Nos respirations se sont transformées en nuage opaque, masquant nos ennemis. Ils nous ont pris en traître, alors que nous nous savions supérieurs. Nous l'étions, sur bien des points. Sur tous les points. 

Mais nous n'avions pas leur malice. Celle du diable, si celui-ci pouvait exister. Mais mon père, dès mon plus jeune âge, m'a appris que l'on ne pouvait compter sur personne, et surtout pas sur des créatures que l'on n'avait jamais rencontrées. Ils nous ont écrasés, étouffés, massacrés. Et ils ne l'ont pas fait seuls. Ils ont été aidés, épaulés, soutenus, pendant des années. Tuant les miens. Traquant les survivants. J'ai été l'un des rares rescapés, pour avoir été sauvé, sur ce dernier champ de bataille. Mais je ne voulais pas être sauvé. Pas alors que j'étais le dernier debout, à brandir mon enclume. Le dernier de nos armées. Le dernier de ma lignée. On ne m'a pas laissé le choix. On ne m'en a jamais laissé, jusqu'à m'envoyer m'emmurer en ces murs austères de cette nouvelle prison. Mais celle-ci a des interstices, des failles. Des parois friables. Même mes chaînes peuvent être brisées, aussi solides soient-elles. Et, je le sens, le vent est enfin en train de tourner en ma faveur. La gueule ouverte, je prends une longue inspiration tout en observant mes nouveaux soldats en mouvement. Et je la perçois, cette saveur dans cette petite brise. Le changement est en train de s'opérer. Lentement, patiemment, des cendres prennent leur envol, pour colorer les nuages d'une teinte bien sombre. Celle de la mort. Celle de mon retour. Le renouveau est beau, car il porte mon nom. Celui tombé dans l'oubli. Alastor.

 Alastor

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Trois mois sous silence - L'éveil (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant