Chapitre 12 : La réception

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Comme tous les ans, je laisse à mon personnel l'après-midi pour que chacun ait le temps de rentrer se changer. Pour ma part, j'opte pour un passage à la salle de sport de l'immeuble, avec ma petite séance au sauna, une bonne douche, et je remonte dans mon bureau.

Dans mon cabinet de toilette, j'ouvre la housse renfermant mon smoking et l'observe, un sourire en coin. Juste au-dessus de la poche pectorale, là où le mouchoir prendra place, je regarde la petite tache que le teinturier n'a jamais réussi à faire partir. Pour mon plus grand plaisir. Cette salissure, que le professionnel cherche encore à identifier pour l'anéantir, est tout ce qu'il me reste de Damien. Impossible de me souvenir comment il me l'a faite, et je ne cherche de toute façon pas à me le rappeler. Je sais que c'était lui. Ça me suffit.

_ Tu es visible ? » crie la voix de Sandrine derrière la porte.

_ Si je te dis que non, ça t'arrêtera ? » tenté-je.

Elle ouvre la porte du bureau en riant et le traverse. Je soupire. Un jour, il faudra que je lui rappelle que ce n'est pas parce que je suis gay que je n'ai pas de pudeur, et que je ne suis pas gêné par la présence d'une femme à mes côtés quand je dois me changer.

_ Encore ce vieux machin ? » attrape-t-elle le revers de la veste. « Florian, je sais que tu es débordé, mais tu pourrais prendre le temps pour un nouveau smoking, non ?

_ Non.

Je ne prends pas la peine de me justifier. Si je devais attirer son attention sur la petite tache à peine visible et qui sera bientôt masquée par le mouchoir, nul doute qu'elle trouverait un magasin encore ouvert pour m'obliger à en acheter un autre.

_ Je vois que tu as pu trouver une robe qui ne te fera pas confondre avec la décoration. » retire-je ma veste.

_ Oui ! » m'offre-t-elle un grand sourire avant de tourner sur elle-même. « Comment tu trouves ? Tu aimes ?

_ Aurais-tu une baisse de self-love ou de pulsion féministe pour avoir besoin de l'approbation d'un homme ? Le patriarcat a de beaux jours devant lui.

Elle me fusille du regard, mais ce n'est qu'un juste retour de bâton face à sa remarque acerbe de la veille, aussi ne réplique-t-elle rien.

_ Je suppose que tu ne vas pas me laisser me changer en paix. Aurais-tu au moins l'obligeance de me laisser un peu d'intimité en retournant dans le bureau ?

_ Je suis certaine que tu ne demanderais pas ça à Romain. Surtout, » poursuit-elle pour m'empêcher de répliquer, « quand tu l'auras vu dans son costume bleu. Il est à tomber !

_ Je crois avoir enregistré le numéro de ton mari... Laisse-moi chercher... » m'empare-je de mon téléphone.

_ T'es chiant, Florian.

_ Non ! C'est toi qui es chiante ! Tu refuses de comprendre et ton comportement tient du harcèlement ! Je te remercie de vouloir à ce point mon bonheur, mais il ne passera pas par Romain. Alors maintenant, tu me lâches ! Et, pour ta gouverne, peu importe ce qu'il porte, Romain est toujours à tomber !

Elle hausse un sourcil, les bras croisés sur son torse. J'ai conscience de ce que j'ai dit. Tant pis. C'est loin d'être un mensonge et me désavouer maintenant serait une offense faite au brun.

_ Et après tu me dis de lâcher l'affaire ? Florian, faut que tu trouves une solution, parce que tu vas devenir fou si vous ne pouvez pas être ensemble. Je ne sais pas... Ouvre une antenne de la boîte dans une autre ville, tu le mutes là-bas, et tadam ! Vous ne bossez plus ensemble et vous pouvez vous mettre en couple !

_ Sandrine, pour la mille-et-unième fois » me massé-je les tempes, « je suis son employeur et je...

_ ... et tu ne veux pas avoir de relation privée avec tes employés. Je connais la musique. Mais, merde, je ne comprends quand même pas ! Depuis quand le bonheur passe après le travail ?

Patron et Prostitué [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant