Chapitre 28 : Discussions et décisions

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J'ai roulé si vite que le trajet retour qui aurait dû me prendre quarante-cinq minutes, ne m'en prend pas plus de vingt-cinq. J'ai eu la chance de ne pas croiser de gibier, de trop nombreux véhicules, ni même la police. A coup sûr, cette dernière m'aurait retiré mon permis.

En pénétrant dans mon studio, je claque la porte. Je me moque de réveiller les voisins. Eux ne s'inquiètent jamais de mon sommeil quand ils bricolent en journée le week-end. Je ne suis pas un voisin très présent, et encore moins bruyant. Alors, pour ce soir, ils le supporteront.

Je tourne en rond dans mon petit espace, fusillant mes meubles du regard, rêvant de les renverser pour passer mes nerfs. Je n'arrive toujours pas à croire qu'il m'ait proposé de l'argent pour vivre avec lui. Quand je pense qu'il a osé me dire que je n'aurais plus à me prostituer ! Si vivre avec lui contre de l'argent, ce n'est pas de la prostitution, alors comment nomme-t-on cette activité ?

Quand il m'a demandé de venir vivre avec lui, j'ai cru que j'allais mourir de bonheur. Puis sa proposition de me payer. Comment peut-il ne pas comprendre que ce n'est pas l'argent que je recherche ? Oui, je me fais cinquante-mille par mois, au bas mot. Mais cet argent dort sur un compte, au grand dam de mon banquier. Je ne dépense rien, je ne cherche pas à changer mon niveau de vie, je me contente de ce que j'ai. Pourquoi faut-il toujours que les gens pensent que tout passe par l'argent ? Je ne dis pas, c'est pratique de ne pas avoir à compter si on va atteindre la fin du mois, de pouvoir s'offrir une sortie sans avoir à regarder à la dépense. Mais ce n'est pas une finalité en soit. Pas pour moi en tous cas. Certes, je n'aimerais pas me retrouver à devoir compter chaque sou, mais si je vivais pour me faire du fric, au moins le dépenserais-je.

Je me saisis d'un oreiller avant d'y enfoncer mon visage pour hurler sans alerter mes voisins. Je hurle à m'en déchirer la gorge, avant de balancer le coussin à travers la pièce.

Epuisé aussi bien de corps que d'esprit, je me laisse tomber sur mon lit. Assis, jambes écartées, mes coudes en appui sur mes genoux, je prends ma tête entre mes mains. Comment ai-je pu être aussi stupide, et croire qu'il me demandait réellement de me mettre en couple avec lui ?

Je veux appeler Leslie, mais me ravise. S'il sera content que j'aie accepté l'invitation de Florian, pas sûr qu'il apprécie la façon dont elle s'est finie. J'ai pourtant besoin de parler à quelqu'un. Une idée machiavélique me traverse l'esprit. Je pourrais appeler Sandrine. Après tout, j'ai encore son numéro. Ainsi, je n'aurais même pas besoin de m'occuper de la suite des événements, elle ferait de la vie de Florian un enfer. Il me suffirait pour cela de lui dire que nous avons couché ensemble à de nombreuses reprises ces derniers mois, mais que la relation a toujours été tarifée. Ajouter que, ce soir, il m'a proposé de l'argent contre une vie commune. Il m'a parlé de l'avis tranché que Sandrine a sur ma profession. Obtenir son attention serait facile. J'imagine tout à fait la scène, demain matin ; Florian qui arrive au bureau, et la blonde qui hurle son nom à travers les bureaux, attirant l'attention de tous. Saura-t-elle alors faire preuve de discernement et ne pas lui jeter ses griefs à la figure devant tout le monde ? Certainement. Après tout, il m'a licencié pour avoir étalé une part de sa vie privée en public, elle ne commettra pas cette erreur. Mais il suffira d'un mot perçu de leur dispute pour que de nouvelles rumeurs achèvent de ruiner sa réputation.

Je ricane. Oui, je pourrais faire ça. Voir, dans les jours qui suivront, que son entreprise subit une vague de démissions, puis, les rumeurs s'étendant comme une tache d'huile, il perdrait peu à peu ses partenaires financiers. Ce serait le déclin de Sarron Entreprise.

Oui, je pourrais faire ça. Mais je ne le ferai pas. Déjà parce que ce n'est pas dans ma nature d'être aussi mauvais, mais aussi parce que des dizaines de personnes perdraient leur emploi. Et ça, je ne le veux pas. Ce différent ne concerne que Florian et moi.

Patron et Prostitué [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant