Patron et Prostitué [Terminée]

Chapitre 29 : Le chemin de croix de Florian

J'abandonne mes vêtements pour ne plus porter qu'un peignoir blanc par-dessus mon boxer gris clair. Dominique me regarde, entre concupiscence et mécontentement. Il n'a pas apprécié que je le repousse, mais je m'en moque. J'ai assez de soucis de cœur comme ça, sans le laisser m'en rajouter. De toute façon, comme je le lui ai dit, je recherche plutôt un versus... Je recherche un second Florian, qui comprendrait que je ne suis pas quelqu'un qu'on achète.

Dominique sort un instant avant moi, se gardant bien de me tenir la porte. J'en lève les yeux au ciel. Son comportement est immature et je commence à douter que nous puissions partager cette chambre sur le long terme. Mais ça m'est égal. En fait, il me suffirait d'informer la maquerelle de ses avances pour qu'elle me trouve un autre colocataire. Toutefois pour ce soir, je vais mettre ça sur le compte de la journée qu'il a passé. Peut-être avait-il besoin de réconfort après cette nouvelle épreuve. J'avoue ne pas m'être soucié de son besoin à ce propos. D'un autre côté, je ne peux pas être toujours à l'écoute des besoins des autres. Après tout, personne n'est là pour les miens depuis le départ de Leslie.

J'arrive sans grande motivation au rez-de-chaussée, prêt à jouer les jolis-cœurs pour m'attirer les faveurs des clients qui attendent, puisqu'aucun de mes habitués ne m'a réservé ce soir.

Mais en parvenant au salon, je me fige. Assis dans le fauteuil le plus excentré, mais qui jouit d'une vue imprenable sur l'arrivée des Escorts, Florian joue avec son verre de whisky, son regard perdu dans le liquide ambré. Je ne peux détacher mes yeux de lui. Exit son costume, il porte un pantalon de lin clair qui ne laisse aucune place à mon imagination, avec une chemise d'un gris profond, assortie à ses mocassins. Le tout fait ressortir ses yeux gris, et je dois admettre qu'il est séduisant au possible. Peut-être, à la limite, aurais-je à sa place mis un peu de fond de teint pour masquer l'hématome qui lui mange la joue gauche.

Ce dernier point me fait hésiter entre fierté et remords. Il est clair que j'ai un bon crochet du droit. Et en même temps, même si Leslie lui-même comprend mon geste, je n'aurai jamais dû le frapper. A présent que je le vois, le visage marqué, je réalise qu'il m'aurait suffi de le repousser. Mais mon geste était à la hauteur du mal qu'il m'a fait.

Je reviens à l'instant présent quand je suis dépassé par un autre Escort, dont la chemise courte portée sur un petit string, l'un comme l'autre laissant ses fesses à l'air, indique où vont ses préférences, et il est assez initié à ce jeu pour repérer d'entrée un nouveau client. Aussi se dirige-t-il droit vers Florian, attirant son regard. Mais si mon collègue sait mettre ses atouts en valeur, le PDG de Sarron Entreprise l'ignore et plonge sans détour ses yeux dans les miens.

J'ai beau être à l'autre bout de la pièce, je suis prisonnier de son regard. Je n'arrive pas à bouger. Que fait-il ici ? Cherche-t-il un autre Escort ? Est-ce alors pour me punir qu'il a choisi de venir ici, sachant que je travaille ? Car je me doute que ce n'est pas un hasard. A moins qu'il ne soit là pour me voir. Mais pourquoi s'embêter à se déplacer, alors que je suis toujours venu chez lui ? Sans compter qu'il ne peut pas déjà savoir que la maquerelle ne me laissera plus retourner chez lui.

D'ailleurs, était-il là ? Était-il déjà présent quand je suis arrivé et que je lui ai parlé ? M'a-t-il entendu évoquer notre entrevue, conduisant à l'interdiction de le revoir ? A-t-il compris que c'était une manipulation volontaire de ma part ?

Trop de questions, et ses yeux qui ne me donnent aucune réponse.

Mon collègue comprend vite qu'il n'attirera pas l'attention de Florian, mais passe tout de même devant lui pour rejoindre d'autres potentiels intéressés, me coupant un instant de lui, rompant le lien, m'en libérant.

Je fais alors mine de l'ignorer et imite les autres Escorts qui envahissent le bar, m'attirant un regard furibond de sa part. Mais je ne rentrerai pas dans son jeu. Je lui ai laissé maintes fois l'occasion de faire un geste vers moi. Il n'en a saisi aucune. Je refuse de devenir son jouet, de le laisser me blesser pour ensuite revenir comme si de rien n'était, espérant que je me pende à son cou.