Chapitre deux : Souvenir de la tempête

91 6 0
                                    

La mer des Caraïbes, au XVIIe siècle, était une mer dangereuse, truffée de bandits naviguant les flots à la recherche de bateaux marchands, de trésors et de découvertes. Les eaux étaient devenues imprudentes, s'y aventurer était risqué. En particulier au temps de l'âge d'or de la piraterie.

Ce jour-là, Lady Diana Blossom aurait dû écouter toutes ces rumeurs chuchotées, ces bouche-à-oreille dans toutes les rues et les ports de Londres. L'océan n'était plus sûr, mais la mer des Caraïbes était la plus hostile. Les accidents s'enchaînaient. Les tempêtes rageaient et grondaient, les orages aux éclairs menaçants enflammaient les mâts et les brouillards aveuglaient l'attention des marins pour écraser les vaisseaux sur les récifs dentés d'îles inconnues...

La plupart des passagers, des marins ou des aventuriers périssaient durant un voyage en mer. Souvent, leur mort était causée par les maladies, le manque d'hygiène à bord ou de vivres. Ils ne revoyaient plus jamais la terre ferme. D'autres subissaient des attaques violentes de pirates, pillant les cales de richesses et denrées précieuses, succombant à leurs blessures ou encore étant achevés par la lame impitoyable des tueurs des mers.

Lady Diana Blossom importait peu d'intérêt à ces dangers, tout ce qu'elle souhaitait, c'était quitter Londres. Partir loin, le plus loin possible. Échapper à son destin tout tracé par ses devoirs, sa famille, son honneur, sa dignité... Échapper à la vie de lady. Pourtant, elle avait tout pour être heureuse et vivre confortablement. La richesse due à son rang de bourgeoise au sein de la cour royale anglaise, une merveilleuse demeure, une famille à la pointe de la mode et de l'élégance, un fiancé fortuné... Elle était invitée à toutes les réceptions, réputées pour leurs magnifiques bals sous les lustres.

Que demander de plus ? Oui, elle avait tout pour être heureuse. Elle avait une vie en or, jusqu'à ce qu'elle se brisât en morceaux.

✴✴✴

Dans les ruelles de Londres, couvertes de givre et de neige, Lady Diana marcha précipitamment, une ombrelle en dentelles à la main et une petite bourse remplie d'or accrochée à sa ceinture. Depuis qu'elle avait quitté sa demeure, le White cottage, elle regardait sans cesse par-dessus son épaule, de crainte d'apercevoir au loin son fiancé surgir comme une ombre omniprésente autour d'elle. Elle rabattit davantage la capuche sur son visage, recouvrant ses épaules de la cape d'un brun sale et poussiéreux. Elle en avait acheté une nouvelle pour quelques pièces sur le marché, la toilette en velours d'un bleu profond qu'elle portait aurait trop attiré l'attention sur elle.

Ses bottes à talons s'enfonçaient et crissaient dans la neige des rues de Londres. Des odeurs de fumée et de vent marin piquaient ses narines. Lorsqu'elle se rapprocha du port, elle s'autorisa à soupirer de soulagement. Quelques pontons en bois étaient chargés de tonneaux et de coffres de vivres pour un long voyage. D'autres accueillaient les nouvelles marchandises venant de pays lointains. Les voiles blanches et les drapeaux aux couleurs de l'Angleterre claquaient au vent, secouant les cordages tandis que les marins s'activaient pour les déployer, prêts à quitter le port.

Un vent cinglant gifla ses joues, emportant son chapeau de peu. Elle remit en place les boucles couleur châtain dans sa coiffure tressée et avança vers le quai dans lequel se trouvait un navire imposant sur lequel elle lut "Golden Dove" en lettres d'or sur la poupe. Lorsqu'elle arriva près des autres passagers, une voix forte et masculine l'interpella. Elle se retourna vers la voix et accourut dans sa direction en levant ses jupons pour enjamber les flaques mêlées d'eau salée et de neige. Elle espérait que le capitaine l'autoriserait à embarquer.

Lady Diana se posta face à un abri en bois servant au paiement de la traversée dans lequel un marin comptait ses pièces et feuilletait de la paperasse. Il pencha ses lunettes au bout de son nez alors qu'elle se raclait la gorge pour demander son attention. D'un geste lent et les yeux plissés, il s'accouda juste en face d'elle.

Le Chant des SirènesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant