À peine éveillée de ses courtes heures de sommeil, Diana divaguait encore tandis qu'elle sentait le navire se coucher sur les flancs à chaque coup que la mer donnait, à chaque rafale violente qui faisait pencher les mâts. Les vagues frappaient de plus en plus fort la coque du vaisseau pirate et inondaient les cales dans lesquelles se trouvait la captive. L'eau s'infiltrait entre les lattes de bois, montait dans les cellules et imbibait ses vêtements. Elle sursauta, surprise par la froideur de cette couche noirâtre qui s'insinuait silencieusement au cœur du navire, et se releva d'un bond. Les liens qui enserraient ses poignets étaient humides, assez lâches pour pouvoir faire glisser ses mains. Des entailles faisaient rougir sa peau. Elle massa ses poignets un moment et chercha d'un regard une issue pour s'échapper de cette cage. Les barreaux rouillés l'encerclaient étroitement : impossible de s'y faufiler. Un cadenas bloquait la grille, seul le second portait la clé.
Le vaisseau était en train de sombrer, et bientôt, il ne serait plus possible d'écoper les cales. Si elle restait enfermée, Diana s'effondrerait avec le navire. Ce n'était guère la noyade qui l'effrayait, mais les barils remplis de poudre près des cellules. Le tonnerre pouvait à tout moment s'abattre sur les mâts, déchirer les voiles, briser les lattes et atteindre la poudre regroupée au même endroit. L'éclair pouvait tout faire exploser, à tout instant, et Diana n'était pas invulnérable au feu.
Il fallait partir, au plus vite, avant que les débris sur le pont ne l'écrasassent et ne l'ensevelissent. Après cela, elle serait incapable de s'extirper et finirait brûlée dans l'explosion. La sirène n'eut pas le temps d'avoir peur, elle agit.
Soudain, elle entendit les voix criardes des pirates retentir sur le pont, assourdies par le vent, le claquement rageur des voiles et les coups de tonnerre. Le navire tanguait dangereusement.
- La Compagnie des Indes, capitaine ! hurla le pirate, perché sur son nid-de-pie. La Compagnie des Indes nous attaque !
Diana perdit l'équilibre à plusieurs reprises et manqua de se cogner contre les barreaux. Les cris, les ordres, les hurlements fusaient derrière le manteau martelant de pluie. Puis, lorsqu'elle tendit davantage l'oreille, des coups de feu retentirent, suivis d'une salve bruyante de coups de canons. L'odeur âcre de la poudre et de l'orage grondant envahissait l'atmosphère d'électricité.
- Abattez-moi ces foutus marins ! brailla la voix bourrue du capitaine Ruthless. Tous à vos postes ! À mon signal, descendez ce navire !
La pluie diluvienne, rageuse, s'abattait impitoyablement sur le pont, emportant cordages et armes par-dessus bord. Les éclairs zébraient le ciel, transperçant le manteau de nuit, et le tonnerre faisait vibrer la mer. La jeune femme se cramponna de plus belle. Sous le rugissement du capitaine, une nouvelle salve de canons tonitrua suite aux rires des pirates, pris de folie en pleine tempête. Par la puissance de feu, les canons étaient propulsés en arrière. La cale tremblait sous les explosions. Le branle-bas de combat régnait à bord du Seas Hunter et agitait tous les marins sur le pont. Les coups de feu redoublèrent, des morceaux de lattes volèrent en éclat et le sang gicla contre les mâts.
- Armez les harpons ! beugla le capitaine. Abordez-les !
Diana profita de l'élan que donnaient les vagues lorsqu'elles frappaient contre les flancs du navire et se rua sur la serrure de la cellule. Son épaule choqua le métal et la grille s'ouvrit brusquement dans un claquement grinçant et brutal. Une douleur fulgurante remonta dans son bras. Elle s'effondra dans l'eau, de plus en plus haute dans la cale. Tant que la mer n'avait pas complètement immergé le navire, elle resterait sous forme humaine, mais pour combien de temps encore ?
Les coups de feu ne s'arrêtaient plus, les pirates embarquaient sur le pont ennemi en hurlant d'ardeur. Rapidement, les boulets adverses se firent trop nombreux, la cale était trouée de partout et les failles ne cessaient de s'élargir. Diana voulut se relever quand un nouveau coup vibra dans la cale et ouvrit une large brèche dans la coque, laissant infiltrer une cascade de flots. Elle aurait pu fuir, à plusieurs reprises, mais elle n'abandonnerait jamais Shane. Il était en danger. Si elle devait se battre pour lui, alors elle le ferait.
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Le Chant des Sirènes
ParanormalDoux sont les chants de la mer qui s'élèvent dans la nuit. La brume nébuleuse dévoile la beauté. Mais quiconque décochera un regard épris, Éperdu dans une dernière étreinte éthérée, Appartiendra aux abysses pour l'éternité...