Sur la crique de l'île de Black Sand, baignée par la lumière de l'aube, les femmes se préparaient au combat qui les attendait. Chacune d'elles connaissait leur rôle à jouer dans cette attaque. Chacune d'elles s'y était préparé. Les sirènes s'équipèrent de petites dagues dans leur étui de cuir, enroulés bien fermement autour de leurs bras. Leurs maigres armes enfin prêtes à être utilisées, elles se réunirent toutes sur la plage, devant la mer délimitée par la barrière invisible au loin. Le silence pesait dans leur poitrine. Elles échangèrent des regards hésitants et attendirent la décision de leur guide.
Diana scrutait la mer turquoise et tranquille à l'horizon. Un scintillement attirait son regard hagard, celui du mystérieux bouclier qui encerclait l'île. Lorsqu'elle se concentrait assez, elle pouvait entrapercevoir d'infimes failles, brèves, qui révélaient l'autre côté du bouclier.
Elle songeait au combat, elle songeait à tous ces sacrifices. Son esprit se préparait au pire et réalisait à quel point ce choix était risqué, mortel. Diana avait peur. Peur d'échouer, peur de survivre et de subir la hantise de toutes ces vies éteintes pour une cause perdue. Peur d'être seule dans ce tourment. Au fond d'elle, une crainte bien plus grande surmontait toutes les autres : celle de mener toutes ces femmes vers une mort certaine. Quelque part, cette pensée était bel et bien réelle. Qui étaient-elles face aux pirates les plus sanguinaires des Caraïbes ? Qui étaient-elles pour avoir l'audace de défier les chasseurs et les braconniers les plus redoutables des mers ? Que feraient-elles une fois leurs pauvres poignards brandis devant leur artillerie menaçante ?
Il n'était plus temps de pleurer le désespoir et de faire marche arrière.
Il était temps d'affronter ses craintes et de vaincre, une fois pour toutes, cette peur qui lui enserrait le ventre.
Diana était convaincue d'une chose : elle ne resterait jamais les bras croisés alors que la mort et la terreur approchaient. Elle se battrait jusqu'au bout pour la liberté et elle attaquerait sans merci.
La sirène inhala le parfum salé du vent marin et s'engouffra dans les vaguelettes jusqu'aux hanches. Les embruns ruisselèrent sur son visage véhément. Ses mains caressaient l'écume, la mer lui tendait la main. Les vagues se firent plus insistantes et se cassèrent sur la plage de sable noir sous les expressions sceptiques des sirènes.
Elles me suivront si elles m'estiment digne des pouvoirs de la mer, songea-t-elle en fermant les yeux, ne sentant plus que la fraîcheur de l'eau turquoise sous ses doigts.
Une sensation électrisante l'assaillit au contact des flots, différente de toutes celles qu'elle avait pu ressentir auparavant. Diana entendait le chant de la mer vibrer jusque dans les moindres fibres de sa peau. Elle l'entendait l'appeler, se lier à elle, dans une étreinte de vagues, de sel et d'écume. L'espoir embrasait ses iris d'un brasier impétueux.
Reviens-moi, fredonna la mer.
Soudain, elle écarta les bras et un grondement retentit sur l'île de Black Sand. La mer se fendit à son contact, élevant deux rideaux turquoise sur une plage nue de son manteau d'écume. Un chemin parsemé de coraux, de récifs et de sable noir s'étendit devant elle tandis que la crique semblait frémir d'énergie. Un chemin humide, qui avait été, un instant plus tôt, englouti et noyé sous la mer, s'était ouvert à elle. Les deux rideaux étaient comme étirés par des fils invisibles, suspendus à plusieurs mètres de hauteur au-dessus de sa tête. L'aube scintillait sur les parois bleutées élevées vers le ciel tels d'immenses remparts protecteurs qui montraient à quel point la puissance vertigineuse de la mer était réelle. Des rais de lumière argentés ondulaient sur les murs d'eau comme les filaments phosphorescents de méduses dansant dans des bulles d'eau.
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Le Chant des Sirènes
ParanormalDoux sont les chants de la mer qui s'élèvent dans la nuit. La brume nébuleuse dévoile la beauté. Mais quiconque décochera un regard épris, Éperdu dans une dernière étreinte éthérée, Appartiendra aux abysses pour l'éternité...