Chapitre quatre : La chasse

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Durant de longues heures, défilant de l'aube claire, aussi délicieuse que le miel jusqu'au crépuscule, teintant la mer d'une couleur sanglante, Maria lui apprenait sans relâche l'art de l'envoûtement des sirènes, les chants et les mélodies complexes, la stratégie des attaques contre les marins, jusqu'à la manière d'attirer par un simple regard... chaque détail avait son importance. Tout était presque impossible à réaliser pour la jeune femme. La sirène lui enseigna comment se mouvoir, se comporter, mettre en valeur sa beauté, mais Lady Diana se sentait enfermée dans un rôle. La personne que Maria voulait embellir en elle n'existait plus, elle y avait renoncé.

Au temps où elle était encore une lady, sa mère avait plaint sa fille pour ne point avoir été jolie, élégante, raffinée et habile de ses mains. Elle n'était que maladresse, entêtement et honte pour sa famille. Sa mère l'avait divinement bien caché aux yeux des autres.

Ce temps était révolu.

Lady Diana en avait assez de toutes ces normes de beauté, d'attitude, de la vision idéale de la femme. Alors, elle se fit la promesse de ne plus jamais dépendre de personne. "Liberté" était sa nouvelle devise, sa nouvelle vie, son nouveau but.

- Tu te dois d'être forte, lui ordonna Maria. Ton monde aujourd'hui n'est plus le même que celui de ta vie passée. C'est un monde de survie, de prédateurs et de proies.

Lady Diana peinait à déglutir, mais elle se reprit en main et redressa la tête.

- Si tu souhaites vivre, tue pour ne pas être tuée, siffla Maria.

Ces mots lui glacèrent le sang, mais n'étaient guère dénués de raison. Son seul moyen pour survivre était d'apprendre à devenir le prédateur. Cependant, ses pensées ne cessaient de dériver vers ces souvenirs pittoresques de son ancienne vie, de sa façon de vivre en tant que lady, de ses apprentissages pour plaire aux lords. Quelle désolation de passer sa vie à être élevée pour plaire, se marier, avoir des enfants, entretenir une vie stable, servir son mari, pour finalement découvrir que rien de tout ce qu'on lui avait appris n'avait d'importance aujourd'hui. Autrefois, elle détestait l'idée de devoir se marier à un inconnu et d'être privée de liberté. Elle avait toujours détesté cela. Pourtant, en cet instant, elle réalisait qu'elle avait été faible et lâche. Elle avait le sentiment qu'elle avait refusé de l'admettre durant tant d'années.

Et maintenant ? songea-t-elle. Suis-je capable de me voir telle que je suis ? Suis-je capable de m'accepter telle que je suis ?

- Tuer n'est pas l'unique moyen de survie, rétorqua froidement Lady Diana.

La belle sirène aux cheveux d'or lâcha un ricanement glacial.

- Sais-tu non seulement comment survivre parmi nous ? La raison pour laquelle nous ne nous séparons jamais les unes des autres est que notre existence doit rester secrète, à n'importe quel prix. Il est temps que tu oublies cet instinct solitaire et que tu te joignes à la meute. Alors si, tuer est parfois plus qu'un moyen de survie, c'est une nécessité.

Un frisson parcourut le corps de la jeune femme, la chaleur qui animait ses veines un instant plus tôt s'était évanouie.

- Que se passerait-il si l'une d'entre nous était découverte aux yeux du monde ? demanda-t-elle dans un chuchotement presque inaudible.

Maria se mordit la lèvre, mais reprit très vite son sang-froid et son visage se figea dans une expression déterminée, impassible et désolée.

- Tu connais déjà cette réponse. Le sort de cette trahison envers notre peuple est la peine de mort. Afin de protéger les nôtres, il est de mon devoir d'éliminer la menace, ainsi que les témoins. Tel est le prix à payer.

Le Chant des SirènesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant