Chapitre trente-deux : Souvenir de la rumeur

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Les chevaux tiraient la voiture lentement sur les pavés de la ville de Londres. Le cocher peinait à les calmer tellement la circulation était dense en cette journée printanière. Lady Blossom ne cessait de jeter des regards impatients à la fenêtre en poussant le rideau de son éventail. Vêtue d'une toilette d'un vert pâle aux fleurs couleur crème, son teint paraissait maladif. À côté d'elle, Lady Elizabeth restait silencieuse, l'air absent, en observant les rues défiler avec ennui. Elle n'avait pas prononcé un mot depuis la mort du duc Wilson et la tromperie de sa sœur. Son regard ne s'attardait plus sur Lady Diana, de peur de revoir la honte dans ses yeux rougis par les pleurs. La camériste de Lady Diana, Emily, triturait les pans de sa robe auburn et se contentait de baisser les yeux sur ses chaussures. Un silence de plomb plongeait les quatre femmes dans leurs pensées entremêlées, mais aucune d'entre elles n'osa les exprimer à voix haute.

Le mariage aura lieu dans un mois et demi, les préparatifs s'accéléraient. Lady Blossom avait décidé d'emmener ses filles chez la modiste la plus réputée de Londres : Lady Horshire.

Lady Diana n'était plus qu'une coquille vide. Son cœur s'était brisé. Il ne restait que le néant pour le combler. Ses yeux vitreux n'étaient plus que deux cristaux de glace emplis de chagrin. Chaque jour se rapprochant du mariage était un poids lourd sur son dos à porter. Elle ne dormait plus, ne mangeait plus et passait son temps à suivre sa mère machinalement pour finaliser les préparatifs. L'absence de Shane Wilson la rendait malade. Les cauchemars de cette soirée d'été se ressassaient chaque nuit, encore et encore. Parfois, elle se réveillait en sursaut, en pleine nuit, hurlant à l'aide, suant par tous les pores de sa peau et pleurant toutes les larmes de son corps. Le lendemain, elle cachait les cernes sous d'interminables couches de maquillage et s'obligeait à sourire devant le miroir pour rehausser ses pommettes de rose. Bien souvent, ses larmes ruinaient son travail et témoignaient de sa culpabilité, la rendant coupable du sort qu'elle avait subi. Alors, elle recommençait cette ignoble torture jusqu'à ce que ses sanglots se tarissent dans sa gorge, jusqu'à ce que son cœur trahi cessât de cogner douloureusement dans sa poitrine meurtrie.

Son quotidien était devenu un véritable enfer. Personne ne l'enlèverait de ce monde. Lady Diana resterait prisonnière de son propre destin pour le restant de sa misérable vie parce qu'elle était trop lâche. Elle était épuisée, épuisée de combattre, de s'opposer, de lutter, de se rebeller... Quoi qu'elle fît, quoi qu'elle dît, quoi qu'elle pensât, rien n'avait d'importance. Elle n'était rien. Son rôle n'était autre que celui de la femme de Lord Brandon Clay. Un rôle qu'elle devrait endosser dans un mois et demi, un rôle qu'elle devrait respecter jour et nuit, un rôle qu'elle devrait subir, jusqu'à la fin de sa vie.

Fiancée fertile, femme dévouée, mère au foyer : son parcours était déjà tout tracé. Sa vie était déjà dictée.

Tout ce qu'elle avait à faire, à présent, était d'obéir à son mari, de lui donner ce qu'il souhaitait. C'était son rôle, non ? Un faire-valoir, un trophée, une marchandise, un pantin... Pitoyable. Voilà ce qu'elle était : une petite idiote insouciante ayant cru qu'elle serait capable de changer les choses. Qu'espérait-elle réellement ? Réussir ? Changer les mentalités ? Trouver l'amour et vivre heureuse ? Avoir ses droits ? Vivre indépendamment ? Croire en l'amour ?

À quoi bon aimer de tout son cœur s'il n'est destiné qu'à se fissurer ? À quoi bon espérer si tout n'était que noirceur et abandon ? À quoi bon se déchirer pour le cœur que l'on aime s'il nous fait saigner en retour ?

Stupide naïveté. Pensées insensées.

Ces rêves avaient été trop longtemps ancrés dans sa tête. Elle ne savait rien, elle ne servait à rien.

Reviens, reviens à moi, Shane. Ne pars pas.

Lady Diana aurait dû lui avouer ce qu'elle ressentait pour lui. Elle aurait dû s'accrocher à lui, lui prouver qu'elle n'était plus rien sans lui. L'aimer était désormais chose vaine, partagée entre la haine et l'espoir.

Le Chant des SirènesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant