Chapitre onze : Les naufragés

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Diana tendit la main vers le capitaine alors que les ombres denses des abysses s'étendaient peu à peu autour de lui et l'engloutissaient langoureusement. Elle agrippa fermement le col de sa chemise blanche et le remonta à la surface pour qu'il pût respirer.

Aussitôt furent-ils à la surface que la mer abattit ses vagues sur eux comme d'immenses mains noueuses d'écume voulant les étrangler coûte que coûte. Ils replongèrent dans le cauchemar et Diana perdit l'homme dans la bataille. Prise de panique, elle le chercha dans la tempête rageante et infatigable, mais elle ne rencontra que des récifs meurtriers sur lesquels elle se heurta violemment. Ses bras et ses hanches lancinaient de douleur, mais elle s'en moquait. Le sang teinta la mer d'un rouge dense, presque aussi sombre que l'abîme de la mer. La peine et l'épuisement lui faisaient tourner la tête.

Malgré les caprices de la mer, elle ferait tout pour le sauver. Elle y laisserait sa vie, s'il le fallait.

Diana le vit suffoquer dans le tumulte des vagues. Elle n'avait plus de temps à perdre. Lorsqu'elle se tourna vers lui, ses cheveux châtains semblaient voler en corolle dans une douce brise, portés par les courants plus calmes des profondeurs. Elle hésita à toucher son visage. Ses yeux le détaillèrent avec un étrange sentiment de familiarité. Les muscles de sa mâchoire, les courbes de ses lèvres, la douceur de sa peau, la finesse et la tendresse de ses traits lui rappelaient quelqu'un. La sirène sentit son cœur exploser de chaleur dans sa poitrine lorsqu'elle posa les mains sur sa joue et sa nuque. Tendrement et prudemment, elle passa les doigts dans ses cheveux bruns et pressa les lèvres sur les siennes dans un souffle de chaleur. De profondes respirations gonflèrent et dégonflèrent ses poumons. Lentement, elle sentit ses forces diminuer à chaque expiration, à chaque caresse sur ses lèvres, à chaque lutte contre la mort.

Elle lui insufflait une partie de sa vie.

D'un puissant élan, elle le remonta à la surface alors que le baiser s'achevait. Ses membres tremblaient et son énergie menaçait de s'évaporer à tout instant. Prise d'un étourdissement, elle entendit avec soulagement les battements impulsifs de son cœur s'affoler. Leurs lèvres se séparèrent lorsque le pirate reprit connaissance à l'air libre. L'inconnu inspira jusqu'à crachoter toute l'eau qu'il avait ingurgitée et se détacha de la sirène.

La vision de Diana était brouillée, comme si un voile de brume flottait indistinctement devant ses yeux. Sa tête tournait dans tous les sens. En quelques secondes, ses forces s'étaient réduites en cendres, envolées comme un simple nuage de fumée. Diana se laissa tomber dans les vagues de la tempête calmée, mais elle ressentait encore le goût des lèvres du pirate planer sur les siennes.

Le froid de l'eau la paralysa soudainement. Les coraux frôlèrent ses doigts tandis que les vagues la berçaient. Lorsque le noir l'enveloppa dans son doux manteau glacé, elle perdit toutes les notions. Elle ne savait plus qui elle était, ce qu'elle faisait, où elle était et combien de temps s'était écoulé durant cette chute lente et pesante dans les profondeurs. Ivre de fatigue, pourtant, elle sentait que des mains touchaient son corps et la tiraient vers la lumière. Des bras enlacèrent son dos et épousèrent ses courbes. Une douce chaleur l'étreignit tout à coup, enivrante et frissonnante à la fois. Les mains parcoururent les lignes de son ventre jusqu'aux creux de ses fossettes en bas du dos et effleurèrent ses hanches tels des pétales caressant sa peau. Elle était perdue dans son esprit qui la charmait d'illusions attendrissantes. Pourtant, cette chaleur semblait si réelle...

Diana sentit son corps se soulever, mais alors qu'elle comprit finalement que quelqu'un la sauvait des dernières vagues houleuses de la tempête, elle perdit lentement connaissance.

Bientôt, le noir recouvrit l'espoir de lumière à la surface et le soleil qui viendrait après l'orage. Elle sombra dans les clapotis des vaguelettes et dans la légère brise apaisante du calme. Les ombres l'embrassèrent et la firent valser dans ses pensées virevoltantes, presque... euphoriques.

Le Chant des SirènesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant