Chapitre quarante-et-un : Trahison

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Quelques heures avant l'aube, les pirates du Loyal Black s'activaient pour préparer les canons à l'attaque et vérifier l'état de la poudre stockée dans les cales. Sur le pont, marins et sirènes se mêlaient en un seul équipage, unis, comme s'ils avaient effacé leurs différends le temps d'un combat commun. Les femmes de la mer, désormais vêtues d'habits amples de pirates, aiguisaient leurs lames et s'entraînaient entre elles sous les regards admiratifs de leurs alliés. Leurs redoutables techniques de combat, bien que différentes des leurs, ne les laissaient guère indifférents. Parfois, quelques-uns d'entre eux s'engageaient dans leurs entraînements pour leur apprendre d'autres coups tout aussi assommants, en échange de conseils pour se déplacer avec autant de fluidité et de rapidité.

Du haut de la dunette, Diana, accoudée au bastingage, observait l'unité grouillante sur le pont principal se renforcer un peu plus à chaque minute qui passait. Un sourire s'esquissa sur son visage tandis qu'elle contemplait la mer plongée dans la nuit bleutée, poudrée d'étoiles dans le ciel sombre. L'aube approchait, lentement, ainsi que le point brillant à l'horizon : le Seas Hunter. Le Loyal Black ne tarderait pas à rattraper le navire ennemi. Si le vent se montrait clément, alors le navire atteindrait son adversaire aux premières lueurs de l'aube dans le ciel. À la clarté rosée du petit matin. Peut-être même un peu avant si les vagues les poussaient suffisamment.

Près d'elle, Shane tenait la barre en plissant les yeux sur la ligne étroite qui confondait le ciel et la mer. À ses côtés, Demba, son second, était concentré sur la tache difforme du vaisseau pirate, une longue-vue serrée entre les doigts.

- Dans combien de temps l'atteindrons-nous ? lui dit Demba en rétractant la longue-vue dans un cliquetis métallique.

Le capitaine décocha un œil sur sa carte et sur son compas pour s'assurer qu'ils ne déviaient pas de leur trajectoire. Il reporta son regard outremer sur l'horizon.

- Dans deux heures environ, si le Seas Hunter maintient cette allure, affirma-t-il en redressant son tricorne sur son front.

Le vent fit claquer les voiles noires, gonflées comme des ballons. Le Loyal Black filait à bonne allure. Il avait cette légèreté et cette vitesse que le Seas Hunter ne pouvait égaler. Tandis que l'un était fin et taillé pour fendre les vagues les plus cassantes, l'autre, en revanche, était lourd sur la mer et maladroit dans les tempêtes. Cependant, le Seas Hunter possédait de nombreux atouts que l'équipage ne pouvait se permettre de négliger. Sa force d'armement et sa férocité pourraient faire pencher la balance de leur côté. Le nombre de pirates à bord était bien plus supérieur que le leur, au moins une cinquantaine contre une quarantaine. Mais l'arrivée imprévue des sirènes avait offert un nouvel espoir au Loyal Black. Une quinzaine d'entre elles avait rejoint l'équipage. Le reste de l'armada suivait le navire à la trace, plongeant silencieusement dans les vagues jusqu'à la Grotte.

Leur alliance pourrait bien tout changer.

Du coin de l'œil, Diana observait Maria en pleine discussion, sur le gaillard d'arrière, en compagnie d'un jeune mousse. Le garçon qui avait brandi son arme sur elle un peu plus tôt. Son regard pétillait dans celui de la sirène aux cheveux d'or, admiratif, buvant ses paroles. Diana ne pouvait pas s'empêcher de sourire devant la confiance qui s'établissait au sein de l'équipage, plus renforcée que jamais.

- Diana, prends la barre, lui dit Shane alors qu'elle se retournait vers lui, les mèches de ses cheveux tressés glissant sur ses épaules.

Demba tourna brusquement la tête vers son capitaine, si subitement que son cou craqua sous le choc. Il ouvrit des yeux ronds et analysa tous les faits et gestes de la sirène. Diana lui adressa un sourire bienveillant et s'installa face à la barre, les jambes campées et légèrement écartées, devant les yeux fiers de Shane.

Le Chant des SirènesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant