Les rayons du soleil lui effleuraient la joue délicatement, comme une main chaude caressant affectueusement sa peau. Quelques gazouillis d'oiseaux la berçaient chaleureusement, accompagnés du son des vagues. L'odeur salée de la mer assaillait ses narines de plein fouet. Des petites vaguelettes poussées par la faible brise d'été lui léchaient les pieds et son contact froid la fit frémir. La sirène ouvrit des yeux épuisés sur une étendue de sable chaud, mais la brutale luminosité l'incita à les refermer aussitôt. Elle prit des poignées de sable dans ses mains pour sentir la chaleur des grains au creux de ses paumes. Ses lèvres étaient si asséchées qu'elles craquelèrent lorsqu'elle soupira.
Le goût métallique dans sa bouche lui revint.
Elle se souvint de la nuit de terreur.
Elle se souvint du sang versé.
Elle se souvint des cris.
Lady Diana rouvrit brutalement les yeux, si bien que sa vision fut baignée de lumière vive et que des points colorés dansèrent devant elle. Elle se redressa douloureusement et hurla lorsqu'elle replia un coude pour maintenir son corps sur le flanc. La douleur lancinante l'accabla, puis, elle s'effondra de nouveau dans le sable brûlant. Lentement, elle ramena lestement le bras devant elle pour observer les dégâts. Des hématomes, aussi bleus que les fonds marins, cerclés d'une couleur verdâtre, recouvraient sa peau. Parsemés sur son corps comme des taches de peinture indélébile. Les poings serrés, elle implora ses dernières forces à la relever, mais elle ne reçut en réponse qu'une douleur plus pénible à chaque mouvement.
Lorsqu'elle embrassa la mer d'un regard embrumé par le supplice, elle vit avec stupeur que sa queue de sirène avait disparu. Un soubresaut la secoua, ce qui lui arracha un nouveau cri endolori. La sirène avait retrouvé ses jambes. Stupéfaite, elle recula comme si son propre corps lui jouait des tours, comme si elle ne le reconnaissait plus.
Un haut-le-cœur lui retourna l'estomac. Lady Diana se pencha sur le côté pour recracher le goût de la bile qui lui rappelait le massacre. Lorsqu'elle voulut se rincer la bouche, elle en profita pour nettoyer ses cheveux et son visage du sable. Elle rampa plus loin vers les vagues quand un scintillement la fit reculer aussitôt. Un cri de surprise s'échappa de ses lèvres, mais il était si rauque et si faible qu'elle fut prise d'une violente toux.
Depuis combien de temps était-elle abandonnée sur cette crique ? Combien de temps avait-elle survécu sans eau et sans protection ? Sa voix était tellement faible qu'elle se limitait à un chuchotement grave et enroué. D'un geste tremblant, elle palpa sa gorge et se leva vers l'eau lentement. Du bout des pieds, elle toucha l'écume. Rien ne se produisit. Lady Diana s'engouffra dans la fraîcheur de l'eau à hauteur de genoux, puis au niveau des jambes, mais la lumière ne se manifesta pas.
Alors qu'une vague remontait l'eau jusqu'à son bassin, les scintillements revinrent plus brillants. Les yeux écarquillés, elle vit son corps nu se recouvrir d'écailles émeraude et azur, jusqu'à atteindre sa poitrine. Une nouvelle énergie afflua dans ses veines. La douleur s'estompa et les hématomes s'effacèrent comme de la poussière soufflée par le vent. Paniquée, elle se rua sur la plage, effrayée à l'idée de revivre l'enfer du destin d'une sirène. Elle en avait assez vu.
Revigorée par les pouvoirs que lui procurait le sang venimeux des sirènes, elle tomba à genoux sur le sable. Qu'allait-elle devenir ? Comment en était-elle arrivée là ? Qu'avait-elle fait pour mériter une telle malédiction ? Serait-elle promise au destin d'une sorcière ? Peut-être était-ce là son véritable châtiment. Elle le méritait, elle ne pouvait en vouloir qu'à ses choix infantiles, stupides et immatures. Elle était indigne du rang de lady. Indigne de vivre.
La mer l'avait maudite. En revanche, la terre semblait lui laisser une seconde chance pour fuir son destin. Pourtant, quelque chose la retenait au son des vagues et au chant du vent. Son instinct lui disait que si elle avait fui la terre pour un meilleur avenir, c'était pour une raison. Alors, que lui resterait-il si elle n'acceptait pas la mer telle qu'elle était ? Que lui resterait-il si elle n'embrassait pas sa folie et sa douceur, sa cruauté et sa clémence, sa haine et sa passion ?
VOUS LISEZ
Le Chant des Sirènes
ParanormalDoux sont les chants de la mer qui s'élèvent dans la nuit. La brume nébuleuse dévoile la beauté. Mais quiconque décochera un regard épris, Éperdu dans une dernière étreinte éthérée, Appartiendra aux abysses pour l'éternité...