Chapitre XVII: Une illusion.

2.9K 308 11
                                    

Chapitre XVII: Une illusion.



Le visage posé contre la poitrine de son époux, enivrée par son odeur, Jeanne se laissait emporter par la douce mélodie de l'orchestre. Ils profitaient pleinement de ce moment de répit. Entourés par les cris des invités des Westley, les yeux clos, personne ne pouvait les sortir de leur bulle. Depuis une semaine, ils ne se le disaient pas mais Jeanne et Louis savait qu'ils partageaient certainement leurs derniers instants. Elle aurait souhaité qu'ils restent chez eux. Cependant il voulait profiter de cette dernière soirée avant d'embarquer. La dernière soirée d'insouciance, d'ivresse et de sécurité. Demain, ils profiteraient de leur dernière matinée ensemble avant de partir au port.


À quoi bon parler de sujets sérieux et tristes alors que l'un pouvait mourir demain? Louis était simplement heureux d'avoir Jeanne présente pour leur famille et Jeanne savait pertinemment que le temps était devenu précieux. Donc depuis deux semaines en famille, ils faisaient des promenades, parlaient au coin du feu et entouraient leurs enfants d'amour autant que possible. Elle n'avait pas été la meilleure femme. Sa présence était naturelle. Et puis cela la rendait heureuse. Par ailleurs, malgré l'énergie et la volonté qu'elle employait pour entourer son mari avant cette future épreuve, souvent son esprit vagabondait du côté de Léandre. Elle ne l'avait pas revu depuis le jour de l'engagement. Elle ressentait toujours de la colère après lui. Cependant à chaque fois son cœur se serrait. Elle aurait aimé savoir ce que l'avenir leur réserverait. Léandre lui reviendrait-il. Et Louis? Les deux hommes qu'elles aimaient fonçaient dans les bras de la mort. Elle avait un présentiment, la guerre emporterait au moins une part de son cœur.


La chanson toucha à sa fin et pourtant Louis la gardait serrer contre lui. Elle se mit sur la pointe des pieds et enfuit le visage dans le cou de son époux pendant qu'il lui entourait la taille de ses bras. Son parfum était si doux. Tout comme lui. Louis n'était pas fait pour la guerre. Les larmes aux bords des yeux, elle resserra plus fort son étreinte. Si seulement il y avait un moyen pour l'empêcher de partir. Louis s'écarta d'elle. Il n'aimait pas attirer les regards et leur geste d'attention sans gêne avait eu cet effet. Elle baissa les yeux. Si elle le regardait, elle se mettrait à pleurer. Il lui prit doucement la main et l'amena vers leur table où George discutait avec un invité. Judith devait être certainement près du bar à remplir leurs verres. Elle s'était attribuée le rôle de les rassassier en champagne toute la soirée. Jeanne le savait, Judith voulait qu'ils profitent de l'instant présent. Loin des préoccupations de la guerre.


Jeanne souriait en rejoignant sa table. Machinalement elle leva la tête. Elle vit le regard des jeunes hommes présents. Tous semblaient s'amuser et pourtant leurs yeux les trahissaient. Ils étaient inquiets et effrayés. Elle balaya le plus de visages possible. Ils pouvaient faire comme si la guerre était pour demain, elle était dans les esprits. Lorsqu'elle s'assit, la frayeur avait imprégné son visage. Lentement Louis lui repoussa une mèche de cheveux, tombée sur son front, derrière l'oreille. Ils se sourirent tendrement. Puis George l'interpella. Leur ami riait aux éclats et voulait partager la raison de sa joie. Même s'il était préoccupé pour le cas de ses amis, la guerre ne lui ouvrait pas les bras. Comme Jeanne aurait aimé être à la place de Judith. Elle n'avait pas le cœur qui voulait sortir de sa cage thoracique. En fait son coeur n'était pas destiné à pleurer. Elle leva les yeux vers les hôtes, Paul et sa femme qui swinguaient sur la piste improvisée de la salle de bal. Elle portait une longue robe jaune qui semblait flotter. Elle était parfaitement assortie à la décoration de la salle. Rendant à cette pièce sa gaieté éclipsée par le bois agressif des murs. La couleur jaune était aussi présente grâce aux fleurs de cette couleur sur les dizaines de table. Ils étaient en petit comité ce soir. Jeanne ignorait la raison de leur invitation. Ils ne pouvaient être considérés comme des proches. En tout cas, elle les remerciait de leur accorder un moment de gaieté.

IdemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant