Chapitre XVIII: Attendre.

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Chapitre XVIII: Attendre.



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Léandre:


Durant le trajet jusqu'au port, Léandre n'avait pas réussi à maitriser sa jambes qui frétillaient nerveusement. Au milieu de sa femme et de sa sœur, celles-ci avaient rapidement remarqué l'état d'esprit de l'homme de la famille. Il n'avait pas protesté lorsque toutes deux lui avaient pris la main. Cela lui apportait du réconfort. Il avait besoin de sentir qu'il n'était pas seul. Désormais qu'il se trouvait à quelques minutes d'embarquer, il regrettait sa décision. Allait-il un jour reposer un pied dans ce pays? Et surtout, reverrait-il la seule femme qu'il aimait? Jeanne. Son cœur se serra, il avait besoin d'elle. Et elle n'était pas là. La veille, il aurait tant voulu lui dire ce qu'il avait sur le cœur. Une dernière fois.


Il ignorait la destination de ce voyage. Il savait seulement qu'il vivrait des moments horribles. Des moments bien pires que ce qu'il pouvait imaginer. Il eut la nausée. Il toussa nerveusement afin d'essayer de la faire passer. Au contraire, de la sueur perla sur son front. Les deux femmes l'entourant restaient silencieuses. Elles lui serraient simplement la main en regardant la route défiler. Il n'osait faire de même, il restait là à fixer le sol du véhicule. Il ne voulait pas savoir combien de temps de liberté lui restait-il. Il se sentit épié, il leva la tête et remarqua le regard triste et angoissé du chauffeur Tom dans le rétroviseur intérieur. Même cet homme allait lui manquer. Il avait toujours était dans l'ombre mais il était là. Vivant les moments heureux comme tristes de Léandre en restant discret. Il ne pouvait voir ce genre de sentiments dans les yeux de son vieil ami.


Il tourna la tête vers sa sœur. Elle avait tellement grandi. Elle devenait une magnifique jeune fille. Ses cheveux blonds comme la paille relevés en chignon la rendait plus sérieuse. Seule la couleur rose de sa robe rappelait son âge. Elle devait profiter de ses dernières années d'innocence. Il s'était entretenu avec elle avant de partir. Il voulait qu'elle sache à quel point il l'aimait et que s'il arrivait la moindre chose à son grand frère, que son éblouissant sourire ne devait pas disparaitre de son visage. Elle s'était jetée dans ses bras en pleurant et en le suppliant de ne pas parler de cette façon. Il remarqua alors qu'elle avait le yeux embués. Elle serra la mâchoire pour ne pas fondre en larmes. Elle préférait focaliser son attention sur la route. S'il continuait de regarder sa petite soeur, il finirait dans le même état.


Il regarda alors sa femme, Élisabeth. Comme d'habitude, son visage était vide d'expression. Elle restait la parfaite femme riche et bien élevée en toute occasion. En revanche, après ces années il la connaissait. Elle avait un cœur tendre, empathique et surtout elle avait supporté tant de choses que peu de femmes auraient autorisées. Et elle était toujours là. Il se fit la réflexion que s'il devait mourir, Elisabeth serait enfin libre. Elle ne méritait pas cette vie. Donc, même dans le cas le moins probable où il rentrerait, il la laisserait partir. Elle était encore jeune et pouvait refaire sa vie. Après tout ce temps, il avait de l'affection pour celle. Par ailleurs, il ne l'aimerait jamais. Chacun n'avait qu'un seul et unique amour dans sa vie.


Tom se gara derrière une file de voiture. Des centaines de voitures stationnaient n'importe où. Des gens se disaient au revoir, d'autres pleuraient pendant que certains se forçaient à sourire. Les femmes s'étaient faites belles pour leurs époux ou leurs fils. Elles tenaient leur chapeau afin que le vent puissant ne les emporte pas. Toutes les personnes présentes avaient une chose en commun, la tristesse sur leur visage. Il remarqua que des hommes étaient déjà en uniformes. Bientôt, il n'y aurait plus aucune distinction sociale. Ils seraient tous au même rang et auraient le même objectif: survivre et aider les alliés à triompher de cette guerre. Eve et Élisabeth lui lâchèrent la main et se mirent à remuer sur leur siège. Il se sentit immédiatement horriblement seul.

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