Chapitre 18 : Le château de cartes

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- Stupéfiant, s'exclama Gisèle la sorcière. Vous cherchez donc à détruire les perles de la discorde. Mais pensez-vous vraiment que les habitants des autres régions ... Je veux dire ces gens là sont très peu fiables et ...

- C'est la perle de la discorde qui vous souffle ces pensées, madame Gisèle, répondit Bobfish. Nous avons rencontré des gens d'autres régions et ils sont aussi sympathiques que vous et moi. D'ailleurs, nous aussi venons d'autres régions.

- Sauf une d'entre nous, précisa la voiture. Je viens de l'est du volcan, je viens de m'en rappeler.

- Vous avez de la chance que votre amnésie se dissipe, grommela Capitaine Lapinou. Moi, la seule chose dont je me souviens, c'est que le magasin où je vais d'habitude vend des carottes bio. Ce n'est pas à proprement parler le souvenir le plus utile du monde.

- Là, il faut tourner à gauche madame ... euh ... Quel est votre nom déjà ? demanda Gisèle.

- Vous pouvez m'appeler « la voiture », dit ... la voiture.

- D'accord. Il faut tourner à gauche après le cadavre.

- Le cadavre ?

Médor aperçut par la fenêtre un squelette blanchi, affalé sur un rocher. Il se demanda pourquoi personne ne l'avait enterré, ou au moins déplacé. Avant que la voiture ne s'en éloigne trop, il parvint à apercevoir une carte à jouer sur une de ses rotules. Avait-elle simplement été emportée par le vent ? Ou était-elle liée à la mort du propriétaire du squelette, d'une façon ou d'une autre ? Il fut sorti de ses pensées par les paroles de Gisèle :

-Si vous voulez des conseils, mes petits, conseilla la sorcière, il y a un vieux magicien du feu en haut du volcan qui pourrait être le gardien de la perle.

- Comment ça magicien du feu ? demanda Nestor.

- La plupart des magiciens, sorciers et enchanteurs ont une spécialité : le feu, l'électricité, le jus de fruit ...

- Le jus de fruit ?

- Ne sous-estimez pas le pouvoir des boissons fraiches, dit Gisèle. Moi, ma spécialité concerne les jeux de cartes, regardez ma maison.

Devant eux, un magnifique château de cartes brillait de mille feux. Le dos des cartes était doré et elles étaient agencées selon un schéma complexe. Précisons également que chaque carte mesurait plus de deux mètres de haut. C'était un spectacle magnifique, mais Médor ne put pas s'empêcher de se poser des questions : La spécialité de Gisèle concernait les jeux de cartes. Or, il avait aperçu une carte sur le squelette. Il n'avait aperçu aucune marque sur le squelette, comme si il y avait eu quelque chose de magique dans sa mort. Le cadavre était très proche de la maison de Gisèle. D'ailleurs, celle-ci était très isolée, comme si Gisèle vivait en marge de la société, ou qu'elle en avait été bannie. Il l'avait certes hypnotisée mais ses pouvoirs d'hypnose étaient très limités, et il était possible qu'elle y ait résisté et fait semblant d'être ensorcelée.

Ils passèrent la soirée à jouer aux cartes et à regarder les nombreux tours de magie de Gisèle. Ils étaient très réussis, mais Médor ne cessait de la dévisager en se demandant si elle avait tué le propriétaire du cadavre, ou si il ne s'agissait que d'un malheureux concours de circonstances. Ses soupçons prirent cependant un nouveau coup lorsque Gisèle annonça :

- À propos, je préfère que vous ne sortiez pas de votre chambre la nuit.

Ces paroles eurent bien entendu l'effet immédiat de pousser Médor à décider de sortir de sa chambre cette nuit. Lorsqu'il tenta de le faire, cependant il s'aperçut que la porte était verrouillée.

Elle ne me fait pas confiance, songea t-il, elle crois que je vais sortir de ma chambre. Je ne tolérerai pas un tel manque de confiance ! Pour la peine, je vais sortir de ma chambre !

Si vous trouvez que cette réflexion était incohérente, sachez que par rapport au chien de Tindaloos moyen, Médor était considéré comme un véritable logicien.

Médor s'aperçut bien vite qu'il était impossible de forcer la porte, de la brûler ou de la détruire, et, de plus, il préférait que Gisèle ne s'aperçoive pas qu'il avait tenté de lui désobéir en sortant de sa chambre. Il préféra donc écouter discrètement à la porte et entendit la sorcière marmonner des incantations : "Aspielta naëlpuntare fint malusbuera nash taka gramaemna fiûltò narnock". 

Au bout d'un certain temps, il sentit une légère odeur de fumée. Il se demanda un instant si il l'avait lui-même provoquée en stressant (Il s'enflammait régulièrement par erreur.) Mais le chien de Tindaloos s'aperçut vite que ça ne venait pas de sa chambre. La fumée que Gisèle avait apparemment invoquée s'insinuait par le trou de la serrure et par les interstices entre la porte et le mur. Elle rampait dans sa chambre, s'approchant de lui peu à peu. Médor crut distinguer une forme d'oiseau, un oiseau fait de fumée sombre, avec des yeux rouges flamboyants. Petit à petit, l'oiseau grandissait et s'approchait de lui.

Médor, effrayé, lui lança quelques boules de feu qui le traversèrent sans rien lui faire. L'oiseau ouvrit son bec hideux et le claqua à quelques centimètres du museau de Médor. Le chien recula jusqu'à être acculé au mur, mais le monstre s'approchait de plus en plus de lui. Le chien de Tindaloos ferma les yeux, résigné à accepter la mort. Lorsqu'il les rouvrit, l'oiseau avait disparu et les incantations de Gisèle s'étaient arrêtées. Médor tituba jusqu'au lit, s'y affala et s'endormit profondément.

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