Chapitre 10 - partie 2

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— Campo dell'Oro, cinq minutes d'arrêt ! annonce fièrement Mamé en donnant un coup de frein énergique à sa Fiat Panda.

Le trajet jusqu'à l'aéroport d'Ajaccio-Napoléon-Bonaparte nous a pris un peu plus d'une heure.

Je m'avance depuis la banquette arrière pour passer une tête entre les sièges de devant. Mamé me renvoie mon sourire tandis que Ronron, assis sur la place passager, reste muet un instant — enfin, assis... il est plutôt tordu sur le siège en raison de sa corpulence hors normes.

Le pauvre, je m'aperçois qu'il est tout vert.

— Mince, tu es malade en voiture ? compatis-je.

— La prochaine fois que tu m'assures que ton arrière grand-mère est une pro du volant, rappelle-moi de ne pas te croire.

Aio ! Tu es arrivé à bon port, non ? se moque l'intéressée.

— À bon aéro-port ! relevé-je en ricanant.

— Rappelle-moi également pourquoi ce sont aux habitants d'Arkhi qu'on a décidé d'attribuer le qualificatif de démons plutôt qu'aux humains ?

— Plaît-il ? demande innocemment mon arrière grand-mère.

Ronron préfère en rester là. Il ouvre sa portière et déplace son siège pour que je puisse m'extirper à mon tour de la boîte de conserve qui nous a servi de moyen de locomotion.

Mamé fait le tour du véhicule pour me rejoindre et m'enlace tendrement.

— Bon voyage, ma biquette. Je compte sur toi pour sauver le monde. Mais n'oublie pas, qui a des noix en casse, qui n'en a pas s'en passe.

— Amen, conclus-je en l'embrassant.

Le sens de ses paroles m'échappe encore mais je suis sûre que je les comprendrai un jour.

Après ma mort, probablement.

Entre temps, Ronron est allé récupérer ma valise dans le coffre. Il la tient à la main et ne compte visiblement pas la lâcher, m'empêchant de l'enfourcher comme je l'espérais.

Je m'apprête à lui reprocher de me gâcher mon plaisir, une fois de plus, mais il me prend de court en m'adressant les mots les plus doux du monde :

— Sois prête à dégainer Méduse. On aura certainement droit à un comité d'accueil et je te laisse carte blanche pour venir à bout de tous les filii gê qu'on croisera sur notre route.

Oooooh ! Je suis définitivement conquise.

C'est le plus beau jour de ma vie. Pour la première fois, je vais pouvoir incarner parfaitement mon rôle de super héroïne. Sans entrave.

Après un dernier au revoir à Mamé, nous prenons la direction de l'aéroport et, de ce fait, de la salle du téléporteur.

Je reste sur le qui-vive durant tous le trajet, observant avec suspicion les différents groupes de touristes que nous croisons.

Ronron doit abaisser ma main à plusieurs reprises pour m'empêcher de freezer tous les malheureux que je considère comme des suspects potentiels.

Il faut dire que la faune est des plus douteuses : entre le vieux papi gâteau aux faux airs innocents qui se cache derrière son journal pour nous fait croire que la rubrique sportive est passionnante, et les pseudo-militaires en uniformes qui déambulent dans le hall, armés jusqu'aux dents, mais surtout disposés à zigouiller de la surrogata... Il y a de quoi être méfiant.

Ce n'est qu'une fois parvenus devant une porte cachée à la vue de tous, non loin de la partie boutique, que Ronron relâche la bride et m'accorde une plus ample liberté de mouvements.

Deka Kerberos - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant