Chapitre 14

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«  Si ce temps humide continue encore un mois, au printemps tout sortira de terre.

Diable ! Et moi qui viens d'enterrer ma belle-mère ! »


Les petits sont toujours les derniers à savoir quand il pleut, observé-je pensivement en regardant à travers la fenêtre de la cuisine le déluge qui s'abat actuellement sur cette partie de l'Ontario.

Les grands pins de la forêt sont les premiers touchés, puis vient le tour des arbrisseaux, qui se battent vaillamment pour ne pas ployer sous les trombes d'eau.

Il tombe averse depuis près d'une heure, ça me déprime.

Peut-être que je serais de meilleure humeur si la frustration ne guidait pas chacun de mes pas depuis des jours...

Je suis frustrée d'être obligée de me confiner sans voir mes amis ; frustrée que les recherches de Liam n'avancent pas plus vite ; et surtout, surtout, frustrée de ne pas pouvoir assouvir mes désirs avec l'homme le plus sexy que la Terre n'ait jamais porté en son sein... Alors que ce dernier semble plus que partant pour entamer ce type de réjouissances avec moi.

La cocote minute a fini par exploser. Enfin !

Depuis le temps que j'attendais. Seulement, voilà... Je ne peux même pas en profiter.

J'essaie de me réconforter en me disant que si Liam met la main sur le Dracophyl rapidement, je pourrais peut-être convaincre Ronron de sauter le pas dans la foulée...

Notre envie irraisonnée de déclencher le Koï nonos sera sans doute moins présente en sachant que j'ai un talisman protecteur pour assurer mes arrières le jour de la Sainte des i...

Et même si nous dérapions au point de prononcer la formule interdite en plein ébat, je n'aurais qu'à activer l'artefact en prévision. Nous serons peut-être liés, mais au moins, je n'aurais pas perdu ma force vitale dans le processus.

Le temps de recharge est de deux semaines. C'est long, certes, mais il reste cinquante-cinq jours avant la jonction des mondes...

J'ai fait le calcul, comme j'avais du temps à tuer : admettons que Liam revienne demain et qu'on enchaîne directement avec vingt-quatre heures de débauche enfiévrée... Si nous tenons ce rythme tous les quinze matins, on aurait de quoi se perdre dans la luxure quatre fois au minimum jusqu'au jour J.

Peut mieux faire... Mais c'est toujours ça de pris.

Malheureusement, j'ai bien peur de me bercer d'illusions.

Aux dernières nouvelles, le Dracophyl était détenu par un certain Nigel Bandi... Toutefois, l'adresse exacte de ce Papouan-Néo-Guinéen n'était pas précisée sur le document, et le gars est forcément décédé depuis le temps puisque le texte qui le mentionnait a été écrit en 1880.

On a beau avoir affaire à un filigay doté d'une magie suffisante pour activer le talisman, Ronron m'a confirmé qu'il n'y avait aucune chance qu'il ait survécu.

Le Dracophyl ne préserve personne d'une mort naturelle.

Ce fameux bandit serait âgé de plus de cent quarante ans si c'était le cas... Il aurait largement de quoi coiffer au poteau notre illustre Jeanne Calment.

Bref, Liam nous tient au courant de ses avancées, mais il a quelques îles à fouiller et tout un arbre généalogique à remonter pour tenter de retrouver les descendants du bonhomme... Chose plus difficile à réaliser quand il n'a pas accès au registre des filii gê.

Deka Kerberos - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant