Chapitre 14

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"Selon nos dernières informations, quatre personnes seraient mortes dans l'incendie."

Je crache mon dentifrice dans le lavabo. "On dénombre une trentaine de blessés, dont six actuellement hospitalisés."

Hmm. Je vois.

Je me rince la bouche. Mon cerveau me rappelle un orage, brouillé et sombre.

"Une équipe de super-héros locaux est actuellement en train d'enquêter sur la cause de l'incendie. L'identification du coupable ne saurait tarder..."

J'éteins les infos. Je n'ai pas à écouter ça.

C'est vrai après tout... je n'ai pas pu causer cet incendie. Je n'en ai aucun souvenir, si ce n'est un faible sentiment de culpabilité.

Et puis... même si je l'ai fait, est-ce que c'est vraiment si grave que ça ? Un mort de plus, un mort de moins, qu'est-ce que ça change ? Si ça se trouve, les gens que j'ai tué - si je les ai tués - étaient des tueurs en série qui allaient massacrer tout le monde demain soir ! En fait, j'ai plutôt fait une faveur à cette ville en leur prenant la vie.

Je hoche la tête à mon miroir. Oui, j'ai raison ! Tout va bien, je n'ai rien fais de mal.

De toute manière, ce genre d'accidents arrivent sans arrêt, à Melpomène. Ce n'est pas comme si ça allait changer quoi que ce soit.

Je fronce les sourcils. La salle de sport est fermée. Ce n'est pas normal.

-Vous étiez un habitué, non ?

Je sursaute. Un homme à l'air fatigué me regarde, la tête penchée. Il n'a pas toutes ses dents. Je crois que je l'ai déjà vu.

-Qu'est-ce qui c'est passé ? Normalement, la salle devrait être ouverte à cette heure... On est un jour férié ?

Ah oui. Cet homme est celui qui m'avait attaqué, le jour où j'avais découvert mon intangibilité. Il a l'air en meilleure condition que la dernière fois. Et moins drogué. Avec un peu de chance, il m'a oublié.

-Le gérant était un ami. Il est à l'hôpital, maintenant. La fille qui le remplaçait à quitter son job il y a quelques jours, et personne n'a repris sa position. Je crois.

-Oh...

Edern et Aristide la connaissent. Il faudrait que je leur demande ce qu'il lui est arrivé.

-Enfin, qu'est-ce que ça change. De toute manière, cet endroit tombait en miettes. Plus personne ne sort, alors il n'y avait plus de client. Vous imaginez ça, un magasin sans client ? Quoique, c'est ce que deviennent les supers marchés. J'en reviens, et j'étais seul là-bas. Maintenant, tout le monde paye des super-héros pour faire ses courses, sauf moi, parce que j'ai encore de l'honneur. Les gens de nos jours n'en ont plus.

Je hoche la tête, désintéressé. L'homme ronchonne et s'en va.



Moi : la fille à la salle de sport, c'est quoi son nom

Aristide : ?

Aristide : ah

Aristide : tu es trop vieux pour elle

Moi : pardon ?

Moi : je demande ça parce qu'elle a arrêté d'ouvrir la salle

Aristide : ouf

Aristide : c'est Nasrin Dives

Aristide : elle était dans ma classe au lycée

Aristide : je crois que maintenant elle suit des études en télétravail parce que l'université ou elle voulait aller n'accepte pas les gens de Melpomène

Mais je m'en fiche...

Moi : Tu sais ce qui lui arrive ?

Aristide : Je crois que sa sœur est hospitalisée à cause d'un mec qui a volé la voiture de ses parents hier soir.

Aristide : en tout cas, c'est ce qu'Edern m'a dit


Je pose mon téléphone, tremblant. C'est moi qui ai fait ça.

Le temps passe, lentement, sans que je sois capable de faire quoi que ce soit. Soudain, quelqu'un passe sa main devant mes yeux.

-William ? Ça va ?

Je sursaute. Aéna. Elle sourit.

-Euh, oui oui, tout va bien.

-Super ! Tu viens prendre un café ? Il est déjà 15h23 !

Je hoche la tête, comme un automate, avant de la suivre jusqu'à la salle de pause. Puis, je m'assois sur un siège, tandis qu'Aéna prépare des boissons - ce qui consiste principalement, dans son cas, à une longue observation de sa personne.

J'ai remarqué qu'elle avait une obsession avec son reflet. Dès qu'elle croise une vitre, un miroir ou même une cafetière, elle se regarde dedans. Si ce n'est pas du narcissisme, je ne sais pas ce que c'est.

-Tu as entendu parler de l'incendie ?

Elle ne se retourne même pas.

-De quoi tu parles ? Il y a des incendies tous les deux jours, ici.

-Celui d'hier soir. Qui a fait quatre morts.

-Quatre morts ? C'est pas grand chose.

Je manque de m'étouffer en l'entendant dire ces mots. Plusieurs personnes sont mortes à cause de moi, et elle fait comme si de rien n'était.

-Bon, c'est vrai que je n'ai pas trop suivi l'actualité ces derniers temps, ajoute Aéna en prenant deux tasses. Mais les infos, c'est toujours la même chose. Dis moi, qu'est-ce qui rend cet incendie si particulier ? Il s'est passé quelque chose ? Une célébrité est morte ?

-Des gens sont décédés...

-Des proches à toi ? Toutes mes condoléances.

-Non...

Le téléphone d'Aéna sonne. Elle pose les tasses sur la table avant de soupirer.

-Eh bien. Il semblerait que je doive y aller. Le devoir m'appelle ! ironise-t-elle.

Et, sans même boire son café, elle s'en va.

Je fronce les sourcils, ma main réchauffée au contact de la tasse. Il y a quelque chose qui cloche.

Je n'y faisais pas trop attention avant, mais Aéna n'a aucune raison de disparaître comme ça sans arrêt. Elle n'a pas d'enfants, et elle m'a dit avoir coupé les ponts avec sa famille. Elle n'a pas de deuxième job, pas d'hobby particulier. Pourquoi elle a le droit de partir en plein milieu de la journée comme ça ?

Je bois un coup. Le café me brûle la gorge. Il est trop amer, j'aurais dû rajouter du sucre.

...

Je sais.

C'était évident, après tout. J'aurais dû m'en douter.

Aéna est une super-héroïne.




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Je pense que c'est une bonne fin de chapitre pour vous montrer un dessin d'Aéna que j'ai fais jeudi !

Guide du super-vilain renommé [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant