Chapitre 22

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Tout va bien.

Oui, c'est ça. Tout va bien. Je n'ai qu'à entrer dans la maison, papi y est seul. Edern et Aristide ne sont pas avec lui - merci à Zéro qui m'a promit de les faire sortir, et j'ai un briquet dans la poche. Alors tout se passera parfaitement.

Je frissonne. J'ai du mal à respirer. Lorsque j'appuie sur la sonnette, ma main bouge dans tous les sens. Et quand la porte s'ouvre, je sens ma gorge qui me demande de vomir.

Papi a l'air plus vieux que d'habitude. Ça me dérange un peu, dans un sens. Si je dois le tuer, j'aimerais mieux qu'il ait cet air de méchant horrible qu'il a dans ma tête. Pas celui d'un homme âgé sans défense, à la chemise tachée de peinture.

-Tiens, William ! J'étais en train de lire un article sur les élections de mai, dit-il. Qu'est-ce qui t'amène ici ?

-Oh je... Je venais dire bonjour.

-Formidable. Edern et Aristide sont partis il y a quelques heures, mais ils reviendront bientôt, je pense. Tu veux un thé ?

-Un café, plutôt.

Il hoche la tête, et je le suis dans la maison. J'ai l'impression qu'elle pue encore plus que d'habitude. Ça doit être ça qui me fait mal au cœur. Fichu odeur.

-Pardon, il ne reste presque plus de café. Une amie d'Aristide est passée hier, et elle a presque tout fini. Je n'avais jamais vu quelqu'un en boire autant, un vrai exploit.

Le vrai exploit, c'est qu'Aristide ait des amis. C'est vrai, comment il fait pour lier des relations avec sa malchance ? Perso, je n'ai pas sa "malédiction", et pourtant, je ne me rappelle pas avoir eu d'amis depuis mon adolescence. Les relations sociales sont trop complexe.

-Tu ne préfèrerais pas une tisane ? me demande mon grand-père. Je crois qu'on en a un peu trop.

-Euh, je prendrais de l'eau, au final.

-D'accord...

Il apporte un verre et verse le contenu d'une carafe à moitié vide dedans. Elle a un manche à demi cassé, et quelqu'un a dessiné des spirales dessus - ma mère, il me semble, quand elle était jeune et pas dans un asile. Tiens, je ne sais même pas pourquoi je décris autant cet objet. Concentre toi, William. Tu es là pour tuer Arsène Sadalbari, pas pour admirer la déco.

Mon grand-père s'assoit sur un siège, et je reste debout, car je n'ai aucune conscience des normes sociales.

-Alors, William, qu'est-ce qui t'es arrivé de bien ?

-Euh, mon entreprise a pris feu. Et ma supérieure est morte. Et toi ? Tu as fait de nouvelles peintures ?

Ma question - ou alors les nouvelles de ma part, mais c'est moins probable - le prend de court. Il sourit, perturbé.

-Oui. J'ai fini ce matin une peinture représentant l'observatoire du coin. J'en suis très fier. Tu voudrais la voir ?

-Non. J'ai déjà vu cet endroit assez de fois qu'il n'en faut dans une vie toute entière.

Il rit.

-N'exagère pas. Tu n'y es allé que quelques fois.

Je ris, décontenancé par le sentiment de révolte que me procure cette simple phrase.

-Oh, que quelques fois ? Tu fais quoi de toutes les nuits où j'ai dû me réveiller à pas d'heure parce que tu avais laissé Aristide là-bas ?

-Ce n'est presque jamais arrivé...

-Ça arrivait tous les jours ! je hurle, révolté. Tu oubliais Aristide là-bas en pleine nuit alors que, bordel, il avait moins de dix ans ! Et ne dis pas que je mens, je m'en rappelle très bien. Tu l'emmenais là-bas, alors que je te répétais encore et encore de ne pas le faire, et puis après plusieurs heures, tu rentrais à moitié soûl sans lui ! Alors je passais toute mes nuits à attendre que tu rentres parce que je savais que tu allais laisser Aristide là-bas et que j'allais devoir aller le chercher !

-Tu...

-"Je" quoi ? Je raconte des bobards ? Pardon mais c'est toi le vieillard ici, et je sais très bien que j'ai raison. J'avais 14 ans, alors je m'en rappelle à la perfection, moi ! Tu ne t'es jamais occupé de moi ou d'Aristide, absolument jamais, je ne sais même pas comment Aristide à survécu avant que j'arrive ici ! 

Je prends une profonde inspiration. Mon esprit part dans tous les sens. J'ai l'impression que quelque chose de profondément enfoui essaye de s'échapper. Ça fait mal.

-Tu t'en rends compte au moins ? je le questionne. Pourquoi est-ce que Aristide est aussi malchanceux, pourquoi est-ce que son père passe son temps à voyager, pourquoi est-ce que ma mère est en asile, pourquoi ta femme est morte, pourquoi je suis ce que je suis ? Je vais te le dire, moi ! Parce que tu es une grosse bouse, parce que tu détruis toutes les personnes qui t'entourent en les négligeant encore et encore et encore. Tu es borné, tu es cinglé, je ne sais même pas comment tu peux te regarder dans un miroir ! Tu es la pire personne que je connaisse, et je connais un gros tas de tueurs, de tarés et de psychopathes ! En fait, je suis persuadé que tu n'es pas humain, parce que personne avec ne serait qu'un cheveux d'humanité ne serait aussi horrible que toi ! Si tu avais une once de bon sens, tu mettrais fin à ta vie, et tu nous laisserais tous tranquilles !

-Arrête, Basi... non, W-William. Tu es hors de toi.

-HORS DE MOI ? Oh, rassure toi, je pense ça depuis des années, je t'ai toujours détesté et je te détesterais jusqu'à ma mort, et crois moi bien quand je dis que dès que tu seras mort, je serais l'homme le plus heureux au monde ! Je danserais sur ta tombe, non, tu sais quoi, je la brûlerais ! Ou pire, je détruirais ton cercueil et je ferais couler ton corps dans de l'acide ! A moins que je ne te laisse même pas avoir un enterrement, et que je te tue par moi même ! D'ailleurs, j'aurais dû le faire dès que j'en avais la possibilité, c'est-à-dire dès que je suis arrivé ici ! Papa aurait eu de la compagnie, dans l'au-delà !

Papi s'est levé tandis que je parlais.

-Sors, William. Je ne veux pas te voir dans cet état.

-Mais tu m'as mis dans cet état ! Si je tue des gens, c'est à cause de toi, si je suis taré, c'est à cause de toi ! Tu te demandes pourquoi je n'ai pas d'amis, pas d'argent ? À cause de toi ! Quand comprendras-tu enfin que le problème, le cancer de cette famille, c'est toi ? Personne ne t'aime ! Tiens, d'ailleurs, peut-être que justement, puisque ta femme ne t'aimait pas, tu l'as tué ? Ça ne m'étonnerait pas !

Une gifle claque sur ma joue. Arsène a l'air terrifié.

-Sors, William. Et ne reviens pas. Je ne le répéterai pas.

Je recule de quelques pas, et sens une soudaine boule dans mon ventre, un peu comme si j'avais avalé toute la honte du monde. Je me dirige vers la sortie, et puis, je fais demi tour, et je gravis l'escalier.

-William ! Arrête ça !

J'entends Arsène qui me suit. Mais il ne sera pas assez rapide. Et je sais que si je veux vraiment lui faire du mal, il n'y a qu'une chose à qui il tient vraiment. Et je sais où elle est.

Ses tableaux sont tous rangés dans sa salle de peinture, tout en haut. J'arrive dans le grenier, et sort le briquet. Arsène est toujours au premier étage, mais il se dépêche.

Je me brûle les mains en mettant le feu aux premières "œuvres". Ça ne fait pas mal, et je me contente d'éclater de rire comme seule réaction.

Les couches d'acrylique, d'aquarelle et d'huile partent en fumée. Je me sens libre. J'entends Arsène arriver. Le sol prend feu, et je ne sens rien. Je crois que j'ai activé mon intangibilité. Je crois.

Arsène court vers moi, mais il me traverse et tombe à la renverse. Le plancher craquelle. Je perds la notion du temps. Et quand je baisse la tête, je découvre que le grenier est tombé, et que la maison toute entière s'effondre. Quelqu'un aux cheveux blancs arrive en courant, au loin, tel une fourmi, mais il y a plus important. Arsène gise dans un coin, transpercé par un morceau de bois.




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RIP Arsène

Je suis pas très fière de ce chapitre... Les choses s'enchaînent trop vite. Comment font les gens qui arrivent à écrire des chapitres de 6000 mots ? 

En passant, je pense que je vais bientôt prendre une pause - j'ai pas trop le temps d'écrire en ce moment.

Guide du super-vilain renommé [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant